Le Canard enchaîné du 14/11/2012
L’imagination du ministère des Affaires étrangères est sans limites pour créer des postes d’ambassadeurs « thématiques ». Inventé sous Chirac, ce concept s’est épanoui sous Sarkozy: 28 ambassadeurs itinérants (ou thématiques) occupent aujourd’hui les postes les plus exotiques. A commencer par Michel Rocard, recasé par Sarko chez les pingouins et les manchots comme ambassadeur « des pôles ». Les autres intitulés sont aussi gratinés. Un ambassadeur est « chargé de la bioéthique et de la responsabilité sociale des entreprises ». Un autre a l’impérieuse charge des « relations avec la société civile ». Un troisième est ambassadeur à la «préfiguration de l’Office méditerranéen de la jeunesse ». Un autre – on se pince – est « chargé de la mobilité externe des cadres des affaires étrangères » : une sorte d’« ambassadeur des ambassadeurs », rigole le député PS François Loncle, auteur d’une question écrite, le 6 novembre, sur l’« utilité » de ces diplomates de haute volée. La réponse est dans le casting...
Quatre anciens ministres ont été ainsi recasés : Rocard, mais aussi l’ancien ministre de Chirac Jacques Valade, ou Serge Lepeltier (ex-secrétaire général du RPR), ambassadeur « chargé des négociations sur le changement climatique ». Parce que la ministre de l’Écologie fait tapisserie ? Quant à l’ancien ministre UMP Gilles de Robien, il est – défense de rire – ambassadeur chargé... de la « cohésion sociale ». Plus « utile » encore l’ancien sénateur UMP Louis de Broissia est « ambassadeur à l’Audiovisuel extérieur », alors qu’il existe une présidente de l’Audiovisuel extérieur ! « L’inventivité sémantique des bureaucrates paraît illimitée, ironise François Loncle. A quand un ambassadeur itinérant des vignobles ? » C’est sympa de penser à Borloo...
Chargé d’un rapport sur le sujet, le sénateur PS Richard Yung présentait ses conclusions, mardi 13 novembre, en commission des Finances. Selon lui, il n’y a pas beaucoup d’économies à gratter : « Les anciens ministres ou sénateurs ne sont pas payés, ils touchent des petites indemnités. » Avec quand même quelques frais de mission et de représentation à la clé... Total de ces frais pour les 28 ambassadeurs :200 000 euros l’an dernier.
« La plupart sont des fonctionnaires qui seraient de toute façon payés par le Quai ou par d’autres ministères », assure Richard Yung. A deux exceptions près : l’avocat François Zimeray, ambassadeur aux droits de l’homme, et un ancien journaliste du « Point», Olivier Weber. Dans les petits papiers de Sarkozy, ce confrère méritant s’est retrouvé propulsé, en 2008, « ambassadeur chargé de la lutte contre la criminalité organisée ». Avec 145 507 euros de coût salarial par an et 15582 euros de frais de mission, voilà un traitement qui n’est pas trop criminel...