Vous pourrez lire ci-dessous la transcription de l'interview du directeur de la Centrale de Poissy par Jean-Jacques Bourdin sur RMC.
Sur un sujet annexe, le 16 septembre, j'ai rencontré, M. François KORBER, délégué général de l'association Robin des lois, qui milite pour la gratuité de l'accès à la télévision dans les prisons (les prix de location des téléviseurs acquittés par les détenus varient entre 6€/mois et 41€/mois).
Vous pouvez aussi lire la lettre que j'ai envoyé à la ministre de la justice sur la gratuité de l'accès à la télévision.
bourdinandco | RMC.fr | 17/09/2010
Olivier Maurel, directeur de la Centrale de Poissy (Yvelines), invité de Bourdin Direct ce vendredi, raconte la vérité crue de son métier et le paradoxe de sa mission, entre surveillance et réinsertion.
Qui dirige en prison : l’administration ou les détenus ?
« Une prison ne peut fonctionner que si les détenus sont d’accord pour qu’elle fonctionne. Si je ne trouve pas au quotidien un équilibre entre l’obligation d’appliquer le code pénal et le respect de la loi du milieu, les personnels pénitentiaires et les détenus… On ne peut pas vivre dans le rapport de force quotidien. Dans 80% des cas, nous faisons respecter les lois de la République. Mais il ne faut pas se tromper : le détenu a une énorme capacité de respect de la loi et des règles de la prison. Les gens ne comprennent pas ça. C’est vraiment une donnée que nous vivons au quotidien. La priorité en prison, en tout cas ma stratégie, c’est le contact humain, la parole, c’est de toujours passer en souplesse. En prison, la parole, c’est un remède, une arme, une manière de travailler. Quand il n’y a plus la parole, il nous reste l’usage de la force. »
« Bien sûr. Des copains de détenus mettent des savonnettes de shit dans des cannettes de sodas et les balancent dans les cours. Après, une distribution est faite. Une grande partie de la drogue circule comme ça. Le deuxième moyen, c’est ce que nous appelons le coffrage. Les détenus rentrent les barrettes de cannabis dans le rectum. Et dans une minorité de cas, il y a des personnels qui, par peur, ou moyennant finance… Moi, il y a 6 mois, j’ai fait partir une de mes surveillantes, les menottes au poignet, parce qu’elle était corrompue. Je l’ai dénoncé au procureur, sans états d’âme. Mes personnels, lorsqu’ils l’ont vu partir les menottes aux poignets, étaient soulagés et fiers de leur métier. »
Quelle est la sexualité en prison ?
« Il y a eu l’avant et l’après Claude d’Harcourt [ndlr : le directeur de l’Administration pénitentiaire jusqu’en décembre 2009]. Il a enfin eu le courage de stopper les campings, c’est-à-dire que lorsque les détenus descendaient au parloir, ils avaient des couvertures, faisaient des espèces de tentes et avaient des rapports sexuels à l’intérieur. Ce qui était indigne, pour eux, pour leur famille et pour les personnels. Je trouvais ça assez compliqué, voire déontologiquement limite, d’imposer ça à mes surveillants. Depuis, Claude d’Harcourt a décidé de créer des parloirs sans surveillance directe. Ce sont des parloirs fermés où les familles peuvent avoir des rapports sexuels, ou pas. En plus de cela, existent 2 autres locaux : les salons familiaux, une espèce de petit studio où le détenu va rester 6 heures ; et les unités de visite familiale [UVF], que j’ai à Poissy. Ce sont 3 appartements. Les familles de détenus viennent les y rencontrer pour des durées de 6, 12, 24 ou 72 heures. Pour nous, c’est un plus incontestable. D’ailleurs toutes les prisons construites sur les nouveaux programmes immobiliers incluent ce type d’UVF. »
La psychiatrie en prison, un vaste débat…
« Une étude de l’Inserm 2006 a révélé que 35% des détenus ont une pathologie mentale. Ils sont pris en charge autant que faire se peut. La loi d’orientation et de programmation de justice de 2002 avait prévu la création de 17 UHSA (Unité hospitalières spécialement aménagées). C’est un hôpital psychiatrique gardé par des surveillants pénitentiaires. La création de 700 lits était prévue pour régler le problème de la psychiatrie. Force est de constater qu’aujourd’hui, nous n’avons réussi à ouvrir qu’une seule de ces unités, à Lyon, soit 60 lits. L’Administration pénitentiaire a pris le dossier d’une manière volontariste, mais je pense que la négociation avec le ministère de la Santé a été compliquée, et surtout avec les organisations syndicales des personnels soignants. »
Faut-il mieux armer et équiper les surveillants pénitentiaires ?
« C’est un sujet de débat entre nous et la police. Moi je fais partie de ceux qui militent pour la création d’une police pénitentiaire, comme en Italie, qui serait chargée de faire les gardes et escortes de détenus. Premièrement, cela permettrait à nos personnels de diversifier leur savoir-faire. Et deuxièmement : qui, mieux que nous, connaît les détenus ? Je pense que c’est un strict problème budgétaire. Pour que la pénitentiaire reprenne les missions de garde et d’escorte dont s’occupent les policiers, il faut 4 000 emplois. Le budget de l’Etat est relativement contraint, mais si demain, on nous dit "voilà 4 000 emplois, prenez les gardes et escortes", on applaudira. »
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