Les Échos, 06/06
L'ESMA veut des indices de référence fondés sur des"transactions observables"Des préconisations dans l'attente d'une directiveeuropéenneUne proposition sénatoriale française pour une supervisionde l'Euribor par la BCE
La Commission européenne prévoit de présenter dans quelques semaines un projet de texte législatif impliquant un transfert de la supervision du Libor de Londres à Paris.
Deux banques britanniques, Royal Bank of Scotland et Barclays, et une suisse, UBS, ont été mises à l'amende pour un montant total de 2,6 milliards de dollars pour avoir manipulé le Libor. D'autres établissements sont toujours sous le coup d'enquêtes des autorités réglementaires qui concernent également la fixation de l'Euribor.
Le Libor et son équivalent continental l'Euribor servent de référence pour la valorisation de produits financiers dont certains ont des maturités de plusieurs dizaines d'années, représentant entre 360.000 et 600.000 milliards de dollars, selon les estimations.
"Les principes définitifs donnent désormais de la clarté aux fournisseurs d'indices de référence et à leurs utilisateurs au sein de l'Union européenne quant à ce qui est attendu d'eux lorsqu'ils sont impliqués dans cette activité de marché cruciale", a déclaré Steven Maijoor, président de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), basée à Paris.
Les principes ont été établis en collaboration avec l'Autorité bancaire européenne (EBA) afin de fournir un cadre de référence pour la gouvernance, le calcul, la diffusion et la collecte des informations permettant d'établir tout type d'indice de référence.
Un premier projet avait été rendu public en janvier et les principes définitifs dévoilés jeudi exigent par ailleurs des participants à la production d'indices de référence qu'ils mettent en place des procédures de secours en cas d'indisponibilité totale ou partielle des données utilisées pour leur calcul.
Ils préconisent que les données utilisées soient représentatives des actifs sous-jacents - qu'il s'agisse de taux d'intérêt ou de matières premières - et résultent de transactions observables réalisées dans des conditions réelles de concurrence.
LE LIBOR SUPERVISÉ À PARIS
Cette disposition vise à satisfaire des régulateurs qui, comme le président de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) américaine Gary Gensler, plaident pour le remplacement du Libor par des indices de référence fondés sur des transactions réelles.
D'autres régulateurs et des intervenants de marché soulignent toutefois qu'en ce qui concerne les indices de taux d'intérêt, les volumes de transactions actuels sont insuffisants pour établir des résultats fiables et exploitables.
Ils privilégient donc une approche hybride combinant une cotation des transactions réelles quand cela est possible et une cotation sur la base du jugement d'experts.
Steven Maijoor a déclaré que l'adoption immédiate de ces principes contribuerait à rétablir la confiance dans les indices de référence des marchés financiers et ouvrirait la voie aux évolutions législatives à venir.
Le Commissaire européen au Marché intérieur Michel Barnier doit rendre public dans les prochaines semaines un projet de texte qui prévoit un durcissement des sanctions en cas de manipulation des indices de référence.
Le projet devrait proposer que l'ESMA soit directement chargée de réguler les indices de référence considérés comme cruciaux pour les marchés à l'échelle paneuropéenne, Libor et Euribor entrant sans conteste dans cette catégorie.
"Les indices de référence ont une portée mondiale", a souligné un haut fonctionnaire au fait du projet de texte porté par Michel Barnier. "Leur supervision devrait avoir une dimension européenne."
Le Libor n'était couvert par aucune législation ou autorité de supervision jusqu'à l'entrée en vigueur début avril des réformes du Financial Services Act britannique. Le transfert à l'ESMA de la supervision du Libor conduirait à l'ancrer à Paris.
Les principes définitifs publiés par l'ESMA n'évoquent pas en revanche l'éventuelle obligation qui pourrait être faite à certaines banques de contribuer au calcul des indices de taux afin d'en garantir la représentativité. Plusieurs banques se sont en effet retirées des panels de contributeurs au calcul du Libor et de l'Euribor en raison des risques juridiques auxquels leur participation les expose.
A Paris, la commission des Affaires européennes du Sénat a présenté jeudi une proposition de résolution préconisant de confier la supervision de l'Euribor à la Banque centrale européenne plutôt qu'à l'ESMA.
"Je distingue très clairement le Libor et l'Euribor, le Libor c'est un enjeu pour la place de Londres, l'Euribor c'est pour la zone euro qui a besoin d'indices forts", a déclaré son secrétaire, le sénateur socialiste Richard Yung.
"Pour moi, la supervision de l'Euribor est un élément de la gouvernance économique de la zone euro", a-t-il ajouté, plaidant pour une réforme spécifique à l'Euribor.