La Tribune, Christine Lejoux | 20/02/2014, 18:16
Après l’Assemblée nationale, c’est au tour du Sénat de proposer au gouvernement un texte sur le mécanisme de résolution unique des crises bancaires. Ce second pilier de l’union bancaire fait l’objet de négociations ardues entre les ministres des Finances des 28 et le Parlement européen.
Les parlementaires français s'invitent dans le débat sur le projet d'union bancaire européenne. Jeudi 20 février, le sénateur Richard Yung a présenté à la presse la proposition de résolution que la Commission des affaires européennes du Sénat s'apprête à transmettre au gouvernement, au sujet du mécanisme de résolution unique des crises bancaires (MRU).
Second volet du projet d'union bancaire, après la supervision unique des banques - rôle que la Banque centrale européenne (BCE) endossera en novembre -, le MRU fait l'objet de négociations ardues entre les ministres des Finances de l'Union européenne (UE) et le Parlement européen. Ce dernier se refuse à adopter en l'état le compromis conclu en décembre entre les ministres des Finances de l'UE, et qui défend surtout les positions de l'Allemagne. Au motif, notamment, que le MRU ainsi déterminé est bien trop complexe pour permettre de sauver ou de fermer rapidement une banque aux abois.
Donner davantage de pouvoir au conseil de résolution
De fait, d'après ce texte, c'est à la Banque centrale européenne (BCE) qu'échoit la responsabilité de tirer la sonnette d'alarme sur la santé d'une banque. A la suite de quoi, un conseil de résolution - constitué de cinq membres permanents, de représentants des autorités de supervision nationales et d'observateurs de la Commission européenne - décidera de sauver ou, au contraire, de liquider la banque en question, ainsi que des modalités et du calendrier du renflouement ou de la mise en faillite. Mais, une fois tout ce joli monde tombé d'accord, la partie n'est pas finie : la Commission européenne peut faire part de son désaccord, tant sur l'opportunité du sauvetage ou de la liquidation, que sur ses modalités techniques.
Dans ce cas, c'est aux ministres des Finances de l'UE de trancher, ce qui déplaît souverainement au Parlement européen. D'abord parce que dernier souhaite qu'il revienne à une institution européenne - la Commission, en l'occurrence - de décider en dernier ressort du destin d'une banque en difficulté, afin d'éviter que la décision ne soit biaisée par des considérations politiques. Ensuite, parce que le processus de décision est beaucoup trop long pour permettre de régler très vite une crise bancaire. 'Dans ce genre de cas, il faut pouvoir agir en quelques heures", reconnaît le sénateur Richard Yung, qui n'hésite pas à qualifier "d'usine à gaz" l'accord sur le MRU trouvé par les ministres des Finances des 28. La Commission des affaires européennes du Sénat demande donc "de donner davantage de pouvoir au conseil de résolution", de faire de ce dernier "un agent exécutif."
Diviser par deux le délai de mutualisation du fonds de résolution
Les revendications de la Commission des affaires européennes du Sénat portent également sur le fonds de résolution unique, au cœur du MRU. D'après l'accord conclu entre les ministres des finances des 28 il y a deux mois, ce fonds sera d'abord constitué de compartiments nationaux, abondés par les banques de chaque pays. Compartiments qui ne seront mutualisés que très progressivement, au terme d'une période de dix ans, à l'issue de laquelle le fonds disposera de 55 milliards d'euros environ. Concrètement, c'est à partir de 2026 seulement que le fonds de résolution pourra voler à la rescousse de n'importe quelle banque, indépendamment de son pays d'origine. D'ici là, ce sont les Etats qui continueront à jouer les pompiers de service pour leurs propres banques.
"Nous suggérons d'accélérer le rythme de la mutualisation des fonds nationaux, en réduisant le délai à cinq ans", indique Richard Yung, emboîtant ainsi le pas au Parlement européen, au gouverneur de la BCE, Mario Draghi, ainsi qu'à plusieurs pays. "Il faut une part mutualisée dès le début, et que cette part augmente aussi vite que possible", a récemment reconnu le ministre français des Finances, Pierre Moscovici. Cela enverrait "un signal positif aux marchés", en renforçant la crédibilité de ce fonds, avait renchéri le ministre espagnol, Luis De Guindos.
Un accord à trouver d'ici à la mi-mars
Reste que ramener le délai de mutualisation du fonds à cinq ans signifie, en principe, doubler le rythme des contributions des banques, si l'on veut que le fonds dispose de 55 milliards d'euros dès 2021. "Pas forcément. Les versements des banques pourraient se limiter à 25 milliards d'euros sur cinq ans", rétorque Richard Yung, bien conscient que le secteur bancaire français n'hésiterait pas à brandir l'argument de ses taxes déjà élevées et des coûts des nouvelles réglementations auquel il est confronté pour freiner des quatre fers, face à la perspective de doubler le rythme de son abondement au fonds de résolution. D'autres pays jugent également impossible d'exiger pareil effort des banques. Pas l'Allemagne.
Enfin, la Commission des affaires européennes du Sénat, à l'instar de la BCE, du gouvernement français et de plusieurs autres pays européens, souhaite que le fonds de résolution puisse emprunter de l'argent sur les marchés, au cas où la somme de 55 milliards d'euros s'avérerait insuffisante. Une position qui, là encore, n'est pas celle de Berlin. C'est justement pour appuyer le gouvernement français, dans le cadre des négociations entre les ministres des Finances des 28, que le Sénat s'est fendu de cette proposition de résolution.
L'Assemblée nationale en avait fait autant trois semaines auparavant, avec un texte assez similaire à celui de la chambre haute du Parlement, selon Richard Yung. Qui rappelle combien le temps est compté, pour le projet d'union bancaire : si les ministres des finances de l'UE et le Parlement européen ne s'entendent pas avant la mi-mars, "alors nous perdrons plus d'un an, car il faudra réinitialiser le processus avec le nouveau Parlement européen [qui sera élu le 25 mai ; Ndlr]."