Hier, le Sénat a adopté in extremis le projet de loi de bioéthique. Avec 153 voix pour, 143 contre, le vote solennel sur l’ensemble du texte s’est joué à 10 voix près. La loi bioéthique retournera prochainement à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Sans aucune surprise, les Républicains ont voté majoritairement contre. Il est à déplorer que le texte originel a largement été modifié par la droite sénatoriale.
Dans sa nouvelle version, nous sommes parvenus à maintenir l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes par 160 voix contre 116. Malheureusement, les contours de cette ouverture ont été restreints, notamment au sujet du remboursement par la Sécurité sociale reposant uniquement sur la base d’un critère médical. Cette condition opère directement une rupture d’égalité : celles qui auront les moyens pourront bénéficier d’une PMA et les autres, tant pis !
Le projet de loi bioéthique perd donc de sa substance et il est évident que les plus conservateurs du Sénat ont voulu freiner cette avancée sociétale : suppression de l'autoconservation des gamètes, établissement de la filiation pour la mère d’intention par adoption, suppression de l’encadrement de la recherche sur les « chimères ». Autant de modifications qui mériteraient d’être remodifiées. Nous comptons sur la majorité parlementaire à l’Assemblée pour rectifier le tir en deuxième lecture.
Si nous ne pouvons nous satisfaire de cette nouvelle version du projet de loi, l’ouverture à la PMA pour toutes a été sauvée au grand dam de la Manif pour tous et du Président LR.
Ce dernier a inséré un article par voie d’amendement pour interdire la retranscription à l’état civil d’un enfant né d’une GPA à l’étranger. J’ai aussitôt déposé un amendement de suppression de l’article 4 bis.
Ci-dessous mon argumentaire à ce sujet, lu en séance par le sénateur Julien Bargeton :
Madame/Monsieur le/la présidente
Chers collègues,
Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 4 bis inséré par Monsieur Retailleau visant à interdire la transcription de l’acte de naissance sur l’état civil d’un enfant né d’une GPA à l’étranger. En supprimant cet article, mon intention n’est pas de reconnaître un quelconque droit à la GPA, notre droit interne est formel à ce sujet. Il s’agit ici de donner une identité pleine et entière à l’enfant.
Gardons à l’esprit que c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer avant toute autre considération, comme l’a rappelé plusieurs fois la CEDH. La première chambre civile de la Cour de cassation ainsi que la Cour d’appel de Rennes en sont venues à la même conclusion : la retranscription intégrale des actes de naissance est compatible avec le droit à la vie privée des enfants. Il serait, en effet, impensable de priver l’enfant de son état civil français et de sa stabilité administrative. Peu importe le choix des parents, l’enfant n’a pas à en subir les conséquences. L’administration française doit lui procurer un statut fixe, stable, et juste.
Interdire totalement l'établissement du lien de filiation entre un parent et son enfant biologique né d'une GPA à l'étranger est contraire au droit des enfants au respect de leur vie privée au sens de l'article 8 de la CEDH. À deux reprises, la France a été condamnée par la Cour européenne pour avoir refusé de retranscrire les actes de naissance d’un enfant né par GPA à l’étranger. Les récentes décisions judiciaires ont également incité à aller dans ce sens. Il est temps de suivre la logique de nos juridictions et d’aligner la loi avec la jurisprudence en cours.