La Tribune, Christine Lejoux | 06/06/2013
La Commission européenne a indiqué jeudi qu'elle présenterait cet été un projet de loi, en vue de mieux encadrer la gestion du Libor et de l'Euribor, après les récents scandales de manipulation de ces taux par les banques.
Le "Liborgate" et "l'Euriborgate", plus jamais ! La Commission européenne a annoncé, jeudi, qu'elle formulerait cet été des propositions pour réglementer le Libor et l'Euribor, après les scandales de manipulation de ces taux auxquels les banques se prêtent de l'argent, scandales qui avaient éclaté en 2012. Le projet de loi de la Commission "établira notamment des règles de bonne gouvernance, afin de gérer les conflits d'intérêt", a précisé Michel Barnier, le commissaire européen en charge des services financiers.
De fait, l'une des manipulations du Libor et de l'Euribor, déterminés à partir des taux fournis par un panel de banques internationales, consistait, pour certaines d'entre elles, à gonfler les taux transmis. L'objectif : augmenter leurs marges sur les produits dérivés traités par leurs traders et indexés sur... le Libor et l'Euribor. Un autre type de manipulation, devenu très courant après la crise financière de 2008, visait au contraire à communiquer des taux bas, afin de donner une image solide des banques participant à la fixation du Libor et de l'Euribor. Des manipulations d'autant plus graves que ces taux, loin de se cantonner à la sphère bancaire, servent de base pour élaborer le prix de millions de produits financiers, tels que les crédits immobiliers et les crédits à la consommation.
Une supervision confiée à l'ESMA ou à la BCE ?
Afin d'éviter que pareilles manipulations se répètent, l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et l'EBA (Autorité bancaire européenne) ont préconisé de leur côté, jeudi toujours, que les taux communiqués par les banques dans le cadre de la fixation du Libor et de l'Euribor soient des taux réels, constatés, et non plus de simples estimations. Steven Maijoor, président de l'ESMA, a déclaré que l'adoption immédiate de ce principe contribuerait à rétablir la confiance dans ces indices et ouvrirait la voie au projet de loi de la Commission européenne.
Parmi les autres mesures-phares proposées par cette dernière figure la création d'une autorité de supervision du Libor et de l'Euribor, lesquels fonctionnaient jusqu'à présent sur la base de l'autorégulation. Selon l'AFP, cette supervision échoirait à l'ESMA, qui a ses quartiers à Paris. Mais, pour le sénateur PS, Richard Yung, qui s'apprête à présenter au gouvernement français et à Bruxelles les propositions de la Commission des affaires européennes du Sénat sur ce sujet, c'est la Banque centrale européenne (BCE) qui est la plus légitime pour jouer ce rôle de superviseur. Et ce, en raison de "son poids déterminant, de son autorité et de sa connaissance du marché interbancaire", argumente Richard Yung. Qui "distingue très clairement le Libor de l'Euribor", le premier étant "un enjeu pour la place de Londres" et le second, un enjeu "pour la zone euro."
Une proposition qui fait l'unanimité contre elle
Mais, de l'aveu même du sénateur, la BCE, qui a déjà bien d'autres chats à fouetter, ne déborde pas d'enthousiasme à l'idée de superviser l'Euribor. La Commission européenne a, elle aussi, fraîchement accueilli cette suggestion. "J'ai cru comprendre que la Commission n'était pas favorable à ce que la BCE gagne encore en puissance", ironise Richard Yung. Et de résumer : "Tout le monde est contre cette proposition, ce qui prouve qu'elle est bonne !"
Tout le monde, sauf, a priori, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, dont le soutien est nécessaire à Richard Yung pour tenter de faire passer ses propositions auprès de la Commission européenne. "Le ministre est favorable au développement de la gouvernance économique de la zone euro, or, avec cette proposition, je lui apporte cela sur un plateau", sourit le sénateur.