Le Canard enchaîné m’a fait l’honneur de consacrer un article à ma proposition de loi sur la contrefaçon. Vous trouverez ci-dessous ma réponse, ainsi que l'article en question.
Cher Volatile,
J’ai été honoré d’avoir un article consacré à une proposition de loi présentée au Sénat (4 déc., page 5, « Prends en de la graine ! »).
Même les canards peuvent faire l’objet d’obtention animale par croisement naturel ou par manipulation génétique.
Mais en l’occurrence la loi que j’ai défendue ne s’occupe pas spécifiquement de semences contrairement à ce que laisse entendre le charivari organisé par la Confédération Paysanne.
Elle vise à renforcer nos moyens de lutter contre la contrefaçon en toute matière : brevets, marques, dessins et modèles et bien sûr obtentions végétales (protégées non pas par un brevet, mais par un certificat d’obtention végétale). Il existe le privilège du fermier qui permet l’utilisation des semences précédentes par l’agriculteur pour réensemencer son champ.
Je suis sûr que le Canard n’apprécierait que modérément de voir une marque déposée « Le Canard enchaîné » (pour tous produits d’humour) ou de voir un périodique publié portant le même titre.
Il s’agit aussi de défendre notre industrie, nos emplois, notre sécurité.
Un petit coup de fil du Volatile aurait permis d’éviter le hors-sujet.
Bien coin-coin à vous,
Richard Yung
Prends-en de la graine!
« Le Canard enchaîné » — mercredi 4 décembre 2013
C’est un sénateur PS, Richard Yung, qui a eu cette idée. Son but, dit-il, est de « protéger nos entreprises ». Contre qui ? Contre ces filous d’agriculteurs. Imaginez en effet que certains agriculteurs ont le toupet d’acheter des semences, de les semer, de prendre soin des plantes qui poussent, comme le blé, les féveroles, les pois protéagineux, puis de récolter des plantes, lesquelles, comme chacun sait et comme le veut Dame Nature, contiennent des graines, et, ouvrez bien les yeux, de garder par-devers eux une petite quantité de ces graines, qu’ils ressèment la saison d’après. Scandale ! Vol manifeste ! Contrefaçon !
Alors que tout agriculteur qui se respecte rachète poliment chaque année ses semences auprès d’un industriel agréé, lequel protège les semences qu’il a bricolées en laboratoire par une sorte de brevet d’invention nommé COV, certificat d’obtention végétale, et ce depuis déjà un demi- siècle.
Grâce à la proposition de loi de M. Yung, qui a été adoptée à l’unanimité par les sénateurs le 20 novembre (et repassera devant les députés en février), les douaniers pourraient, sur simple présomption, aller dans les fermes saisir les semences suspectes, appelées « semences de ferme », un terme qui à lui seul fait dresser l’oreille. Les douaniers seraient même autorisés, à l’américaine, à se faire passer pour des acheteurs de ces semences de ferme, afin de confondre les affreux contrefacteurs.
Regroupant 22 associations et syndicats (dont, entre autres, la Confédération paysanne, Réseau semences paysannes et la Fédération nationale d’agriculture biologique), le collectif Semons la biodiversité dénonce ce mauvais coup porté aux agriculteurs, au bénéfice des grandes firmes semencières. Et de rappeler cette évidence : la sélection paysanne existe depuis l’invention de l’agriculture. Les grandes firmes n’ont fait que capter à leur profit ce long travail collectif, en y ajoutant, certes, leur grain de pesticide, mais surtout en brevetant à tout-va...
Cette nouvelle loi ne ferait donc que renforcer l’arsenal juridique qui protège les semenciers, et accélérer la privatisation du vivant. Déjà, une loi de 2011 oblige tous les agriculteurs qui font des semences de ferme à s’enregistre auprès de l’administration. Tous sont désormais des suspects ! Tous des contrefacteurs en puissance ! Le flicage des campagnes est en marche...
A la question posée par « Basta! » (27/11) : « Quelles garanties précises vont demander les écologistes, dans le cadre de la loi d’orientation agricole, pour éviter que l’industrie semencière n’entrave la liberté de cultiver et le droit de replanter ? », Hélène Lipietz, sénatrice EE LV, répond que, « en tant que citoyenne », elle trouve « scandaleux que les semences végétales puissent faire l’objet de brevets par les géants de l’alimentaire ». Mais que, « en tant que législateur », elle « n’a pas les compétences en matière agricole » pour répondre. Et, du coup, elle a voté la « loi contrefaçon », vu que celle- ci concerne en vrac médicaments, plaquettes de frein, etc. On n’est pas sorti de l’auberge.
Jean-Luc Porquet