Le Journal du Dimanche du 22/03/2009
(Voir aussi mon compte-rendu sur les assises de la prostitution)
Les prostitués, hommes et femmes, défilaient hier à Paris.
Objectif: obtenir un statut et la dépénalisation du racolage
Christel De Taddeo
« PUTES et soumises... mais syndiquées. » Cuissardes blanches à semelles compensées et collant léopard moulant ses petites fesses, Zézetta Star s’époumone dans le mégaphone. Les prostitués défilaient hier à Paris pour revendiquer un statut et protester contre la pénalisation du racolage passif, passible de deux mois de prison et 3.750€ d’amende depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité intérieure (LSI) du 18 mars 2003.
Dans une ambiance festive, environ 200 manifestants ont participé à la Pute Pride, qui partait de la place Pigalle pour la quatrième année consécutive. « On retrouve l’euphorie de la première », s’enthousiasme Nikita, derrière une banderole rouge « Rendez-nous nos trottoirs! » Ce père de trois enfants, qui se prostitue, avait annoncé la veille la création du premier Syndicat du travail sexuel (Strass), dont les statuts seront déposés à la préfecture en début de semaine. A son côté, Camille Cabral, cuissardes rouges, manteau de fourrure laissant poindre une plastique avantageuse. Pour le premier transsexuel à avoir occupé un poste politique en France, « nous sommes en train de vivre quelque chose d’historique ».
« On ne mérite pas d’avoir les mêmes droits »
Le Strass, qui a d’ores et déjà reçu le soutien des sénateurs (PS), Richard Yung et Michèle André, a déjà inscrit parmi ses priorités la création de la Commission de suivi de la LSI: prévue par cette loi, elle n’a jamais été mise en place.
Pour Cornelia, venu de Strasbourg, le Strass est « un outil politique, un levier pour la reconnaissance de nos droits ». Ce syndicat est ouvert aux prostitués, mais également aux opératrices de « téléphone rose», actrices pornographiques, stripteaseuses... Stéphanie, actrice porno, accessoirement étudiante en lettres anglaises, est déjà encartée : « Pour que tous les travailleurs sexuels soient un jour reconnus et pour de meilleures conditions de travail. »
Dans le porno aussi, au niveau de la santé, de la prévention, du droit à l’image et de la rémunération, les conditons sont pourries. « Ce genre de fédération existe déjà ailleurs, en Allemagne ou en notamment. Pour Luca, 30 ans, qui vit à Londres depuis cinq ans, la prostitution est d’ailleurs moins « underground » de l’autre côté du Channel. « En Angleterre, les rapports avec les clients sont plus simples, assure le représentant de l’International Union of Sex Workers. Si j’ai un problème avec un client, j’appelle mon syndicat et on peut mener une action en justice. » Pour Thierry, 51 ans, qui se prostitue « occasionnellement » depuis près de vingt ans, les prostitués devraient avoir « les mêmes avantages qu’un serveur ou une boulangère, notamment au niveau de la Sécurité sociale ou de la retraite. On devrait descendre dans la rue plus souvent, comme les lycéens ou les cheminots. »
Sur les trottoirs parisiens, le cortège progresse dans la bonne humeur sous es regards interdits ou goguenards, parfois même hilares, des passants. « Pour l’opinion publique, on ne mérite pas d’avoir les mêmes droits que n’importe quel travailleur », s’indigne Alice, Strasbourgeoise de 24 ans, « escort » gothique sur Internet. « On n’a aucune reconnaissance, récrimine la jeune femme à la lèvre percée. On nous oblige à travailler dans la précarité. » Comme beaucoup d’autres, elle a ouvert, sous le soleil, un parapluie rouge, emblème des prostitués. D’autres arborent un autocollant: « Putes et féministes ». Hors de question de laisser aux « bien-pensantes » le soin de s’indigner au nom de leur condition. « Que tout le monde parle au nom des putes, ça suffit ! » s’exclame Elsa, 20 ans, étudiante, et prostituée occasionnelle, qui a inscrit sur sa pancarte: « Sarkozy, on prend cher. » Avant d’arriver à Beaubourg, les militants du Strass feront une halte « paillettes » devant l’hôtel de police du 3e arrondissement. Zézetta Star prend la pause, lascive forcément, avant d’entonner l’un de ses tubes: « Plus de caresses, moins de CRS ».