Mercredi, 11 Mai 2016, Humanite.fr
Frédéric Oudéa, le directeur de Société générale, était ce mercredi devant le Sénat. Il devait y répondre des accusations de faux témoignages et s’expliquer sur les révélations dites des "Panama Papers", qui montrent que sa banque aurait facilité des cas de fraude fiscale à travers le montage de sociétés offshore.
« Ce n’est pas une audition ordinaire » a lancé le sénateur Eric Bocquet à Frédéric Oudéa. « Elle a lieu parce qu’il s’est passé des choses. Vous avez déclaré le 17 avril 2012, sous serment, que la Société générale avait fermé ses implantations dans les pays qui figuraient la liste grise de l’OCDE, mais aussi dans ceux que désignait la liste des États non coopératifs, c’est-à-dire en pratique, pour nous, à Panama. Des propos que vous avez confirmés le 4 mai dernier à huis clos. »
Frédéric Oudéa a bien du finir par reconnaître l'existence de sociétés offshore structurées avec le cabinet Mossack Fonseca pour certains de ses clients mais en en contestant le nombre et il a insisté sur la "transparence fiscale" de ces montages.
Les sénateurs de gauche et écologistes, à la demande d’Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC), avaient demandé suite aux révélations du Monde à ce que le bureau du Sénat se penche sur ces déclarations de Frédéric Oudéa, si elles constituent un cas de faux témoignage. Une procédure d’enquête est en cours, mais la Société Générale peut déjà bénéficier du soutien de la droite en la personne du sénateur Philippe Dominati (Les Républicains) qui a déclaré malgré les évidences : "Je ne vois rien qui puisse amener le bureau du Sénat à poursuivre sur cette déclaration de Monsieur Oudéa."
Mais à quoi sert une société Offshore ?
"Laisser penser que le groupe Société générale serait au cœur de l'évasion fiscale est une information erronée et injustifiée", a également assuré Frédéric Oudéa devant les sénateurs. Car derrière le potentiel faux témoignage, il y a le problème de fond. Et la banque a été sommée de s’expliquer après les révélations sur ses liens avec le cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialisé en montage de sociétés offshore dans des paradis fiscaux. Les sénateurs ont ainsi demandé : mais à quoi sert une société offshore si ce n’est pour des raisons fiscales ?
« Pour des questions de succession complexe, pour préserver son patrimoine quand on a eu plusieurs conjoints. a répondu Frédéric Oudéa. Une société offshore permet de regrouper des actifs pour mieux les répartir entre les bénéficiaires. » Puis il a ajouté, cryptique : « Cela permet aussi de protéger son patrimoine dans une situation de terrorisme ». Sûrement a-t-il remarqué que le terrorisme permettait de faire passer à peu près n’importe quoi.
Florilège
Eric Bocquet (PCF): Il y a une filiale de la Société générale au Bermudes, qui a 17 millions d’euros de chiffre d’affaires sans aucun salarié…
Frédéric Oudéa : Les Bermudes ne sont pas sur la liste grise des Paradis fiscaux selon l’OCDE.
Richard Yung (PS) : Les Sociétés Offshore sont quand même à la limite de la moralité. Et on se demande en quoi cela est utile à l’économie. Vous ne pensez pas que cette pratique dessert les intérêts de la France ?
Frédéric Oudéa : je ne me sens pas compétent pour vous répondre.
Richard Yung (PS) : Qu’est-ce que vous rapporte cette activité offshore alors ?
Frédéric Oudéa : Sur les 25 milliards d’euros de revenus de la Société Générale, l’activité de banque privée n’en représente que 3 %, et les activités offshore encore moins. C’est totalement marginal pour nous. On le fait juste pour rendre service au client.
La Société Générale n’est plus seule
Le Monde a publié dans son édition datée de jeudi que le Crédit agricole a utilisé, via un jeu de filiales, depuis les années 1990, 1.129 sociétés offshore enregistrées auprès du cabinet Mossack Fonseca. Un nombre comparable à la Société générale. La défense du Crédit Agricole est tout aussi semblable : "les éléments constatés correspondent donc au solde d'un passé en extinction et on ne peut que regretter que la présentation soit manifestement trompeuse". Depuis 2015, il n’y a plus d’activité offshore, promet la banque… Quant à la BNP Paribas, elle a de son côté eu recours à Mossack Fonseca pour 468 sociétés écrans dans des paradis fiscaux, mais elle utilise e, parallèle d’autres cabinets concurrents…
Oxfam. « Il est révélateur qu’au moment même où le Président de la Fédération bancaire française est auditionné par le Sénat, un nouveau scandale d’évasion fiscale impliquant toutes les grandes banques françaises éclate. Le fait que la Société Générale, le Crédit Agricole, BNP Paribas et le Crédit Mutuel-CIC soient impliqués, parfois à une échelle industrielle, dans le scandale des Panama Papers est bien la preuve que les banques sont le pivot, si ce n’est le moteur, d’un système planétaire d’évasion fiscale. Au total, les banques françaises ont créé plus de 2 500 sociétés offshores via le cabinet Mossack Fonseca. Et le cas de BNP Paribas le montre bien : le cabinet panaméen n’est que l’arbre qui cache la forêt. Les banques ont recours à bien d’autres cabinets d’avocat pour créer des milliers d’autres sociétés offshores. »