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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
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Richard Yung
Octobre 2021

Libération Mardi 6 Décembre 2011, Quentin Girard
Cette escort girl, représentante du syndicat du travail sexuel, s’oppose aux abolitionnistes punisseurs de clients.

Dans les Liaisons dangereuses, la marquise de Merteuil conclut ainsi l’une des nombreuses lettres qu’elle adresse à Valmont : « Plaignez-vous de moi à présent, si vous l’osez. » Elle assume : le libertinage, l’indépendance. Morgane Merteuil « aime bien » cette héroïne, au point d’en avoir fait son nom de militante. En juin, cette escort girl de 25 ans est devenue la secrétaire générale du Strass, le Syndicat du travail sexuel, fondé en 2009. Midi. Elle reçoit dans son appartement numéro 69  où elle vient d’emménager seule, au cœur d’une tour de Montreuil. « Je me lève juste. Je m’étais promis de me réveiller à 9 heures, et puis je n’ai pas dormi chez moi. Et puis, il était 11 heures. Du coup, c’est un peu tôt pour le Martini. Vous voulez du thé ? » Elle avait proposé au départ que l’entretien se déroule à l’alcool blanc. Tant pis.

Brune, petite, des seins, des cuisses, des fesses, Morgane Merteuil ressemble plus à une étudiante en lettres modernes elle vient de terminer un master-2 sur Camus et les nihilistes, à Grenoble qu’à une compagne de soirée format Zahia. Son métier, elle l’a débuté en « bar américain », il y a deux ans. « Je cherchais un boulot pour payer mes études. » Cinq à six soirs par semaine débutent alors les longues conversations avec des clients arrosés : « Le but est de leur donner envie de payer une bouteille de champagne à 200 euros. » « Faire ma comédienne dans les bars, ça m’a beaucoup amusée, lâche-t-elle dans un sourire. Officiellement, il ne doit rien se passer, alors qu’en vrai ce sont des genres de maisons closes. » Lorsqu’elle apporte des brochures de prévention sur le sida avant le boulot, les autres trouvent que c’est une drôle de fille. Elle aime ce mélange des genres.

Puis, elle finit par décider de devenir escort à domicile, un choix dans la continuité : « Ça m’arrivait déjà dans les bars de suivre un client chez lui. » Elle s’arrête un instant. Sourit : « Mais bon, je ne le faisais vraiment qu’avec les petits jeunes mignons. » Ce droit au plaisir, elle le défend vigoureusement : « J’estime que je ne fais pas ce métier pour ça. Je le fais pour l’argent, mais si le plaisir est en prime, pourquoi s’en priver. Des fois, j’arrive chez un client, je me dis : “Putain, je vais être payée pour coucher avec lui, c’est grave la classe.” » On relance : « Des fois, il y a des bonnes surprises ? » « Voilà. » « Et des mauvaises aussi ? » Elle hésite un instant. Soupire. « Je ne saurais pas dire. C’est un boulot, y a des journées meilleures que d’autres. »

En mars 2011, aux assises de la prostitution à Lyon, elle découvre véritablement le Strass. Le syndicat, qui revendique 500 adhérents, des prostitué(e)s mais aussi des dominatrices ou des acteurs pornos, défend une position difficile. Il prône « la reconnaissance du travail sexuel » et « la fin de la prohibition de celui-ci ». La tendance actuelle est plutôt à la criminalisation totale, l’abolitionnisme comme l’appellent les associations antiprostitutions. Ce mardi est examinée à l’Assemblée nationale une résolution déposée par deux députés, une PS et un UMP visant à pénaliser le client. Les politiques se soucient assez peu de la position du Strass. La plupart des féministes ne s’y intéressent pas plus. « On est contre ces mouvements qui veulent nous dicter notre conduite », explique la militante. Entre le Nid, la fondation Scelles, les « nouveaux autoritaires » d’Osez le féminisme et le Syndicat du travail sexuel, le dialogue n’existe pas. « Elles considèrent que nous sommes aliéné(e)s, que notre parole est faussée, biaisée, et que du coup cela ne sert à rien de débattre avec nous », se désole la jeune travailleuse du sexe. Elle allume sa troisième cigarette, bien calée au fond de son canapé beige. « A vouloir nous rabaisser comme ça, elles ont un discours de haine. C’est blessant. » Soupir de dépit.

Les adhérents du Strass revendiquent leur choix. « Je suis militante, j’assume », répète souvent Morgane Merteuil. Elle enchaîne: « Je suis une pute. » Elle préfère ce mot à celui de prostituée, « comme les mouvements gays ou lesbiens qui se sont ré approprié les termes de “pédé” et “gouine” ». Consciencieuse, elle sort un discours bien rodé sur les questions inévitables. Oui, il y a des femmes qui sont maltraitées, mais est-ce une raison pour interdire complètement ce type d’activité ? Oui, il y a des mauvais jours, mais est-ce qu’il y a des métiers où tout est parfait ? Non, elle n’a pas eu une enfance difficile et violente, elle était juste une ado rebelle très réticente à l’autorité. Oui, elle aune vie sentimentale à côté et elle n’hésite pas à faire le premier pas.

« Morgane a une très grande culture. Elle donne une autre image de nous, elle montre que nous ne sommes pas que des écervelées avec deux neurones, juste bonnes à sucer des bites », s’enthousiasme Chloé, camarade syndiquée. Le Strass et sa secrétaire générale rêvent de collectifs autogérés par les prostituées : « Surtout pas des maisons closes, avec un patron. On ne veut pas qu’en étant décriminalisée, la prostitution devienne une industrie de plus », juge Morgane Merteuil. « Elle a reboosté ce syndicat qui était dans une phase un peu compliquée, avec des fondateurs partis à l’étranger, note Cécile Lhuillier, vice-présidente d’Act-Up, association amie. Elle apporte du concret dans les débats, elle est super-active. J’aimerais bien qu’il y ait plus de personnes comme elle. »

La militante se définit comme « anarchiste et libertaire ». En avril 2012, elle ne votera pas. « Je n’ai pas envie de participer à un système capitaliste où c’est quelqu’un d’autre qui va gagner son argent sur ma force de travail. Contrairement aux idées reçues, je ne suis pas à vendre. » Elle rit. Redevient sérieuse : « Là, je vais me consacrer quelque temps au militantisme et après j’aimerais bien faire une thèse sur Grisélidis Réal. » Elle voit l’écrivaine, artiste et prostituée suisse « une des premières catins révolutionnaires » comme une « égérie ».

Son travail d’escort lui permet de garder du temps pour militer, de choisir ses horaires et ses clients : « Je fais dans les 25-45 ans, pas trop dans les vieux. » 200 euros de l’heure. Elle préfère se déplacer à l’hôtel ou à domicile.

Les temps sont durs. La crise économique et les lois répressives sont passées par là. Elle dit que le pire c’est pour les filles dehors. Elle dit qu’elle aussi, est « en galère de thunes ». Elle dit qu’il y a des périodes comme ça. La semaine dernière, elle a eu trois rendez-vous seulement dont deux qui l’ont fait venir pour ne pas lui ouvrir.

Morgane Merteuil invoque parfois « l’intime » pour rester discrète. On ne connaîtra pas son pseudo Internet. Sur sa famille, tout juste apprend-on qu’elle a beaucoup bougé quand elle était gamine et que son père est plutôt « réac ». D’ailleurs, tout le monde n’est pas encore au courant. On s’inquiète : « Mais avec la photo, le portrait, là, ils vont tous le savoir... » « Je sais... » « Vous n ‘avez pas peur de leurs réactions ? » « Non. » Elle hésite, se balance un peu sur elle-même, revient en arrière. « Je sais que je vais m’en prendre plein la geule. » Un bref silence. « J’ai fait un choix de vie, j’assume. » Elle le répète une nouvelle fois : « Faut assumer.»

EN 7 DATES
1986
Naissance. 2006 Bac L par correspondance. 2009 Débute dans un bar américain. Mars 2011 Adhésion officielle au Strass. Juin 2011 Secrétaire générale du Strass. 2011 Fin de son master-2 de lettres. Mardi 6 décembre 2011 Dépôt de résolution à l’Assemblée pour la pénalisation des clients de la prostitution.