Lu dans le Canard Enchaîné du mercredi 16 juillet
LE 14 JUILLET, François Hollande a martelé que la France était « un grand pays ». Le message a dû tinter bizarrement aux oreilles des centaines d’invités autrichiens qui se pressaient ce même jour pour la fête nationale française à Vienne, dans les jardins du palais Clam-Gallas, qui abrite l’Institut français dans ses murs ainsi que le lycée français dans son parc.
Car le Quai d’Orsay, par souci d’économie, cherche à rapetisser le « grand pays » : il souhaite revendre ce palais de 1834 exceptionnellement situé et acheté en 1952 pour une bouchée de pain à la famille francophile des Clam-Gallas. Le Qatar est aujourd’hui sur les rangs pour se l’offrir : tout un symbole... Or le palais abrite certaines activités du lycée, notamment sportives. Et le rayonnement de l’Institut, avec ses conférences, ses expositions, ses cours de langue très demandés et sa médiathèque, profite aussi à ce bahut de 1 900 élèves qui forme l’élite autrichienne (60 % des effectifs). « La synergie fonctionne, il est dangereux de casser une machine qui marche », résume un diplomate français en poste. En outre, rien n’assure que cette vente soit rentable puisqu’il va falloir louer ou acheter de nouveaux locaux de 900 m² dans le centre de Vienne pour l’Institut, une nouvelle salle de sport pour le lycée, etc.
L’ambassadeur Stéphane Gompertz, qui s’était montré en privé réservé sur cette vente, a été rappelé fin juin à Paris. Et, dans sa réponse du 10juillet au sénateur PS Richard Yung, le ministre Fabius ne donne guère d’espoir : il parle de présence française « hors les murs » ! Il évoque une « opération immobilière très intéressante pour l’État ». Et promet juste que la vente n’aura lieu qu’« une fois [la] relocalisation définie ».
De leur côté, les Viennois sont en émoi. Le réalisateur autrichien aux deux Palmes d’or Michael Haneke, qui est bilingue et tourne régulièrement en français, a écrit au président Hollande. Le maire de Vienne et différents députés ont écrit à Fafa. Et l’association locale des parents d’élèves, pour contrer l’offre qatarie, tente de monter avec des mécènes une fondation privée capable de racheter le palais... Enfin, mieux encore, le président autrichien, Heinz Fischer, a personnellement déploré cette défection française auprès de Pierre Joxe, venu à Vienne assister à un concert.
L’an dernier, le Quai d’Orsay avait déjà voulu revendre en douce l’Institut français de Berlin, mais la levée de boucliers des artistes et politiques allemands avait fini par le faire reculer. Un mince motif d’espoir ?
David Fontaine