Challenges, par Valérie Xandry
Publié le 22-07-2015 à 19h54, mis à jour le 23-07-2015 à 06h52
Alors que les buralistes ont mené plusieurs actions de protestation contre le paquet neutre, le projet a finalement été supprimé par le Sénat, en commission, par un amendement… socialiste.
L’histoire a tous les éléments d’un possible bazar politique. Le paquet neutre, un des éléments clés de la loi de Santé de Marisol Touraine, vient d’être supprimé, mercredi 22 juillet, en commission des Affaires sociales par le Sénat. Par un amendement… socialiste. Alors même que le gouvernement a opté pour cette mesure en automne 2014, dès que François Hollande a été persuadé de son utilité, que l’Assemblée nationale l’a adoptée lors du premier passage de la loi en avril, –l’instauration du paquet neutre était prévue pour mai 2016–, et que lundi s’est tenue une grande réunion à Paris, à l’initiative de Marisol Touraine, où 10 pays se sont engagés à promouvoir ce fameux paquet neutre.
Une mécanique bien huilée mise à mal par un amendement du sénateur socialiste Richard Yung. Ce qui fait l’affaire des buralistes hostiles au projet qui ont déversé dans la matinée quatre tonnes de carottes devant le siège du parti socialiste avant de se rassembler devant le Sénat. Mais qui arrange également les sénateurs de droite qui s’opposaient au paquet neutre. Le dossier du paquet neutre semble être devenu au passage un morceau choisi pour les sénateurs. Jean-Baptiste Lemoyne (Les Républicains) s'était ainsi précipité pour annoncer avoir déposé un amendement en vue de sa suppression, alors qu'il n'était que signataire de l'amendement de l'une de ses collègue, amendement qui n’a finalement pas été adopté...
"S'en tenir à la directive européenne"
Revenons-en au "cas" Yung. Pourquoi cet amendement de la part d’un socialiste? Il faut d’abord préciser que si l’amendement supprime bel et bien le projet de paquet neutre, il transpose en échange dans la loi française une directive européenne. Cette directive prévoit que les avertissements sanitaires recouvrent 65% de la surface d’un paquet contre 30 à 40% actuellement. «Je comprend le souci de santé publique mais je veux simplement qu’on s’en tienne à la directive européenne» a expliqué l'élu Challenges.fr.
Également président du Comité national anti-contrefaçon, il a décidé de porter cet amendement pour de hautes questions de propriété intellectuelle. «Je pense que l’instauration du paquet neutre risque de porter atteinte au droit des marques» indique-t-il. Et de préciser qu’une marque n’est pas qu’un nom mais aussi un visuel.
Deuxième élément soulevé par le sénateur: le risque d’une hausse des achats de cigarettes sur un marché parallèle et du trafic de cigarettes de contrefaçon que pourrait entrainer la mise en circulation d’un paquet neutre, sans logo et d’une même couleur. Enfin, Richard Yung craint une censure du projet de paquet neutre par le Conseil constitutionnel en cas de saisine parlementaire ou de QPC.
«J’ai des convictions, je les ai fait savoir» appuie Richard Yung qui précise qu’il a déposé son amendement il y a longtemps et qu’il ne défend pas le lobbying du tabac et des buralistes. Avec ces seuls arguments, il a emporté le vote de la Commission des Affaires sociales.
Reste que le projet de paquet neutre devrait faire à nouveau son apparition lors du débat. «Le gouvernement présentera un amendement au Sénat pour marquer sa volonté de s’engager dans cette voie» a déclaré la ministre Marisol Touraine sur France info. Si le projet n’obtient pas le soutien du Sénat lors de l’examen du texte en septembre, le gouvernement l’introduira à nouveau lors de l’examen en seconde lecture par les députés, a-t-elle ajouté. Et d’estimer: «La santé mérite mieux que ces petits jeux politiques.» Jeux politiques qui agitent les rangs internes du PS ...
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