LE MONDE ECONOMIE | 05.09.2015 à 11h58 | Par Marie Pellefigue
Le casse-tête des successions internationales n’est plus qu’un lointain souvenir, ou presque. Entré en vigueur le 17 août, un nouveau texte européen facilite le règlement des successions au sein des 22 pays signataires membres de l’Union européenne (le Danemark, la Grande-Bretagne et l’Irlande ayant refusé de l’adopter). Il concerne les expatriés, ceux qui détiennent un bien immobilier ou des placements financiers à l’étranger, ceux ayant la double nationalité et les personnes mariées à un étranger.Jusqu’à présent, deux systèmes successoraux coexistaient en Europe. Le premier, appliqué notamment en Allemagne, en Espagne ou en Italie, incluait tous les biens dans la même succession. Le second, en vigueur en Belgique et en France, faisait le distinguo entre les biens immobiliers, pour lesquels la succession dépendait du pays dans lequel ils étaient situés, et le reste du patrimoine.
Concrètement, si un Français expatrié en Allemagne avait conservé un pied-à-terre à Paris, la France considérait que l’appartement entrait dans le cadre de la loi française, les autres biens répondant à la loi successorale allemande. A contrario, l’Allemagne incluait tous les biens dans la succession. « Cela donnait lieu à des conflits de lois, et parfois à des situations inextricables », analyse Sylvain Guillaud-Bataille, notaire à Paris. Depuis le 17 août, le règlement européen a tranché : le principe d’unicité successorale s’applique.
Une loi unique
Les pays signataires ont décidé que par défaut, une loi unique prévaut désormais : celle du dernier domicile du défunt. « Pour un Français, il n’y a donc plus de distinguo entre les biens meubles et immobiliers », explique Sylvain Guillaud-Bataille. La loi du dernier domicile du défunt fixe les règles de liquidation du patrimoine et le partage entre les héritiers. « Attention, cela est valable dans tous les Etats signataires, mais si le défunt résidait dans un autre pays, le renvoi vers sa loi de nationalité peut jouer », précise Arlette Darmon, présidente du groupe Monassier.
Dans notre exemple précédent, le Français qui réside à Berlin voit dorénavant l’intégralité de sa succession régie par le droit successoral allemand, y compris son appartement parisien. En revanche, s’il réside en Grande-Bretagne, pays non signataire, sa succession est soumise au droit anglais, sauf l’appartement parisien, qui dépend toujours de la loi française.
Selon votre cas (marié ou non, avec enfants ou pas, patrimoine éparpillé dans différents pays…), vous n’avez pas forcément intérêt à ce que la loi de votre pays de résidence s’applique pour votre succession, car elle n’est peut-être pas la plus favorable pour vos héritiers. En outre, si vous habitez successivement dans différents pays, vous devrez vérifier à chaque changement de résidence si la loi successorale applicable répond bien à vos dernières volontés.
Aucune modification sur le plan fiscal
Heureusement, le règlement européen prévoit la possibilité de rédiger une « professio juris ». « Elle permet de choisir que la loi de sa nationalité s’applique à sa succession », explique Arlette Darmon. Pour cela, vous devrez rédiger un testament stipulant que, à votre décès, la transmission de votre fortune sera régie par la loi française, ou par celle d’un autre pays, si vous avez la double nationalité. Mieux vaut alors consulter un notaire ou son équivalent juridique dans votre pays de résidence afin de connaître toutes les conséquences de votre choix.
Les couples binationaux qui résident en France ont intérêt à se poser la question. Imaginons que vous ayez épousé un Allemand, la loi française s’applique par défaut, sauf s’il choisit la loi allemande. En revanche, pour les ressortissants de pays non signataires, il faut vérifier quelle loi est prévue pour le règlement de la succession. Par exemple, si vous êtes marié à un Britannique, il peut choisir que la loi anglaise s’applique à tout son patrimoine, y compris les biens localisés en France.
Enfin, quelle que soit la loi choisie, celle-ci s’applique uniquement sur le plan civil. Le règlement européen n’apporte aucune modification sur le plan fiscal. Concrètement, cela signifie que, selon la répartition de votre patrimoine, vos héritiers devront régler des droits de succession très différents d’un pays à l’autre.