Le Monde, 27 juillet
Il ne fait pas bon traîner dans les couloirs du Palais de Luxembourg à l'approche de minuit. Des sénateurs, comme des "snipers", n'hésitent pas à dégainer des amendements qui parfois font mouche.
Exemple jeudi soir aux alentours de 23 heurs 30 lors de l'examen de la seconde partie du collectif budgétaire pour 2012. La sénatrice centriste (UCR) de l'Orne Nathalie Goulet soumet au vote un amendement proposant la diminution de 13 millions d'euros du budget du Quai d'Orsay en réduisant à 21 le nombre d'ambassadeurs itinérants contre 26 aujourd'hui. Malgré un avis défavorable du gouvernement et du rapporteur socialiste du Budget au Sénat, Nathalie Goulet, qui a rallié à sa cause les sénateurs UMP et centristes ainsi que deux sénateurs socialistes, a réussi son coup l'amendement a été adopté !
Cette victoire pourrait n'être que provisoire : l'amendement de Nathalie Goulet risque de ne pas franchir l'obstacle de la commission mixte paritaire réunissant mardi prochain députés et sénateurs. Mais en attendant les ambassadeurs chargés de la piraterie, de la commission internationale sur les Pyrénées, de la rénovation des sommets franco-africains, de la prévention des conflits, de l'adoption internationale, de la Shoah ou de l'Asie vont se retrouver dans l'oeil du cyclone. Ou au moins la cible de l'ironie mordante de Nathalie Goulet : "Nous avons des ambassadeurs thématiques qui correspondent à autant de postes pour des amis ou collègues en mal d'exotisme", a-t-elle pointé jeudi soir.
Parmi les ambassadeurs thématiques, on peut citer Michel Rocard. L'ancien Premier ministre a été nommé en 2009 ambassadeur chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique. Les premiers postes d'ambassadeurs itinérants avaient été créés en 1998 par Jacques Chirac pour la conférence du millénaire.
Ce n'est pas la première fois que ce sujets des ambassadeurs itinérants ou thématiques fait l'objet de l'intérêt des parlementaires. A l'automne dernier, Nathalie Goulet avait déjà voulu supprimer une partie de ces postes et elle avait interpellé Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères sur la question. Ce dernier avait à la fois défendu l'utilité des missions assurées mais aussi contesté le montant de 13 millions de crédits que souhaitait supprimer la sénatrice. Selon Alain Juppé, ce chiffre "ne correspond à rien". Il précisait qu'une partie - quinze - de ces ambassadeurs étaient des fonctionnaires et que leurs salaires représentaient "au total 2 millions d’euros ; mais ils seraient payés de toute manière, même s’ils n’occupaient pas ces fonctions". Et qu'enfin," ils coûteraient plus cher s’ils étaient en poste à l’étranger". Le ministre des Affaires étrangères indiquaient également que les frais de mission qui leur étaient attribué se montaient globalement à 400 000 euros.
Un sénateur socialiste, Richard Yung, travaille d'ailleurs actuellement sur la question. Interrogé lors de la séance de jeudi soir, voilà ce qu'il a dit de ces ambassadeurs un peu spéciaux puisqu'ils ne sont affectés à aucun pays : "Sur les 26 postes d'ambassadeurs thématiques certains ont une activité réelle. D'autres, sont plus problématiques et donnent parfois l'impression d'aider quelqu'un que le suffrage universel n'a pas voulu reconduire".
Le sénateur Yung souligne néanmoins que le Quai d'Orsay a, au cours des discussions, sur le sujet "une attitude positive" et promet des d'ici septembre des "propositions significatives".
Anne Eveno