Les Échos, Par Ninon Renaud et Véronique Chocron | 05/03 | 07:00
Vous présentez le 12 mars en commission des Finances votre rapport sur le projet de loi de régulation et de séparation bancaire : quel est votre état d'esprit ?
Le texte va dans la bonne direction et il n'est pas question d'en modifier l'équilibre fondamental mais d'apporter des améliorations, notamment sur le plafonnement des commissions d'intervention facturées par les banques à leurs clients.
Que proposez-vous ?
Nous respecterons le principe d'un plafond, mais je déposerai un amendement pour en moduler le montant afin de ne pénaliser ni les banques ni leurs clients fragiles. Les commissions d'intervention représentent près de 3 milliards d'euros de revenus par an pour les banques : c'est une part importante de leur activité. Un plafond trop limitatif risquerait donc de les pousser à automatiser l'examen des opérations problématiques, quitte à réduire la taille de leurs équipes et à mettre en même temps en difficulté les ménages qui auraient besoin d'un traitement sur mesure.
Il faut donc imaginer un plafond évolutif, en escalier, en fonction de critères simples. Ce pourrait être le nombre d'opérations réalisées sur le compte ou son solde, qui permettent de jauger la situation financière de chacun et de ses comportements financiers.
L'objectif est de faire la part entre les clients fragiles et ceux qui ne souscrivent pas officiellement de crédit mais le paient via les commissions d'intervention parce qu'ils gèrent mal leur budget. Ceux-là n'ont pas à être protégés de la même façon.
En matière de protection du consommateur, déposerez-vous d'autres amendements ?
Oui, je souhaite notamment prolonger le délai dont disposent les candidats à un crédit immobilier pour souscrire une assurance emprunteur alternative à celle que propose la banque qui fait l'offre de prêt. Dans ce domaine, le dispositif existant prévu par la loi Lagarde n'a pas permis de faire jouer davantage la concurrence pour faire baisser les prix. Je soutiendrai aussi des amendements qui pourraient être déposés par la sénatrice centriste Muguette Dini afin de mieux protéger les personnes en situation de surendettement. Celles-ci doivent en particulier pouvoir continuer de payer leur loyer ou leur crédit immobilier si elles en ont les moyens, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
La partie du texte sur la résolution des banques promet aussi quelques débats...
C'est en effet, après les commissions d'intervention, le deuxième sujet de focalisation des sénateurs. Le projet de loi donne un pouvoir exhorbitant à la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ce qui est une bonne chose. Mais il faut que ce pouvoir soit juridiquement encadré, afin de s'assurer que toutes les possibilités de recours existent pour les banques.
Je déposerai aussi un amendement permettant d'appeler la dette senior, c'est-à-dire les obligations en cas de renflouement ou « bail-in ». Le gouvernement est réticent mais ce serait une évolution naturelle dans la mesure où la directive européenne en cours de gestation devrait aussi intégrer la dette senior dans son dispositif de bail-in.
La définition actuelle du fonds de résolution vous convient-elle?
Malgré les hésitations du ministre de l'Economie, je pense qu'il faut trouver un moyen de sécuriser la partie de ce fonds consacrée à la garantie des dépôts, puisqu'il est susceptible d'être appelé pour toute opération de sauvetage bancaire. Or il représente aujourd'hui 2 milliards d'euros et a vocation à atteindre de 10 à 15 milliards d'euros en 2020, soit 1 % des dépôts seulement.
Amenderez-vous la partie séparation des activités bancaires du texte ?
Cette partie a déjà fait l'objet de longs débats mais je proposerai sans doute que le seuil établi par le ministre de l'Economie, au-delà duquel les activités de tenue de marché doivent être cantonnées, soit défini non pas globalement mais uniquement banque par banque afin de prendre en compte la réalité de chacune.
Je souhaite par ailleurs que soient mieux encadrées les positions prises par les banques pour le compte de leurs clients sur les produits dérivés de matières agricoles et sur le trading à haute fréquence. L'Autorité des marchés financiers pourrait être chargée du reporting et de la définition de ces positions.
Enfin, je souhaite déposer un amendement qui créera un délit pour les manipulations d'indices comme le Libor. La France a été jusqu'à présent trop discrète sur le sujet.
La Suisse légifère sur les rémunérations abusives des patrons des sociétés cotées. Envisagez-vous dans cette mouvance un amendement pour limiter les bonus des banquiers ?
C'est une question de timing. Si un accord en ce sens intervient avant l'examen au niveau européen, dans le cadre de la directive CRD4, je proposerai d'ajouter un amendement dans le projet de loi français.