Libération, Par GILBERT LAVAL, TOULOUSE, 02/12/2012
Elle ne dit pas «putain con», parce qu’elle châtie son langage. Sinon, même l’accent y serait. Farida Belamri aime raconter que Toulouse est sa «ville natale». Elle promène sa coiffure brune et ses pétantes lunettes rouges dans le quartier historique Saint-Cyprien, qu’elle habite depuis trente-cinq ans. Sauf qu’elle est née en 1956 en Algérie. «Mais c’était encore la France, en 56. Si l’Algérie a voulu prendre son indépendance, je n’y suis pour rien, moi.»
Elle ne comprend pas que la nationalité française lui soit refusée depuis 2002. «J’écoute ses discours : j’ai tout ce que M. Sarkozy demande…» Cette femme très chic est pour le moins «intégrée» : diplômée comme assistante maternelle, elle travaille, parle un parfait français, l’écrit tout aussi bien, énumère les rues de briques roses où elle a habité, élevé et scolarisé ses quatre enfants, qui - cela devrait plaire aux autorités - n’ont jamais connu le moindre ennui policier ni judiciaire.
Son dossier de demande est d’abord resté sous un coude à la préfecture. En 2010, un reportage de France 3 consacré à son cas lui a valu un appel des services préfectoraux indiquant que son dossier était traité. La réponse est tombée plus d’un an après, en juin, réitérée hier matin, après une autre demande : ses CDD ne lui assureraient pas la situation pérenne indispensable à l’acquisition de la nationalité… Elle brandit ses feuilles d’impôts (588 euros sur ses revenus 2010) et fiches de paie attestant de ses cotisations sociales : «Pas de revenus suffisants ? Et comment j’ai fait tout ce temps pour élever seule mes quatre enfants et me nourrir sans jamais de retard pour payer mes loyers ?»