Dans la nuit du 19 au 20 juillet, le Sénat a adopté le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (244 voix pour, 90 voix contre).
Ce texte vise, d’une part, à « adapter les réponses d’urgence à la crise » et, d’autre part, à « soutenir les plus fragiles et les secteurs d’activité les plus touchés ».
Le montant global du plan de soutien à l’économie s’élève désormais à 461,5 milliards d’euros, dont 57,5 milliards d’euros de dépenses publiques et 327,5 milliards d’euros sous forme de garanties.
Le Gouvernement a revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2020 (-11% du PIB). Le déficit public devrait atteindre 11,4% du PIB. Quant à la dette publique, elle devrait s’établir à 121% du PIB.
Parmi les principales dispositions figurent :
- l’abondement du dispositif exceptionnel de soutien à l’activité partielle (le montant total des dépenses prévues par ce dispositif s’élève désormais à près de 31 milliards d’euros, dont 9,7 milliards d’euros financés par l’Unedic ; 12 millions de salariés ont bénéficié de ce dispositif) ;
- l’abondement du Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire (près de 8 milliards d’euros de financements publics sont mobilisés, complétés par une contribution des entreprises d’assurance à hauteur de 400 millions d’euros ; 4 milliards d’euros ont déjà été versés à environ 3 millions d’entreprises; les aides versées bénéficient d’une exonération fiscale et sociale) ;
- l’octroi de la garantie de l’État aux prêts accordés par l’UE au titre de l’instrument temporaire d’urgence pour atténuer les risques de chômage (SURE);
- l’octroi de la garantie de l’État à la Banque européenne d’investissement, au titre du fonds de garantie paneuropéen créé pour soutenir les entreprises confrontées à un manque de liquidités ;
- le renforcement du dispositif public de réassurance des risques d’assurance-crédit aux grandes entreprises et des risques d’assurance-crédit à l’export ;
- l’octroi de la garantie de l’État à un prêt de la Banque de France au Fonds monétaire international (soutien aux pays à très faible revenu confrontés à la crise sanitaire et économique) ;
- l’instauration d’une mesure exceptionnelle d’exonération de cotisations et contributions sociales, d’un dispositif de remises de dettes sociales et de plans d’apurement de cotisations (3 milliards d’euros) ;
- le remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits (400 millions d’euros) ;
- la possibilité, pour les travailleurs non-salariés confrontés à des difficultés économiques, de débloquer de manière anticipée une partie de leur épargne retraite (sommes exonérées d’impôt sur le revenu) ;
- la création d’une prime exceptionnelle pour le recrutement d’apprentis (300 millions d’euros en 2020 ; 8.000 euros pour les majeurs ; dispositif bénéficiant à toutes les entreprises) ;
- le financement du plan de soutien au tourisme (18 milliards d’euros) ;
- le financement du plan de soutien au secteur automobile (8 milliards d’euros) ;
- le financement du plan de soutien au secteur aéronautique (15 milliards d’euros) ;
- le financement du plan de soutien aux secteurs de la culture et des médias (434,4 millions d’euros, dont 100 millions d’euros pour la restructuration de l’entreprise Presstalis) ;
- l’ouverture et le redéploiement de crédits en faveur du secteur des nouvelles technologies (abondement d’un dispositif de garantie de prêts accordés à des entreprises en difficulté ; lancement d’une poche d’investissement en fonds propres visant à empêcher la prise de contrôle, par des acteurs étrangers, de start-ups développant des technologies d’avenir souveraines; etc.) ;
- le soutien aux collectivités territoriales affectées par la crise (création d’un nouveau prélèvement sur recettes au profit des communes et des intercommunalités ; abondement de la dotation de soutien à l’investissement local, en vue de financer des projets contribuant à la résilience sanitaire, à la transition écologique ou à la rénovation du patrimoine public bâti et non bâti ; versement d’avances remboursables aux départements dont la situation financière rend difficile l’absorption de la perte de recettes de droits de mutation à titre onéreux ; etc.) ;
- l’augmentation des crédits destinés à l’hébergement d’urgence (prolongation de la trêve hivernale; distribution de chèques-services pour l’alimentation et l’hygiène; etc.) ;
- l’ouverture de crédits en faveur des jeunes précaires (financement de la prime exceptionnelle pour les moins de 25 ans en difficulté du fait de la crise sanitaire; versement de bourses sur critères sociaux ; etc.) ;
- le financement du programme dit « vacances apprenantes » (accueil des enfants dans les écoles, les centres de loisirs et les colonies) ;
- le renforcement de la lutte contre les violences faites aux femmes (soutien aux associations de terrain ; accompagnement psychologique et social ; pérennisation des solutions d’hébergement; etc.) ;
- l’exonération fiscale et sociale de la prime versée par les établissements privés de santé ou du secteur social et médico-social à leurs agents et salariés particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence sanitaire;
- la prise en charge, par l’État, de l’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le coronavirus.
Le projet de loi comprend aussi des mesures en faveur des Français établis hors de France.
Il prévoit l’ouverture des crédits nécessaires à la mise en œuvre du dispositif de soutien annoncé le 30 avril dernier (200 millions d’euros).
L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) disposera de 100 millions d’euros supplémentaires (50 millions d’euros sous forme de crédits budgétaires et 50 millions d’euros sous forme d’une avance de trésorerie octroyée par l’Agence France Trésor). Elle pourra ainsi « venir en aide aux établissements qui en auront besoin, quel que soit leur statut (établissements en gestion directe, établissements conventionnés et établissements partenaires) pour le bénéfice de toutes les familles françaises et étrangères ».
L’abondement de l’enveloppe des aides sociales consulaires à hauteur de 50 millions d’euros permettra de « répondre aux besoins accrus des plus démunis de nos compatriotes, qui ne disposent d’aucune aide de la part de leur État de résidence, des assureurs ou des structures locales ».
Afin d’assouplir les critères d'éligibilité au secours occasionnel de solidarité (SOS), j’avais déposé un amendement qui a malheureusement été déclaré irrecevable par la commission des finances au motif qu’il aggravait une charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution. Cet amendement visait, d’une part, à permettre le versement du SOS pendant une durée maximale de six mois et, d’autre part, à autoriser le cumul du SOS avec une aide attribuée par le pays de résidence, lorsque le montant de cette aide est inférieur ou égal à celui du SOS.
Pour ce qui concerne les crédits d’aide à la scolarité, le projet de loi prévoit une hausse de 50 millions d’euros.
Avant le 1er octobre prochain, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport présentant les conséquences budgétaires de la crise liée à la pandémie de COVID-19 sur la diplomatie culturelle et d’influence française ainsi que sur l’enseignement français à l’étranger.
Le projet de loi prévoit également l’octroi de la garantie de l’État à l’Agence française de développement (AFD) et à sa filiale Proparco au titre des prêts et garanties accordés aux entreprises africaines – dont celles détenues par des Français – jusqu’au 31 décembre 2021, dans la limite de 160 millions d’euros. L’objectif est de « donner un coup d’accélérateur au programme Choose Africa ».
J’ai proposé, en vain, d’étendre cet excellent dispositif à l’ensemble des pays éligibles à l’aide publique au développement. Dans d’autres zones d’intervention du groupe AFD (Asie, Amérique latine), la crise économique liée à la pandémie de COVID-19 frappe de nombreuses entreprises, dont des TPE et PME créées et détenues par des Français établis hors de France.
Deux amendements ont par ailleurs été adoptés à l’initiative de la majorité sénatoriale. Le premier vise à augmenter les crédits destinés aux Alliances françaises et aux Instituts français (2 millions d’euros prélevés sur le budget du service public consulaire). Le deuxième a pour objet d’augmenter les crédits destinés à la diplomatie économique (10 millions d’euros prélevés sur le budget du service public consulaire).
À l’initiative du Gouvernement, le Sénat a adopté des amendements visant à :
- décarboner les procédés et produits industriels, accélérer l’adoption des technologies de l’industrie du futur et financer des projets de relocalisation dans les domaines de la santé (médicaments et dispositifs médicaux), de l’électronique, des télécommunications et des intrants essentiels de l’industrie (490 millions d’euros) ;
- diminuer le prix du ticket de restaurant universitaire pour les étudiants boursiers (un euro) et revaloriser les bourses sur critères sociaux à la rentrée universitaire 2020-2021 (50 millions d’euros) ;
- verdir le parc automobile de la police nationale et de la gendarmerie nationale (75,3 millions d’euros) ;
- tirer les conséquences budgétaires de l’annonce du Président de la République d’un plan de relance Jeunes incluant les contrats de professionnalisation dans l’aide exceptionnelle à l’apprentissage (744 millions d’euros) ;
- permettre l’allongement à six mois de la durée pendant laquelle un candidat à l’apprentissage peut démarrer sa formation avant une signature de contrat (7 millions d’euros).
Afin de tirer les conséquences budgétaires de l’annonce du Président de la République de mettre en place un dispositif exceptionnel de réduction du coût du travail, à hauteur de 4.000 euros par an pour les jeunes, le Gouvernement a présenté un amendement prévoyant une ouverture de crédits supplémentaires (un milliard d’euros). La majorité sénatoriale a rejeté cet amendement au profit d’un amendement du rapporteur général de la commission des finances prévoyant la création d’un dispositif exceptionnel d’aide à l’embauche (versement d’une prime pour toute embauche réalisée sur une période d’un an en CDI ou en CDD de plus de 6 mois ; 4.000 euros maximum sur deux ans ; majoration de 50 % pour l’emploi d’un jeune de moins de 26 ans en sortie de formation initiale).
L’économie générale du texte n’ayant pas été modifiée par le Sénat, le groupe LREM a voté pour.
Le 21 juillet, une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept députés et sept sénateurs tentera de proposer un texte commun sur les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées.