Par Suzette BLOCH
PARIS, 20 octobre 2010 (AFP) - La tension est montée d'un coup mercredi au Sénat où la gauche a demandé solennellement la suspension de l'examen de la réforme des retraites alors que les forces de l'ordre s'étaient déployées autour du Palais du Luxembourg pour contenir les manifestants.
Près d'un millier de lycéens et militants de syndicats et partis de gauche ont manifesté à la mi-journée devant la Haute Assemblée tandis qu'une journée de mobilisation de la jeunesse se préparait pour jeudi.
Les présidents des trois groupes de gauche, entourés de l'ensemble de leurs collègues de gauche, debout dans l'hémicycle, ont demandé solennellement au président de la République de suspendre les débats et de reprendre les négociations avec tous les partenaires.
"Nous en appelons solennellement au président de la République, suspendez le débat, reprenez le chantier, saisissez ce moment, agissez avec sagesse", a déclaré le président du groupe PS, Jean-Pierre Bel.
"Ecoutez ce qui se passe, la demande raisonnable des organisations syndicales: reprendre les négociations!", a poursuivi Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste et du parti de gauche (CRC-SPG).
"Il est encore temps de suspendre le débat et d'ouvrir une très large concertation avec tous les partenaires", a lancé Yvon Collin, le patron du RDSE (Radicaux, à majorité radicaux de gauche).
"Nous ne suspendrons pas les débats au Sénat, c'est une drôle d'idée", a aussitôt répondu le ministre du Travail, Eric Woerth.
"Le Sénat va voter ce texte et ce moment approche", a-t-il lancé demandant à l'opposition de "garder son calme". "Nous avons été au bout du dialogue social lors de la préparation du texte" qui "a considérablement évolué, 18 fois depuis son entrée à l'Assemblée nationale", a-t-il argué.
"Nous ne serons pas la génération de la lâcheté! ni la majorité de l'impuissance!, ni comme vous l'avez été trop souvent, la majorité du mensonge!", s'est exclamé le patron des sénateurs UMP, Gérard Longuet.
Après cet accès de fièvre, la discussion a repris sur le dernier volet du projet, consacré à l'épargne retraite. Là encore, la gauche a longuement argumenté pour enjoindre le gouvernement "d'entendre la rue" l'accusant de vouloir "saborder la retraite par répartition".
"Cet article pose les fondements de la retraite par capitalisation" pour Guy Fischer (CRC). Avec cet article, "il s'agit d'aller à la captation de l'épargne populaire", ont souligné plusieurs sénateurs, pointant le groupe de retraite complémentaire Malakoff-Médéric dont le délégué général est Guillaume Sarkozy, frère du président de la République.
En début d'après-midi, rare moment de consensus dans ce choc droite-gauche, les sénateurs ont décidé à l'unanimité de maintenir le dispositif de pré-retraite et l'âge de départ à la retraite à 60 ans pour les salariés exposés à l'amiante.
Le dernier article, l'article 33 devrait être voté mercredi soir mais il restera encore 80 articles additionnels défendus par la gauche et une nouvelle délibération demandée par le gouvernement sur l'article 4, consacré à l'allongement de la durée du travail, rejeté par une erreur de vote des centristes.
Le gouvernement espère un vote jeudi soir tablant notamment sur la fatigue physique des élus qui siègent jour et nuit depuis le 15 octobre, mais cela semblait difficile au vu des 290 amendements restant à examiner mercredi en fin d'après-midi.
Le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a pressé le Sénat de voter la réforme des retraites et de ne pas se "perdre en manoeuvres dilatoires".