Le Point - Publié le 18/06/2015
Un projet de réforme des banques prévoit la séparation des activités de marché des activités de banque de détail. Mais il a multiplié les dérogations.
Les banques françaises ont manifesté jeudi leur vive inquiétude face au projet européen de réforme structurelle des banques. Ce texte doit être examiné vendredi à l'occasion de la réunion des ministres des Finances européens. "Si le texte est adopté demain (vendredi) en l'état, ce sera l'un des plus beaux scandales financiers de l'histoire européenne", a prévenu Marie-Anne Barbat Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), qui défend les intérêts du secteur en France.
Le projet européen de réforme structurelle des banques, initié par l'ancien commissaire aux Services financiers Michel Barnier, prévoit que les activités de marché soient séparées des activités de la banque de détail. Un projet censé, selon ses promoteurs, rendre le secteur plus sûr, mais qui souffre de nombreuses exceptions. Alors que les banques britanniques étaient déjà exonérées d'appliquer ces règles, de nouvelles dérogations ont été ajoutées dans la dernière mouture du texte et concernent notamment les grandes banques de financement et d'affaires américaines via l'introduction d'un seuil minimal de dépôts en banque de détail.
"Toutes les banques qui n'ont pas d'activités de détail sont exonérées. Le texte ne va donc pas concerner les très grosses banques américaines spécialisées dans les activités de marché et va pénaliser les banques universelles françaises qui ont réussi à traverser la crise", a déploré la présidente de la FBF. Elle a également rappelé que la Fédération européenne des banques avait déjà eu l'occasion elle aussi d'afficher son opposition au projet.
Fuite à Londres
"Ces activités sont très concurrentielles. Là, nous sommes face à un risque de distorsion de concurrence et de perte de compétitivité, car, si le projet est adopté, ces activités seront plus chères au niveau des banques françaises que des autres", a poursuivi Mme Barbat Layani. "Quand des entreprises françaises auront des besoins sur les marchés, lors d'une émission obligataire ou d'un contrat de vente aéronautique, elles devront espérer que les banques américaines leur accordent les mêmes conditions qu'aux entreprises américaines", a-t-elle ajouté.
Selon elle, s'il entrait en vigueur, le texte aurait pour effet de "dérouler le tapis rouge aux banques françaises pour qu'elles installent leurs activités de marché à Londres", car "il sera complètement ingérable d'avoir ces activités à Paris". Face à cette situation, la FBF n'exclut pas de contester la légalité du texte devant les juridictions compétentes.
Le sénateur socialiste Richard Yung s'est lui aussi ému du texte proposé par la présidence lettone de l'Union européenne, relevant qu'il n'était "pas acceptable en l'état". "Les États membres doivent impérativement abandonner toute idée d'accorder un traitement de faveur à nos amis britanniques. La perspective d'un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE ne saurait conduire à une remise en cause de l'intégration du marché financier européen", a-t-il insisté dans un communiqué.