Le jugement de la Cour de justice européenne contraignant le fisc à restituer plusieurs centaines de millions d’euros a été confirmé lundi.
L’État va devoir rembourser plusieurs centaines de millions d’euros aux contribuables résidant à l’étranger. C’est la conséquence d’une décision rendue lundi par le Conseil d’État, confirmant un premier jugement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). En février, la cour du Luxembourg avait rendu un jugement contraignant la France à restituer la CSG et la CRDS qu’elle prélève sur certains revenus. En ligne de mire : une mesure du budget rectificatif de l’été 2012 qui a assujetti les revenus immobiliers (loyers et plus-values de cessions) des non-résidents aux prélèvements sociaux de 15,5 %. Le Conseil d’État reprend le principal argument de la CJUE qui interprète la CSG comme une cotisation sociale et non comme un impôt. Dès lors, les contribuables n’étant pas affiliés au régime français de Sécurité sociale ne peuvent pas se voir réclamer la CSG et la CRDS, car ils ne bénéficient pas des prestations.
Cette décision ouvre la voie à de nombreuses réclamations auprès du fisc de la part de contribuables résidant à l’étranger, sachant que le délai de prescription est de deux ans. L’impact budgétaire, encore méconnu, devrait se chiffrer en centaines de millions d’euros. Lors de l’adoption de la mesure, en 2012, son rendement avait été évalué à 250 millions par an. Mais les premières estimations montrent que les montants indûment perçus pourraient être plus élevés. Dans le rapport sur l’application des mesures fiscales de 2013, publié l’an dernier par la rapporteure du budget, Valérie Rabault (PS), le coût de la réclamation se chiffrait entre 300 et 320 millions d’euros pour la seule année 2013. En tout, 66.672 contribuables seraient concernés.
Au-delà de son impact budgétaire, ce jugement du Conseil d’État soulève une nouvelle fois le problème lié à la nature hybride de la CSG, destinée à financer la protection sociale. L’Europe la voit comme une charge sociale alors que la France la considère comme un impôt. « Peut-on avoir une appréhension en droit interne qui ne reprend pas la qualification de l’Union européenne ? questionne Charles Ménard, avocat fiscaliste chez EY. Ce jugement pourrait amener le Conseil constitutionnel à changer sa grille de lecture sur la CSG. »
Réforme fiscale
C’est donc bien là une réforme fiscale d’ampleur qui est en jeu. Montée en puissance dans les années 90, la CSG rapporte près de 90 milliards d’euros par an à l’État, plus que l’impôt sur le revenu. Après la décision de la CJUE, le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, n’avait pas nié la portée de ce jugement. « C’est sur l’ensemble de la CSG qu’il faudrait travailler [pas uniquement sur celle des non-résidents, NDLR]. Ce qui pose la question du financement du régime de protection sociale », avait-il déclaré. À l’époque, le gouvernement disait vouloir attendre la position du Conseil d’État pour se prononcer sur ces prélèvements. La balle est désormais dans son camp.
Ingrid FEUERSTEIN
Les Échos (28/07/15)