Le 13 janvier, lors de la séance des questions orales, j’ai interrogé Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, sur les évolutions récentes et sur les perspectives du Gouvernement s’agissant du brevet communautaire et du système juridictionnel des brevets. J’ai noté dans ma question que d’importants progrès avaient été accomplis sur ces deux dossiers lors de la présidence slovène de l’Union européenne, qui a précédé la présidence française, que peu de progrès, sinon aucun, n’avaient été réalisé sous la présidence française.
La secrétaire d’état dans sa réponse n’a pu faire qu’état malheureusement que de la liste des progrès accomplis sous la présidence slovène.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 353, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur les évolutions récentes et sur les perspectives du Gouvernement s’agissant du brevet communautaire et du système juridictionnel des brevets.
Il m’a semblé que d’importants progrès ont été accomplis sur ces deux dossiers lors de la présidence slovène de l’Union européenne, qui a précédé la présidence française.
La mise en place du brevet communautaire, qui consiste en un titre unique valable dans l’ensemble de l’Union, alors qu’il y a aujourd'hui, dans le cadre du brevet européen, autant de titres nationaux que de pays, constituerait une avancée considérable pour l’innovation et pour les entreprises. Cela fait déjà plus de trente ans, puisque la première convention date de 1974, que l’on travaille sur ce sujet.
Il est au demeurant extraordinaire que l’on ait été capable d’instaurer un marché unique intégré, une monnaie unique, une banque centrale unique, mais pas d’instituer un brevet unique : ce devrait pourtant tout de même être moins difficile…
Quoi qu’il en soit, des avancées ont donc été obtenues au cours de la présidence slovène, et ce sur plusieurs points : la question des langues et des traductions, le problème de la répartition des masses financières importantes que représentent les taxes annuelles pour financer l’innovation et enfin le système juridictionnel, le principe de la compétence des tribunaux nationaux ayant été retenu.
Sur ce dernier sujet, des progrès ont pu être accomplis en séparant le débat sur le brevet communautaire de la question du système juridictionnel du brevet européen.
Actuellement, les tribunaux de chaque pays membre ont à connaître des contentieux relatifs à la validité des brevets et aux contrefaçons. Autrement dit, un même brevet européen peut être soumis à un tribunal de Messine, à un tribunal d’Helsinki et à un tribunal de Cork, ce qui engendre des jurisprudences divergentes, et parfois contradictoires ! Tout cela coûte très cher et, surtout, crée un climat d’insécurité pour les entreprises, qui demandent donc à juste titre, et depuis longtemps, une unification du système.
Il reste cependant un certain nombre de difficultés à lever. En particulier, la France a beaucoup insisté pour que la Cour de justice des Communautés européennes joue le rôle de cour ultime, soit une sorte de cour de cassation du système, solution que les Allemands rejettent au motif que la Cour de justice des Communautés européennes ne dispose pas des compétences techniques nécessaires.
Or, il m’a semblé que peu de progrès, sinon aucun, ont été réalisés sur l’ensemble de ces dossiers sous la présidence française, qui a vraiment donné l’impression que le projet de brevet communautaire et l’organisation du système juridictionnel des brevets étaient pour elle des sujets secondaires et ne figuraient pas parmi ses priorités.
Peut-être est-ce une fausse impression et pourrez-vous nous livrer, madame la secrétaire d'État, d’autres éléments. En tout état de cause, je souhaiterais savoir quelles sont les perspectives du Gouvernement français pour faire avancer ces dossiers, probablement pas sous la présidence tchèque dont ce n’est pas une priorité, mais ensuite, sous la présidence suédoise.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur Yung, les droits de propriété intellectuelle et leur protection représentent, dans un monde globalisé, un avantage compétitif clé pour nos entreprises en même temps qu’un élément fondamental pour la valorisation de la recherche, de l’innovation et de la création.
C'est la raison pour laquelle je tiens à vous assurer que tous les dossiers relatifs à ces droits et à leur protection ont fait l’objet d’un engagement très fort du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, notamment de Luc Chatel, à qui votre question était adressée, d’Hervé Novelli ou de moi-même.
Sur le brevet communautaire et le système juridictionnel, je tiens à vous dire que les choses ont bel et bien avancé sous la présidence française, bien que, à l’évidence, s’agissant de sujets aussi difficiles, les points sur lesquels le consensus est délicat se multiplient à mesure que l’on approche du but.
Concernant le brevet communautaire, les discussions, qui ont été très riches, ont porté principalement sur le régime linguistique applicable et sur la répartition des taxes annuelles de maintien en vigueur des brevets.
Les travaux ont permis de dégager un large accord sur le fait que le brevet communautaire, qui offrira un niveau de qualité élevé afin d’assurer une sécurité juridique maximale pour les déposants, devra être d’un coût abordable.
Un consensus s’est également dégagé quant à l’objectif de viabilité financière de l’Office européen des brevets. Cela peut paraître quelque peu contradictoire avec la nécessité de limiter les coûts pour les entreprises, mais tout le monde est d’accord pour estimer qu’il convient de concilier ces deux objectifs.
Les débats ont été alimentés par les résultats préliminaires d’une étude de la Commission européenne sur les aspects économiques du brevet communautaire. Ces résultats donnent un éclairage précieux pour la suite des travaux.
S’agissant ensuite du règlement des litiges, la France a soumis à ses partenaires des documents révisés comprenant un projet d’accord pour la création d’un tribunal des brevets de l’Union européenne et un projet de statuts pour ce même tribunal.
Les discussions ont, là encore, été très approfondies, et les débats ont permis d’apporter des améliorations à ces deux textes et d’affiner leur articulation.
L’architecture générale du système juridictionnel des brevets est désormais stabilisée, avec des divisions décentralisées dans les États membres pour la première instance et une instance d’appel centralisée.
Cependant, plusieurs questions doivent encore faire l’objet d’un examen approfondi afin de parvenir à un consensus. Elles portent en particulier sur le régime linguistique et, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, sur le rôle exact de la Cour de justice des Communautés européennes dans l’ensemble du dispositif.
Ainsi, les progrès enregistrés par la présidence française sur le brevet communautaire et le système de règlement des litiges permettent de transmettre aux présidences qui suivront, c'est-à-dire la présidence tchèque puis la présidence suédoise, les éléments nécessaires à la recherche d’un accord que, comme vous, monsieur le sénateur, le Gouvernement souhaite le plus rapide possible sur ces deux dossiers.
Au-delà, je rappelle que la lutte contre la contrefaçon a progressé pendant la présidence française, avec en particulier l’adoption d’un plan intégré anti-contrefaçon pour la période 2009-2011.
Une résolution du Conseil en faveur d’une meilleure lutte contre la contrefaçon et le piratage a été adoptée, permettant de mieux protéger les droits de propriété intellectuelle des entreprises européennes. Il s’agit d’un engagement fort des États membres pour lutter de manière coordonnée contre la contrefaçon à l’échelon européen.
Cet engagement permettra notamment la mise en place, dont j’ai pu moi-même m’assurer dans plusieurs pays, d’un réseau efficace de coopération entre les services administratifs concernés de chaque État membre, la création, réclamée par nombre de professionnels, notamment français, d’un observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, et enfin le développement d’actions de sensibilisation et de communication auprès des consommateurs, en particulier les plus jeunes, dans l’ensemble des pays de l’Union.
Je vous confirme, monsieur le sénateur, l’importance que la France attache à ces sujets, dont témoignent les avancées obtenues au cours de sa présidence de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je ne veux pas polémiquer, madame la secrétaire d'État, mais les progrès dont vous venez de faire état ont été accomplis sous la présidence slovène. Sous la présidence française, malheureusement, il n’y a pas eu d’avancées.
On nous a dit d’abord que les Espagnols faisaient des difficultés sur la question linguistique, puis que les Allemands, en dépit de leurs déclarations, étaient en réalité défavorables au dispositif… Cela fait partie du lot commun des négociations internationales, mais il me semble que sont maintenant réunis tous les éléments nécessaires pour trancher politiquement et faire avancer les dossiers.
Je souhaite donc, mais peut-être est-ce un vœu pieux, que le Gouvernement français, qui a du poids dans ces matières, puisque c’est en fait entre la France et l’Allemagne que se décident les questions relatives à la propriété industrielle, s’engage de façon beaucoup plus résolue.