À l’occasion du Forum Expat (31 mai-1er juin), le quotidien Le Monde a publié un dossier spécial dans son édition datée du 31 mai.
Partir, un accélérateur de carrière ?
Près de deux millions de Français travaillent désormais à l’étranger. L’époque où une ou plusieurs expériences professionnelles à l’international étaient considérées comme un accélérateur de carrière, du fait de leur rareté, serait-elle révolue ? « Ne pas en avoir peut constituer aujourd’hui un frein pour obtenir une promotion, mais en avoir une n’est pas une garantie », résume Jean-Luc Cerdin, directeur du mastère spécialisé en management des ressources humaines à l’ESSEC. C’est, en revanche, une étape incontournable pour intégrer un comité exécutif, selon la règle établie – trois continents, trois métiers, trois filiales.
Dans un contexte de mondialisation croissante, y compris des PME et des entreprises de taille intermédiaire françaises, l’exigence d’une expérience internationale s’accroît et peut donner, en théorie, une longueur d’avance pour grimper dans les hautes sphères du management ou dynamiser sa mobilité professionnelle. Mais les cadres ayant ce profil ne font plus exception. Huit mille personnes sont ainsi attendues les 31 mai et 1er juin au Forum Expat organisé par Le Monde aux Docks, Cité de la mode et du design.
Une rude concurrence au retour
La mission à l’étranger est devenue la norme chez les jeunes talents, eux qui ont étudié en programme Erasmus, effectué des stages ou passé une année de césure hors de France, ou encore démarré leur vie professionnelle par un Volontariat international en entreprise. « Près de 40 % de nos diplômés occupent leur premier job hors de l’Hexagone, relate Manuelle Malot, directrice Carrières de l’Edhec. Ils partent par envie de vivre d’autres expériences, pas dans l’optique de booster leur carrière. Ils sont conscients qu’à leur retour, la concurrence est rude. Tout travail à l’international n’est pas qualifiant, et ne signifie pas que le tapis rouge va leur être déroulé. »
Dans le « travail à l’étranger », ce n’est plus tant l’international qui compte que ce que l’on y a fait. « L’enjeu, c’est de savoir valoriser les compétences spécifiques développées dans cet environnement et de les intégrer dans un projet professionnel qui fait sens à moyen terme », estime Jean-François Rieffel, responsable des partenariats institutionnels de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Or, il n’est plus si évident de distinguer la singularité des compétences acquises en expatriation – maîtrise d’une langue, autonomie, ouverture d’esprit, capacité d’adaptation, etc. Car d’autres formes d’exposition à l’international, sans quitter l’Hexagone, se sont multipliées : management de collaborateurs dispersés dans plusieurs pays, participation à des projets multinationaux, déplacements fréquents à l’étranger, formations interculturelles…
« Si les frontières du travail à l’international sont plus floues, ces expériences n’ont toutefois pas la même valeur aux yeux des DRH. S’immerger dans un pays, encadrer des équipes locales sur place, s’adapter à d’autres organisations et pratiques professionnelles donnent une autre dimension. C’est une différence qui peut faire tremplin, à condition que le projet d’expatriation soit bien construit, avec une mission enrichissante », indique Cyril Lecacheur, directeur régional adjoint du cabinet de recrutement Hays.
Répercussions sur la carrière
Que la mobilité relève de l’initiative de l’entreprise ou qu’elle procède du choix individuel de travailler sous d’autres cieux en contrat local, ses répercussions sur la carrière comme levier de réussite sont plus complexes à appréhender aujourd’hui. Toutes les compétences acquises ailleurs ne sont pas forcément transférables ici. « Si l’opportunité de développer ses soft skills [qualités humaines] est incontestable, c’est plus rarement le cas pour les compétences de cœur de métier, observe Alix Carnot, directrice du pôle carrières internationales du cabinet Expat Communication. Pour certaines activités techniques, on s’expose même à une perte de niveau. » Et donc à des désillusions au retour.
Si parvenir à commercialiser un produit dans un pays géopolitiquement sensible se révèle un atout, diriger une petite agence bancaire dans un pays asiatique peut s’avérer moins payant, tant les procédures sont différentes. En outre, le risque d’être cantonné dans un rôle n’est pas négligeable : « Vous apparaissez comme l’expert d’une zone géographique particulière, et le poste que l’entreprise vous propose à la fin de votre expatriation… c’est d’y retourner ! », note Jean-Luc Cerdin.
Aux potentielles difficultés pour valoriser sa nouvelle employabilité dans son entreprise d’origine ou sur le marché du travail s’ajoute la coupure des liens professionnels avec la métropole, même si désormais les réseaux sociaux contribuent à réduire cet écueil. « Les collaborateurs présents défendent mieux leurs chances lorsqu’une promotion se profile, juge Alix Carnot. Et la diminution des effectifs dans les sièges sociaux exacerbe une concurrence qui peut être préjudiciable à l’expatrié, s’il n’a pas consacré du temps à ses réseaux en France. »
De plus, DRH et recruteurs français tiennent parfois un discours paradoxal : ils se disent ouverts à ces parcours internationaux mais, dans les faits, s’en tiennent à des profils plus classiques, adaptés à notre modèle latin et bureaucratique de management. Autant de raisons de penser qu’un travail à l’étranger est un accélérateur de carrière quelque peu… aléatoire.
Nathalie Quéruel
De plus en plus de seniors tentés par l’expatriation
A l’âge où d’autres salariés sont poussés dans un placard, Pascal Monpetit s’est vu offrir un vrai challenge : à l’aube de ses 50 ans, le groupe suédois qui l’employait lui a proposé de prendre la tête d’une entreprise rachetée aux États-Unis.
Alors en poste en France, il n’hésite pas, d’autant que lui et sa famille sont rodés à l’expatriation. « Ce poste s’inscrivait simplement dans la poursuite de ma carrière, explique-t-il. J’avais déjà travaillé plusieurs années en Russie ; mes enfants ont dû passer les trois quarts de leur vie à l’étranger ! » Avec la montée en âge des baby-boomers et les mesures prises par les gouvernements successifs pour favoriser leur maintien dans l’emploi, les salariés seniors sont de plus en plus nombreux dans l’entreprise.
Plus mobiles et expérimentés
Souvent plus mobiles et expérimentés que leurs cadets, ils semblent des candidats idéals pour l’expatriation. « Dans des pays comme la Russie, les seniors sont considérés pour leur âge et leur expertise », fait valoir P. Monpetit.
Les quinquas salariés missionnés à l’international, sous contrat local ou non, semblent néanmoins des cas d’exception. « Hormis chez les grands comptes, on voit peu de salariés seniors envoyés à l’étranger, constate Marc Raynaud, président fondateur de l’Observatoire du management intergénérationnel. Mais il faut rappeler que les salariés expatriés, dans leur ensemble, restent rares. »
Pourtant l’étranger séduit les seniors, et pas seulement les retraités : pas moins du quart des plus de 65 ans vivant hors de nos frontières sont des actifs, contre moins de 2 % en France, selon une enquête menée par le ministère des affaires étrangères en 2013. Mais cette catégorie demeure méconnue : l’enquête ne précise pas quelle est la part de salariés envoyés par leur entreprise, de demandeurs d’emploi et d’indépendants.
Des freins dans les entreprises
Seule certitude : des freins subsistent au sein des entreprises, tant du côté des employeurs que des candidats potentiels à l’expatriation. « Même si les enfants sont partis, le premier obstacle reste la famille, note M. Raynaud. Il faut encore convaincre le conjoint. Et il y a les parents qui vieillissent et dont il faut s’occuper. »
Les salariés s’interrogent aussi sur leur propre évolution : que va-t-il advenir de leur retraite ? Sont-ils prêts à tout recommencer de zéro à l’étranger ?
Du côté des employeurs, les plus âgés n’ont pas toujours bonne presse. « L’image du senior rigide, qui ne sait pas s’adapter et qui ne parle pas anglais, persiste, regrette M. Raynaud. Seuls des experts très identifiés, dont les compétences sont difficiles à trouver, tirent leur épingle du jeu. »
Au demeurant, l’emploi de seniors en dehors des contrats classiques d’expatriation se développe. Des industriels comme Areva font appel à d’ex-salariés partis en retraite pour chapeauter des projets stratégiques à l’international. Les seniors en recherche d’emploi sont aussi nombreux à se tourner vers des entreprises de management de transition, qui les emploient « en intérim » sur des missions ponctuelles. Enfin, « beaucoup vendent aussi leurs compétences à des entreprises étrangères moins regardantes sur leur âge, note M. Raynaud. Ce qui conduit à un véritable transfert de technologies », conclut-il en guise de mise en garde.
Catherine Quignon
Les start-up s’exportent
Le grand saut sera pour juillet. Après de nombreux mois d’allers-retours entre la France et les États-Unis, François de Landes de Saint Palais s’apprête à s’installer à Los Angeles. « Quand on veut accélérer, il faut y aller », résume-t-il.
Ce multi-entrepreneur de 44 ans a cofondé en 2013 Misterbnb.com, un Airbnb centré sur la communauté gay, avec une certitude en tête : « Raisonner tout de suite à l’échelle internationale pour prendre la place et profiter ainsi de notre avantage de pionnier. Rendre la concurrence impossible s’est imposé comme une priorité vitale. » Sur un tel marché, pas de place, à ses yeux, pour plusieurs concurrents, sauf à devenir un petit challenger et risquer de disparaître. Et pour assouvir cette soif de conquête du marché international, « les États-Unis sont vite apparus comme l’implantation la plus facile et stratégique ».
La Silicon Valley en tête
Comme lui, des start-upeurs français décident chaque année de s’expatrier pour vivre leur aventure entrepreneuriale à l’étranger. Que leur société soit en cours de création ou qu’elle ait déjà quelques années, ils estiment que l’environnement y sera plus favorable au développement de leur entité. « C’est un mouvement qui reste minoritaire et qui se cantonne essentiellement à quelques destinations, avec, en premier lieu, la Silicon Valley, New York et la Chine », tempère Julien Morel, directeur d’Essec Ventures.
Comme lui, nombre d’entrepreneurs conviennent que la France propose aujourd’hui un écosystème économique et financier intéressant pour créer sa start-up. L’étranger n’en reste pas moins, pour certains, un pôle d’attraction. « Tout simplement parce qu’un entrepreneur va commencer son activité là où il pense qu’il sera au maximum de ses possibilités », résume Morgan Hermand-Waiche, start-upeur expatrié à New York.
Que leur promettent les États-Unis ? « La Silicon Valley a des attraits évidents pour le secteur technologique, note M. Morel. De manière globale, tout y est plus grand. On peut espérer rencontrer plus de personnes stratégiques pour son projet, gagner plus d’argent… Mais, dans le même temps, les ressources humaines coûtent également plus cher. Un ingénieur à 50 000 euros annuels en France pourra valoir 150 000 euros là-bas. » Enfin, « la quête d’une fiscalité plus avantageuse que dans l’Hexagone pousse également des start-up à franchir l’Atlantique, souvent après quelques années d’existence », relève un entrepreneur.
Sur place, M. de Landes de Saint Palais dit, pour sa part, avoir trouvé un terrain favorable pour effectuer des levées de fonds (à hauteur de 4,5 millions de dollars sur deux ans et demi). « Les choses s’améliorent à ce niveau en France, mais les États-Unis offrent la possibilité de réaliser ce type d’opération sur des montants importants avec une grande rapidité », explique-t-il.
C’est également vers les États-Unis que s’est tourné M. Hermand-Waiche, 34 ans, lorsqu’il a décidé de lancer, en 2011, sa société de lingerie en ligne, Adore Me. Pourquoi une telle implantation ? Par goût du défi, l’entrepreneur français ayant décidé de s’attaquer au géant américain Victoria’s Secret sur son sol. Par pragmatisme aussi : « Le marché américain est plus grand et permet de se développer plus vite, alors qu’en Europe il aurait fallu s’attaquer à plusieurs marchés différents. » Mais aussi et surtout par attrait pour un écosystème favorable à l’entrepreneuriat avec, entre autres, « une politique fiscale qui incite à investir dans les jeunes pousses » et « une flexibilité » dans la gestion des ressources humaines, « indispensable à toute petite entreprise ». Autant de paramètres qu’il dit ne pas avoir trouvés en France.
L’Afrique prometteuse
Enfin, l’expatriation des « start-upeurs » motivée par les promesses de marchés en devenir s’intéresse à la Chine et à l’Afrique. « Le marché asiatique a donné des signes d’essoufflement, tempère un entrepreneur. On voit désormais des Français rentrer dans l’Hexagone. En revanche, le marché africain a un bel avenir devant lui. » Le mouvement en sa direction est encore timide, mais un nombre croissant d’entrepreneurs franchissent le pas.
« On assiste en Côte d’Ivoire à l’émergence d’une classe moyenne, explique Fabrice Piofret, 37 ans, membre du comité de pilotage du réseau de start-up French Tech Abidjan. Alors que certains marchés sont saturés en France, il y a ici des consommateurs en demande et des offres qui restent à créer. » Il a lui-même lancé sa start-up de veille de la presse pour les entreprises, Veilleur des médias. « Il y a aujourd’hui des opportunités à saisir, il faut donc prendre le train en marche. Car, dans deux ou trois ans, il sera trop tard. »
François Desnoyers
Cap sur le Québec pour les métiers prisés
Chaque année, depuis 2008, des entreprises québécoises viennent, aux Journées Québec, recruter en France. Et chaque année, une centaine de candidats s’expatrient. L’édition 2016, qui vient de s’achever, proposait plus de 600 postes dont 314 en informatique et 156 en jeux vidéo. Mais pourquoi ces travailleurs qualifiés, dont la France manque aussi, s’envolent-ils pour le Québec ?
« C’est une nouvelle expérience. On ne fuit pas un pays, c’est un projet de vie », tient à préciser Thibault Wittemberg, ingénieur spécialisé dans les technologies mobiles. Mi-juin, il partira pour Montréal où une société l’attend déjà. Sa femme informaticienne et leurs deux enfants le rejoindront en juillet. Installée à Cherbourg, la famille aurait dû déménager pour Brest à la suite de la délocalisation d’un de leurs employeurs. « Quitte à bouger, autant bouger vraiment ! C’est le bon moment : nos enfants sont jeunes, le secteur informatique est porteur. Le Nouveau Monde nous fascine et la langue française facilite les choses. De plus, la qualité de vie, comme les rémunérations, promettent d’être meilleures que dans une grande ville française. »
« La vie ici est plus facile »
Le climat social est aussi un facteur déclencheur. Pour Romain Thomas, ça a été décisif. Sud-Coréen adopté par une famille française, cet ingénieur informaticien marié à une Burkinabée et père de trois jeunes enfants, a installé sa famille à Montréal fin 2014 où il travaille dans la Business Intelligence. « Etre un couple mixte en France n’est pas facile », avoue-t-il.
Malgré ses diplômes en tourisme et en comptabilité, sa femme ne s’est vue proposer qu’un travail en usine de 5 heures à 10 heures du matin… Lui, parcourait 60 km en train pour aller travailler. « La vie ici est plus facile. On fait confiance aux gens quand ils sont compétents et les rémunérations sont bonnes. » Sa femme est devenue manager d’un McDonald’s six mois après avoir été embauchée.
La dynamique des carrières, plus ouverte et plus rapide qu’en France, motive aussi le départ. C’est encore plus vrai dans le secteur du jeu vidéo. Jean-Sébastien Boulard, directeur des ressources humaines de l’éditeur de jeux Ludia, le confirme : « A Montréal, on trouve plus de 100 studios de jeux vidéo dont les plus grands. C’est une des premières plates-formes mondiales dans le domaine. Cela optimise l’évolution de carrière. Quelqu’un qui veut travailler dans le jeu peut changer de société facilement et progresser rapidement. »
Sophy Caulier
Une fois rentrés au pays, la tentation du second départ
A leur retour en France, nombre d’expatriés peinent à retrouver leurs marques et rêvent de repartir Yann Le Provost est revenu du Vietnam en 2009 et, depuis, la certitude qu’il « repartira un jour » ne l’a pas quitté. Le président de l’Union des Français de l’étranger Paris-Ile-de-France dit avoir « attrapé le virus de l’expatriation » et assure que son cas n’a rien d’une exception parmi les anciens expatriés : « Dans leur grande majorité, ils ont envie de repartir ». L’« appel du large » est fort. Il repose sur des ressorts profonds, à la fois l’attrait pour une vie « plus intense » à l’étranger et la difficulté à retrouver ses marques au sein de la société française. Dans le cadre d’une enquête menée en2015 par la sénatrice des Français de l’étranger Hélène Conway-Mouret (PS) quelque 2000 Français avaient ainsi témoigné sur les obstacles rencontrés à leur retour.
Davantage de responsabilités
« Dans une entreprise française, les conditions de travail à l’étranger peuvent être totalement différentes, explique une ancienne expatriée. L’autonomie est plus grande, la hiérarchie moins lourde. » Yann Le Provost abonde : « Les responsabilités proposées sont parfois supérieures à celles qu’on aurait en France au même âge. Et le décalage vaut également au niveau privé : la qualité de vie est parfois bien supérieure à celle de la France. Dans certains pays, des expatriés peuvent avoir une maison de 200 m² qui contraste forcément avec leur appartement de70 m² en banlieue parisienne !» Aujourd’hui directeur de l’Alliance française de Brisbane (Australie), Jacques Bounin a renoué en 2013 avec cette « aventure enthousiasmante » qu’est, pour lui, l’expatriation. Il avait déjà vécu des expériences à l’étranger, notamment au Bangladesh. « J’ai retrouvé une certaine intensité, un métier passionnant, explique-t-il. Tout n’est pas simple, bien sûr, il faut s’adapter, mais c’est très excitant au final. J’acquiers de nouvelles compétences, notamment sur les questions juridiques, et cela donne également l’occasion de développer ses relations professionnelles et amicales ».
Détailler les nombreux atouts de sa nouvelle expérience à l’étranger, c’est aussi une manière de suggérer, en creux, les manques éprouvés lors de son retour en France. Nombre d’expatriés se disent ainsi victimes du « re-entry shock », le choc culturel inversé. La reprise de contact avec l’Hexagone est souvent vécue difficilement, tant sur un plan professionnel que personnel.
Jacques Bounin avoue ainsi avoir « mis un an à s’en remettre ». Son nouveau poste dans le service culturel d’une collectivité locale n’a pas satisfait toutes ses attentes. Il s’est rapidement senti « à l’étroit ». Et puis il a perçu ce « décalage » avec une partie de la population qu’évoquent beaucoup d’anciens expatriés, d’aucuns s’agaçant de « l’étroitesse de la pensée de certains Français ». « Partir à l’étranger permet de gagner en ouverture d’esprit, de relativiser, de moins se plaindre », juge M. Bounin. Pour lui comme pour d’autres expatriés, le constat est déroutant. Certains ne trouvent plus les atomes crochus qui les liaient à des proches. « J’ai dû faire le tri parmi mes amis », témoigne une ancienne expatriée. « J’ai senti un fossé se creuser avec certains copains. Des repas autrefois animés s’écourtaient », constate un autre. De quoi alimenter les envies d’ailleurs.
Sentiment de décalage
Betty Taleb, 25ans, a elle aussi connu les difficultés inhérentes au retour dans l’Hexagone. Podologue envoyée en poste sur l’île Maurice, elle est revenue dans son Pas-de-Calais natal en janvier, après une année d’expatriation. « Une fois passée l’excitation des retrouvailles, je me suis sentie un peu perdue. J’avais l’impression de ne plus vraiment connaître la France…J’ai également senti un dé- calage avec certains proches. Nous avions en fait évolué différemment de notre côté ».
L’envie de découvrir d’autres pays est là, mais elle décide toutefois de rester… Avant de reconsidérer rapidement son choix : « Les lourdeurs administratives pour m’installer à mon compte m’ont vraiment refroidie. Tout me semblait compliqué. » La jeune femme met son CV en ligne, qui retient l’attention d’une clinique aux Émirats arabes unis. Elle est aujourd’hui en poste à Abou Dhabi, « heureuse de l’ouverture d’esprit » qu’elle y trouve. Avec, toutefois, un œil tourné vers la France : « J’aime toujours mon pays. J’ai juste compris qu’il n’était pas fait pour moi pour le moment ».
François Desnoyers