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Richard Yung
Octobre 2021

Le ministre de l’Economie et des Finances détaille les nouvelles mesures prises pour sauver les petits commerçants, mais aussi les TPE-PME. Des aides qui ont un coût : la dette Française va passer cette année de 117,5 % à 119,8 % du PIB.

Le Parisien, par Aurélie Lebelle et Sébastien Lernould, le 30 octobre 2020 à 21h57

Conscient que le nouveau confinement met en péril nombre de commerces et petites entreprises, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, dévoile le nouvel arsenal mis en place pour leur venir en aide.

200 000 commerces sont fermés en France. Comprenez-vous la colère de certains d'entre eux ?

BRUNO LE MAIRE. Oui, je comprends la colère des commerçants. Je la comprends d'autant plus que les fêtes de Noël approchent et que beaucoup ont constitué des stocks. C'est un vrai coup dur. Mais nous ne laisserons tomber personne. Nous apportons à ces commerces fermés un soutien économique massif, encore plus puissant que lors du premier confinement.

Certains annoncent déjà qu'ils ne fermeront pas. Comprenez-vous leur choix ?

Je me bats tous les jours pour apporter des solutions concrètes aux commerçants. Mais je veux être très clair : la solution n'est pas d'enfreindre les règles dont dépend la sécurité sanitaire de tous. Plus nous respecterons les règles, plus nous pourrons reprendre une vie normale.

Ne sont-ils pas, malgré tout, les grands sacrifiés, alors que des enseignes comme Leroy Merlin ou Fnac Darty restent ouvertes ?

Ceux qui sont aujourd'hui les plus durement touchés, ce sont les commerçants et les artisans. Ils ne peuvent pas continuer leur activité alors qu'ils pensaient pouvoir la relancer avec les fêtes de Noël. Sur le sujet particulier des magasins d'outillages et de vente de matériaux, que ce soit les grands magasins comme Leroy Merlin, ou bien des petits commerces d'outillages, nous les laissons ouverts pour que les TPE-PME du bâtiment y aient accès et que les chantiers ne s'arrêtent pas d'un coup. Le secteur du BTP, comme plus généralement la vie économique, doit continuer de fonctionner.

Mais qu'en est-il pour la Fnac, qui concurrence immédiatement les librairies ?

Sur mon intervention, et celle de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, Fnac-Darty et la grande distribution fermeront dès samedi matin leur rayon livres et culture.

Allez-vous également demander aux grandes surfaces de ne pas vendre de jouets, puisque les magasins spécialisés sont fermés ?

Nous permettrons à ces commerces de faire du « click & collect ». Chaque particulier pourra téléphoner ou passer une commande sur Internet — si le magasin en a un — pour commander le jouet qu'il souhaite. Il sera ensuite autorisé à se déplacer pour aller chercher sa commande dans la boutique ou bien la faire livrer. En mars, ce n'était pas possible car vous n'aviez pas le droit de sortir pour ce motif. Avec la nouvelle attestation, c'est désormais possible. J'invite tous les Français à faire preuve d'un comportement patriotique et à favoriser le commerce de proximité.

Pensez-vous que les petits commerçants auront le temps, dans le contexte, de lancer un site Internet ?

Un magasin sur trois seulement a un site Internet ! Il faut que ça change. Nous voulons donner les moyens aux commerçants de se numériser. 100 millions d'euros du plan de relance seront débloqués pour accompagner les chefs d'entreprise dans leur digitalisation, via une aide directe ou un crédit d'impôt. Ce doit être le plus simple et le moins coûteux possible. J'ai donc demandé au directeur général de La Poste d'accompagner toutes les communes à mettre en place des plates-formes digitales — appelées Ma Ville, Mon Shopping — sur lesquelles vous pouvez trouver l'ensemble des commerces de votre ville et acheter en ligne des produits. Ensuite, il faut que chaque commerce ait son site Internet. Nous mettons donc à disposition, sur la page « Offre préférentielle commerçants » du site economie.gouv.fr, une liste permettant à chaque commerçant de savoir quel est l'outil le plus adapté à son développement digital.

Vous déconseillez les commandes sur Amazon ?

Si vous pouvez trouver votre jouet dans un commerce de proximité, votre livre chez un libraire indépendant et qu'il suffit de passer un coup de fil pour le commander, faites-le ! Vous soutenez votre commerçant de proximité et vous participez à la relance de l'activité française.

Et que va faire l'Etat pour ces TPE-PME ?

Notre soutien est encore plus massif que celui de mars. En novembre, nous allons dépenser 15 milliards d'euros d'aides. Le fonds de solidarité va être porté jusqu'à 10 000€ mensuel pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement. Chaque commerçant pourra cumuler cette somme avec l'aide sur les loyers et avec les exonérations de charges. L'Etat a toujours répondu présent et continuera de répondre présent.

Quand obtiendront-ils ces aides ?

Ils pourront faire leur déclaration sur le site impots.gouv.fr début décembre et toucheront l'aide dans les jours qui suivent. Ceux qui ont été impactés par le couvre-feu peuvent se déclarer dès le 20 novembre. Nous veillerons à ce que les versements soient rapides. Enfin, un numéro spécial d'information sur les mesures d'urgence économiques, sera disponible à compter de lundi à 9 heures : le 0806 000 245.

Les TPE-PME sont bien plus fragilisées qu'au printemps. Craignez-vous des faillites d'entreprises ?

Le choix du soutien économique massif doit nous permettre d'éviter la situation des Etats-Unis, avec des vagues de centaines de milliers de licenciements. Oui, beaucoup d'entreprises sont fragilisées et c'est pour cela que nous renforçons de manière considérable les aides d'urgence. Cela donne des résultats : nous avons protégé les entreprises lors du premier confinement, nous avons maintenu les emplois et l'économie a pu rebondir très fortement. Au troisième trimestre, l'économie française a redémarré de façon spectaculaire, avec + 18,2 % de croissance. L'Allemagne a fait + 8,2 %.

Quels sont les secteurs les plus fragilisés ?

Certains secteurs ont été fauchés net par le Covid. Je pense aux petits commerces, à la restauration, aux hôtels, aux bars, à l'événementiel, au sport, au cinéma, au théâtre… Ensuite, il y a l'aéronautique qui a perdu entre 35 et 45 % de son activité. Et qui n'a pas de perspectives pour l'instant… Enfin, la métallurgie est aussi très touchée car très dépendante de l'aéronautique et de l'automobile. Nous allons donc soutenir tous ces secteurs.

Commerçants en colère : «Nous leur apportons un soutien massif», promet Bruno Le Maire

Quel sera l'impact de ces nouvelles dépenses sur la dette ?

Ces dépenses supplémentaires, ce sont des investissements, qui nous permettront de rebondir très vite et d'accélérer la transformation de l'économie française pour la rendre plus compétitive. Mais, c'est vrai, ces 15 milliards d'euros supplémentaires pour le mois de novembre vont augmenter le niveau de la dette française. Nous avions prévu pour 2020 un niveau d'endettement de 117,5 % du PIB. Ce chiffre va passer à 119,8 %.

Ces 15 milliards seront inscrits dans le prochain Budget rectificatif ?

Dans le quatrième projet de loi de finances rectificatif, examiné en Conseil des ministres mercredi, nous proposerons d'inscrire 20 milliards d'euros de crédits supplémentaires. Pourquoi 20 ? Parce qu'il est indispensable d'avoir une réserve de précaution de 5 milliards d'euros supplémentaires pour faire face à d'éventuelles nouvelles dépenses. Le virus nous a suffisamment pris par surprise, on doit faire preuve d'anticipation. Je tiens à rappeler que nous n'avons aucune difficulté à nous financer sur les marchés.

Allez-vous revoir l'enveloppe du Budget pour l'année prochaine ?

La sagesse recommande de revoir aussi les montants du projet de loi de finances pour 2021. Nous examinons les différentes options, on ne peut rien écarter. Mais je suis sûr que 2021 sera l'année du rebond de l'économie française.

Un million de Français ont sombré dans la pauvreté. Ne faut-il pas aussi relancer la consommation pour que l'économie française se redresse ?

Nous soutenons déjà massivement la demande! Nous avons dépensé plus de 22 milliards d'euros avec le chômage partiel. Le Premier ministre a également annoncé des mesures de soutien, comme le versement le 27 novembre de l'aide de solidarité à 4 millions de foyers, aussi une aide de 150 euros pour les jeunes de moins de 25 ans qui touchent les APL ou une bourse. Sur 2020, une famille au RSA avec trois enfants aura bénéficié de 1200 euros d'aide supplémentaires. Sans oublier depuis deux ans la baisse des impôts, la suppression de la taxe d'habitation, l'augmentation de la prime d'activité… Cette année, le PIB français va chuter de 11 %, mais le pouvoir d'achat des Français de 0,5 % seulement. Mais vous avez raison, derrière ces chiffres, il y a des réalités. Des millions de Français se sont retrouvés dans une immense difficulté. Nous avons fait beaucoup, mais s'il faut faire davantage pour les populations précarisées par la crise, nous le ferons.

Comment ?

Nous travaillons sur des pistes qui permettraient le moment venu, si la situation se dégrade, de les soutenir.

Pourquoi le gouvernement refuse de créer un RSA jeune ? Le think tank libéral Institut Sapiens a calculé que cela ne coûterait « que » 320 millions d'euros par mois s'il était versé aux 18-25 sans emploi, ni formation, ni ressources.

Notre politique consiste à inciter chacun à trouver un emploi ou une formation. Ce doit être la priorité pour nos jeunes. Je préfère mettre l'argent public sur la prime à l'apprentissage, qui va nous permettre d'avoir le même nombre d'apprentis en 2020 qu'en 2019, plutôt que de le dépenser dans une allocation pérenne pour les moins de 25 ans.

Y aura-t-il un geste pour les associations caritatives qui viennent en aide aux plus fragiles ?

Elles sont vitales, personne ne peut remplacer leur travail sur le terrain. Nous les soutenons fortement. Je rappelle que le plan de relance prévoit 100 millions d'euros dédiés au soutien des associations de lutte contre la pauvreté. S'il faut leur apporter un soutien financier supplémentaire en ces temps de grande difficulté, avec Olivia Grégoire, nous y sommes favorables. Et j'invite les Français, toujours très généreux, à participer encore aux collectes de fonds. Je rappelle que 87 milliards d'euros ont été épargnés depuis le confinement de mars.