Je suis intervenu en séance publique le 28 mars 2013 sur la proposition de loi visant à abroger le délit de racolage public. Vous pouvez lire le texte de mon intervention ci-dessous.
Richard Yung - Je soutiendrai la proposition de loi de Madame Benbassa. Les socialistes ont toujours dénoncé l’instauration du délit de racolage passif, invention d’un certain Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur.
Le contexte politique de l’époque nous éclaire sur la vocation réelle de cette disposition. Souvenons-nous : ce n’était pas encore l’époque du Karcher, mais notre futur ex-président n’avait déjà que le mot « sécurité » à la bouche.
Le délit de racolage passif faisait partie de cette logique sécuritaire. Ce n’est pas par hasard qu’il a été introduit dans une loi pour la sécurité intérieure.
Que l’on ne nous fasse pas croire qu’il s’agissait d’une mesure de lutte contre la prostitution et ses réseaux de traite. J’ai relu la partie de l’exposé des motifs relative à cette disposition. Il n’est pas question de la dignité des femmes, encore moins de leur protection. La prostitution n’y est abordée que sous l’angle du trouble à la tranquillité et à l’ordre public. Sécurité des riverains donc.
En revanche, la sécurité des personnes prostituées est passée à la trappe. Les socialistes avaient mis en garde le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin contre les effets pervers de cette loi. Dix ans plus tard, le constat est sans appel :
La prostitution n’a pas diminuée. Elle s’est déplacée, mieux dissimulée et complexifiée.
Les personnes prostituées ont fui les centres urbains pour exercer dans les bois, les chemins vicinaux, les terrains vagues et parkings déserts…. tous ces endroits dangereux dans lesquels elles sont beaucoup plus vulnérables et menacées que lorsqu’elles exercent en ville.
Les personnes prostituées sont davantage isolées. Elles ne parlent plus entre elles et s’adressent de moins en moins aux structures sociales et associatives qui leur viennent traditionnellement en aide. Toutes les associations sont unanimes : le délit de racolage a nui à leur travail sanitaire et social de protection, de sensibilisation, et d’insertion.
Enfin, les personnes prostituées, victimes de nombreuses arrestations, parfois plusieurs fois par jour, sont moins enclines à collaborer avec la police pour démanteler des réseaux mafieux de traite.
Au-delà de la stigmatisation et de la précarisation des personnes prostituées, le délit de racolage passif est une mesure totalement arbitraire car le délit est non qualifié. Le délit de racolage passif se fonde en effet sur une attitude. Le texte initial parlait même de « tenue vestimentaire ». Autant interdire le port de la mini-jupe ! En fait, n’importe quelle personne peut se voir interpeller par un policier pour racolage, il ne manque plus qu’il trouve sur elle des préservatifs et elle est assurée de finir au poste. Le délit de racolage passif est une grave entrave aux libertés publiques et une menace à la sécurité juridique.
Pour toutes ces raisons, je soutiens l’abrogation du délit de racolage public.
J’ai conscience que cela n’est pas suffisant, qu’il faudra élaborer une vraie politique sur la prostitution, une politique pragmatique, réaliste, débarrassée de toute idéologie moralisatrice, qui n’escamote pas les enjeux sociaux et sanitaires, et qui distingue la prostitution volontaire de l’exploitation.
En attendant, je fais œuvre utile immédiate en votant ce texte qui pourra être améliorée lors de la navette parlementaire.