Manque à gagner pour les entreprises qui en sont victimes mais aussi manque à gagner fiscal pour l’État français, menace pour l’emploi, risque pour la sécurité et la santé des consommateurs... La contrefaçon est « un fléau mondial », pour le sénateur socialiste Richard Yung.
LA CONTREFAÇON « REPRÉSENTE ACTUELLEMENT PRÈS DE 10% DU COMMERCE INTERNATIONAL CONTRE 5% EN 2000, explique Richard Yung, auteur d’une loi sur le sujet adoptée à l’unanimité par le Parlement fin février. En France, la progression est significative : en 2012, 4,6 millions d’articles contrefaits ont été saisis — soit 3,8 millions de plus qu’en 2002 — pour une valeur de 287 millions d’euros (contre 166 millions d’euros dix ans auparavant). « La contrefaçon est passée du stade artisanal au stade industriel », selon Richard Yung. Elle est le fait « de véritables filières organisées qui possèdent des outils de production de masse parfois à la pointe de la technologie ».
Par ailleurs, « longtemps cantonnée aux seuls produits de luxe, elle frappe aujourd’hui les articles de consommation courante, qu’il s’agisse des jouets, du textile, des chaussures, des médicaments, des produits alimentaires, des boissons, des appareils domestiques, des pièces détachées, des parfums, de l’horlogerie, des logiciels, des produits culturels (livres, CD, DVD)... »
Sanctionner la faute lucrative
Le Parlement a donc décidé de compléter l’arsenal juridique actuel. Concrètement, cela se traduit tout d’abord par un renforcement des dédommagements civils accordés aux entreprises victimes de contrefaçon. « La contrefaçon demeure encore aujourd’hui une faute lucrative », même en cas de condamnation, explique Richard Yung. Désormais, pour fixer le montant des dommages et intérêts, le juge devra prendre en compte à la fois les conséquences économiques de la contrefaçon pour l’entreprise victime, le préjudice moral subi et les bénéfices réalisés par le contrefacteur. « Ce dispositif devrait conduire à une augmentation sensible des dommages et intérêts accordés aux titulaires de droits », selon le sénateur.
La réparation du préjudice peut également être effectuée selon la méthode forfaitaire. Dans ce cas, les parlementaires ont prévu que les dommages et intérêts devront obligatoirement être supérieurs à ce qu’aurait eu à payer le contrefacteur s’il avait effectivement été titulaire d’une licence d’exploitation. Ils ont aussi précisé qu’une indemnisation pour préjudice moral pourrait s’ajouter aux sommes prévues par cette méthode forfaitaire.
Mieux contrôler le fret express
Les élus ont enfin souhaité renforcer les moyens d’action de la douane (infiltrations, « coups d’achat », c’est-à-dire la possibilité pour les douaniers de se porter acquéreur de produits contrefaits, pour prouver l’infraction) contre tous les types de contrefaçon et faciliter les contrôles sur le fret express, qui représente 30% des saisies. Ils ont notamment permis aux autorités douanières d’accéder aux données des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express, afin d’améliorer le ciblage des contrôles.
« Made in France » N°5, avril à juin 2014