Un article de Libé où je suis cité…
En refusant de signer les décrets sur le regroupement familial, le ministre de l’Immigration provoque un tollé à droite.
Par ALAIN AUFFRAYVoyez comme je suis bien de gauche ! L’ex-socialiste Eric Besson ne voulait pas rater cette occasion de donner un peu de consistance au courant «progressiste» qu’il prétend incarner dans le dispositif sarkozyste. Dimanche soir, il a bruyamment fait savoir qu’il ne «signerait pas» le décret d’application sur les tests ADN pour les candidats au regroupement familial. Déclenchant une polémique à droite. Cette disposition de la loi Hortefeux sur la maîtrise de l’immigration avait été passionnément combattue en 2007 (lire ci-contre). Quelques mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, l’opposition y avait vu une première illustration des dérives du ministère de l’Identité nationale.
Foudres. Pour bien se faire entendre, le ministre «d’ouverture» a choisi d’annoncer sa décision sur l’antenne d’Europe 1 : «Le législateur a émis tellement de contraintes que le décret d’application n’est pas possible en l’état. […] Nos consulats ne sont pas équipés pour ces empreintes génétiques», a-t-il expliqué. Ce faisant, il s’est attiré les foudres des responsables de la majorité parlementaire. Pris en flagrant délit d’abus de pouvoir exécutif, Besson a été sèchement remis à sa place : «C’est extrêmement choquant de voir un ministre faire une déclaration dans une émission où il indique qu’il ne va pas prendre le texte d’application d’une loi. Lorsqu’une loi est votée, le ministre doit prendre un texte d’application», s’est emporté hier le président (UMP) de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann.
Le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, a jugé «hallucinant» d’apprendre par la radio la décision de Besson. Il a rappelé qu’un ministre n’a pas «compétence libre» sur les textes, et que c’est «le Parlement qui enjoint le gouvernement de prendre les décrets d’application». Et il suggère que le ministre de l’Immigration révise son droit en l’invitant à prendre la mesure des conséquences du renforcement des pouvoirs du Parlement. Ce qui était possible à l’époque des «députés godillots» aux ordres de l’exécutif devient intolérable au temps de «l’hyper-Parlement». Et c’est, savoureux paradoxe, un ministre issu du RPR de Jacques Chirac qui fait cette leçon à un ancien du PS… Si le gouvernement est dans l’impossibilité de prendre un décret d’application, Copé estime encore que le ministre doit d’abord «s’en expliquer devant le groupe majoritaire puis devant la commission des lois».
Depuis la Russie où il était hier en déplacement, François Fillon a tenté d’arrondir les angles : faute de «garanties pour les personnes», il confirme que la mise en œuvre des tests ADN est «pour le moment» impossible. Mais il promet d’en «rediscuter avec le Parlement». Une source ministérielle reconnaissait hier qu’Eric Besson s’était «un peu précipité pour faire son annonce». Selon elle, la solution passe effectivement par le Parlement qui «peut parfaitement prendre un amendement pour allonger les délais d’expérimentation prévus par le texte de 2007» et qui court jusqu’au 31 décembre 2009.
Pour se consoler des critiques qu’il s’est attirées au sein de la majorité, Eric Besson aura noté avec satisfaction les réactions des opposants aux tests ADN : le député Nouveau Centre Jean-Christophe Lagarde a salué «une très bonne décision». Avis partagé, une fois n’est pas coutume, par le villepiniste Jean-Pierre Grand. Les partis de gauche et les associations ne sont pas en reste. SOS Racisme s’est «réjoui» que soit «définitivement clos le détestable chapitre des tests ADN». Et les députés socialistes se sont dits «soulagés», tout en déplorant que le principe des examens génétiques n’ait pas été remis en cause. Le sénateur (PS) Richard Yung a appelé à rester vigilant : «Dans un contexte d’élargissement de la majorité présidentielle vers l’extrême droite, certains persistent à réclamer l’application de ces tests.»
«Pacte républicain». Du pain bénit pour l’ex-socialiste qui se décrit comme le contrepoids de Philippe de Villiers au sein de la majorité présidentielle. Présentant à la presse le «bilan» de ses huit mois au ministère, Besson s’est présenté, le 3 septembre, comme le ministre «de la mise en œuvre du pacte républicain». Multipliant les statistiques flatteuses sur l’accès à la nationalité française, sur le droit d’asile ou sur les délais de rétention des étrangers en situation irrégulière, il a prétendu que sa politique se situait dans «la continuité républicaine» de ses prédécesseurs. Il s’est fait un plaisir de rappeler que les règles relatives au placement en rétention ont été fixées par un arrêté de 2001, signé par Daniel Vaillant et Elisabeth Guigou. Et que c’est François Mitterrand qui a créé les centres de rétention, «en 1981, année qui fut si importante pour les droits de l’homme en France». Dans son rôle de ministre d’ouverture, Besson en fait parfois un peu trop.