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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
Ce site est une image à la fin de mon mandat.
Vous y trouverez plus de 2 000 articles à propos des Français de l'étranger. C'est un véritable témoignage de leur situation vis-à-vis de l'éducation, de la citoyenneté, de la protection sociale, de la fiscalité, etc. pendant ces 17 années.

Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

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Richard Yung
Octobre 2021

LE MONDE | 05.11.2015 à 19h45 • Mis à jour le 06.11.2015 à 16h23

L’afflux massif de demandeurs d’asile vers l’Union européenne suscite une solidarité bienvenue, vis-à-vis des réfugiés et entre Etats, mais aussi des interrogations majeures quant à notre capacité à assurer le contrôle effectif de nos frontières extérieures, désormais communes.

Nous appelons les chefs d’Etat et de gouvernement à prendre la mesure de cet afflux sans précédent sur la base d’une vision politique claire  : les réfugiés sont des victimes, non des menaces, et les Européens sont suffisamment forts pour relever dans la durée le défi de leur accueil et de leur intégration.

Nous les appelons à amplifier leur aide aux pays qui accueillent aujourd’hui la plupart des demandeurs d’asile syriens (Turquie, Jordanie et Liban), pour permettre à ces derniers de demeurer dans leur région d’origine. Nous les appelons aussi à renforcer les contrôles à nos frontières, en intensifiant notamment la lutte contre les réseaux de passeurs et la criminalité organisée, et donc les échanges entre services de police et de renseignement.

A ces fins, ils ont la chance de disposer de nombreux outils européens de coopération policière et judiciaire (système d’information Schengen, Europol, Frontex, Bureau européen d’appui en matière d’asile, etc.), qu’il leur faut utiliser et diversifier face à la crise. Mobiliser ces outils est indispensable pour des raisons d’efficacité – un pays agissant seul est impuissant –, mais aussi pour entretenir la confiance mutuelle entre Etats  : tous doivent être convaincus qu’aucun d’entre eux ne néglige la mission de surveillance de nos frontières communes.

Rétablir les contrôles aux frontières est très coûteux

La création de centres d’identification et de traitement des demandeurs d’asile (« hot spots ») en Grèce et en Italie s’inscrit dans cette logique européenne  : soyons solidaires de ces pays par générosité, mais aussi pour reprendre le contrôle de la situation à « nos » frontières. Et prolongeons sans tarder ce mouvement d’européanisation  : mise en place de gardes-côtes et de gardes-frontières européens ; interventions maritimes sous mandat des Nations unies  ; montée en puissance de Frontex, y compris dans les procédures de reconduite des migrants en situation irrégulière ; création de routes européennes d’immigration légale, etc.

Si les règles de Schengen prévoient le retour temporaire des contrôles aux frontières nationales en période de crise, il n’est dans l’intérêt de personne que ceux-ci s’éternisent, compte tenu de leur coût économique et financier exorbitant  : ce retour aux contrôles nationaux peut être une option, il n’est en rien une solution !

C’est pour cesser de faire perdre du temps, et donc de l’argent, à des millions de routiers, de travailleurs frontaliers, d’ouvriers et d’entreprises exportant leurs produits partout en Europe que l’accord de Schengen a été signé il y a trente ans, puis étendu au bénéfice de 400 millions d’Européens. Et c’est pour renforcer l’efficacité des douaniers et des policiers que les contrôles fixes, coûteux et faussement rassurants, ont été redéployés au profit de contrôles mobiles, du développement de la coopération policière européenne et du renforcement des contrôles aux frontières extérieures. Un retour en arrière reviendrait à lâcher la proie pour l’ombre  : l’ensemble des Européens en seraient à coup sûr victimes (travailleurs, PME, contribuables…), mais qui en serait bénéficiaire ?

C’est aussi pour mieux faire face au défi terroriste qu’il faut utiliser à plein l’outil « Schengen ». L’émotion que nous avons éprouvée après les attentats récents ravive un désir de réassurance qui peut se cristalliser autour du rétablissement des contrôles aux frontières nationales, compte tenu de leur poids dans nos imaginaires collectifs. Mais notre désir de sécurité sera satisfait dans le cadre même de l’espace Schengen.

Rappelons-le en effet  : la grande majorité des 142 articles de la convention d’application de l’accord de Schengen a pour objet d’organiser la coopération policière et judiciaire entre les autorités nationales – une coopération si utile que des pays non membres comme le Royaume-Uni ont souhaité y participer. « Schengen », c’est à la fois plus de liberté et plus de sécurité, deux avancées à consolider de manière parallèle.

Des réponses européennes pour être efficace

Les attentats terroristes sont souvent commis par des nationaux, en Europe et ailleurs, mais ils ont des racines internationales  : ils appellent donc eux aussi des réponses européennes et internationales. Les terroristes sont fréquemment connus par la police et la justice ou les services de renseignement  : c’est en accordant à ces derniers des moyens financiers, humains et juridiques supplémentaires, y compris par l’adoption d’un PNR – fichier des données des passagers aériens – européen, qu’on pourra lutter le plus efficacement contre les attentats. Non en affectant de manière stérile ces moyens à la surveillance des frontières intérieures de l’espace Schengen, pour y contrôler en pure perte les centaines de millions d’Européens qui les franchissent chaque mois. Schengen est la condition de notre sécurité  : pour défaire le terrorisme, l’union fait la force, la désunion nous désarme.

Il faut à la fois sauvegarder et amplifier Schengen face aux crises internationales, à rebours de la tentation dangereuse d’un repli sur les frontières nationales, qui porterait préjudice à l’ensemble des Européens sans renforcer en rien leur sécurité. Unissons-nous face à de nouveaux défis, dans un esprit de coopération et de solidarité – pour que vive Schengen !

Jacques Delors (Président fondateur de l’Institut Jacques Delors) et Antonio Vitorino (Président de l’Institut Jacques Delors)