Les Echos / Marie-Christine Corbier / Le 20/10 à 19:05
Le système actuel d’enseignants résidents et expatriés est trop coûteux, selon les magistrats financiers.
L'enseignement français à l'étranger est « un précieux outil d'influence et de rayonnement de la France » avec près de 500 écoles dans 136 pays. Mais c'est un réseau fragile. C'est ce qu'explique la Cour des comptes dans un rapport présenté ce jeudi au Sénat, et qui avait été commandé par le sénateur Les Républicains Eric Doligé.
Ce réseau répond-il aux attentes des Français à l'étranger ? Non, rétorquent les magistrats. Il est « déséquilibré géographiquement », a relevé le représentant de la Cour, Jean-Philippe Vachia, devant les sénateurs. « Malgré les annonces faites depuis 2012 », le réseau a, dit-il, du mal à « établir des priorités géographiques pour les années à venir », alors même que la concurrence anglo-saxonne est « intense ».
Augmentation des dépenses immobilières
« Le réseau évolue (en fonction des) priorités diplomatiques », souligne pourtant Christophe Bouchard, directeur général de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Des réformes ont été engagées depuis le référé de la Cour des comptes de 2013, sur le même sujet, insiste-t-il. Et à ceux qui jugent que la France n'est pas assez présente en Asie, il précise que la Chine et l'Inde interdisent aux écoles françaises de scolariser les enfants nationaux, limitant de fait le rôle des écoles françaises aux seuls Français ou à des étrangers tiers.
Les magistrats de la Cour s'inquiètent surtout du modèle économique du réseau des écoles françaises à l'étranger, « fragilisé par l'évolution des ressources et des charges ». Derrière « l'inquié tude » de la Cour figure l'augmentation des dépenses immobilières. « La sécurisation (des bâtiments) va coûter très cher », a insisté Jean-Philippe Vachia. « Les prévisions font que nous pourrons tout à fait financer ces projets immobiliers... sous réserve du maintien de la dotation budgétaire » telle que prévu dans le projet de loi de finances pour 2017 , rétorque Christophe Bouchard, en insistant lourdement sur cette « réserve importante »... Comment faire, alors que le budget de l'AEFE est d'un demi-milliard et que les frais de scolarité n'ont cessé d'augmenter et sont aujourd'hui de 1,8 milliard d'euros ? La Cour prédit « une nouvelle hausse des frais de scolarité versés par les familles ».
« Réformer en profondeur » la gestion des ressources humaines
Le seul point de bonne gestion, selon les magistrats, est celui des bourses, l'enveloppe de 125 millions d'euros allouée ayant été « tenue ». Or, ce point fait grincer les sénateurs représentant les Français à l'étranger qui les jugent « insuffisantes ». « Répond-on à l'attente des Français alors que seuls 20 % des enfants français à l'étranger sont scolarisés dans les écoles françaises et que, parmi eux, seuls 25 % ont des bourses, soit 7 à 8 % des enfants au total ? », s'interroge par exemple le sénateur UDI Olivier Cadic.
Les crédits publics destinés à l'enseignement français à l'étranger ont diminué de 8 % depuis 2012, rappelle la Cour. Si l'évolution continue ainsi, « la question de la fermeture de certains établissements » se posera, estiment les magistrats. Pour que le réseau soit « pérenne », ils suggèrent de « réformer en profondeur » la gestion des ressources humaines. Et ciblent les enseignants expatriés et résidents, qui sont jugés trop coûteux, suggérant que la France forme plutôt des résidents locaux. « Un expatrié coûte environ deux fois plus à l'AEFE qu'un résident », relève la Cour. « Est-ce faisable politiquement, syndicalement, et comment le faire ? Avec le ministère de l'Education ? » s'interroge le sénateur PS Richard Yung. Si l'AEFE s'engage sur la voie des recommandations de la Cour, « nous apporterons notre éclairage et participerons aux travaux », rétorque, timidement, le ministère de l'Education nationale.