Les Français quitteraient massivement le pays et manifesteraient ainsi une
«perte de confiance voire un rejet de la France». C’est ce qu’a récemment allégué Philippe Marini, président de la commission des finances au Sénat. Ses sources ? Les statistiques sur les contribuables redevables de l’impôt sur le revenu partis à l’étranger en 2011. Ces chiffres de la Direction générale des finances publiques sont fiables. 35 077 foyers fiscaux - français et étrangers - ont quitté notre pays en 2011. Je récuse néanmoins l’interprétation qu’en fait le sénateur Marini et les conclusions qu’en tirent quelques commentateurs de mauvaise foi. La réalité de l’expatriation est plus complexe. D’abord, ces chiffres font état des expatriés au titre de 2011 (ceux de 2012 ne sont pas encore connus), sans faire état du nombre de nos compatriotes revenus en France durant cette même année. Le solde net des départs est inférieur. Le précédent pic de départs avait eu lieu en 2008, un an après l’élection de Sarkozy (29 000 départs). L’année de référence infirme l’argument selon lequel cette augmentation résulterait de l’arrivée de la gauche au pouvoir. Evoquer le motif fiscal est fallacieux, puisque la droite était à l’époque «aux affaires» et le bouclier fiscal en vigueur. Il est donc hâtif, à partir de données incontestables, d’établir la corrélation entre pression fiscale et expatriation. Certains de nos compatriotes partent pour des raisons fiscales, mais ils restent minoritaires. Les revenus déclarés par les expatriés de 2011 balaient d’ailleurs l’idée d’une émigration massive pour de tels motifs. Il y a confusion entre exilés fiscaux, dont certains reviennent en France (1 200 en 2012 après que le gouvernement a pris des mesures contre l’évasion fiscale), et les Français qui s’expatrient pour raisons professionnelles ou personnelles.
Les motivations de ces derniers : évoluer professionnellement, s’enrichir culturellement, satisfaire un goût de l’aventure. Ils ne fuient pas leur pays. Au contraire, par leur capacité à tendre des passerelles avec le monde, les Français de l’étranger dessinent les nouvelles frontières de la France. Une France qui a saisi les enjeux de la globalisation et qui perçoit la mobilité internationale comme un atout, tant individuel que collectif. Les jeunes générations l’ont bien compris. Pour preuve, 55 000 de nos jeunes compatriotes partent chaque année étudier à l’étranger. 71% des expatriés de 2011 ont entre 30 et 40 ans. Les jeunes actifs se montrent de plus en plus mobiles. Ils constituent une richesse pour notre pays et une source de compétitivité, à leur retour notamment. D’autres chiffres, tirés de la dernière «Enquête sur l’expatriation des Français» réalisée en 2012 à partir des réponses de 8 937 expatriés, affinent la compréhension de l’expatriation. Ils sont 53% à indiquer qu’ils envisagent un retour à court ou moyen terme.
L’expatriation est une liberté, que certains se plaisent aujourd’hui à contester. C’est enfin une nécessité, pour toute nation ambitieuse aspirant à conquérir de nouveaux marchés et à créer de nouveaux emplois. En cela, la mobilité internationale des Français est un précieux levier pour le redressement économique de la France.