Libération, Par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres — 21 février 2017 à 21:40 (mis à jour à 22:36)
Le candidat d’En Marche! à la présidentielle est en déplacement à Londres où il rencontré la Première ministre britannique Theresa May, avant un meeting qui s'est tenu au Central Hall Westminster.
Il est debout, souriant, sous les huées et les sifflets du public. Ils sont près de 3.500 Français à huer… Boris Johnson, que vient de citer Emmanuel Macron. «Il faut toujours commencer les discours en citant les grands auteurs», commente, malicieux, le candidat d’En Marche ! «Boris Johnson a dit il y a quelque temps, quand ils étaient plusieurs à dérouler les tapis rouges, que Londres était la sixième ville française, et c’est vrai».
Les quelque 300.000 Français du Royaume-Uni ne sont pas tous là, mais, à l’heure où le débat démarrait, ils étaient encore beaucoup à piétiner à l’extérieur. Le Methodist Central Hall de Westminster a de la gueule. Ce grand bâtiment, orné d’un joli dôme et d’orgues impressionnants, fait face au parlement de Westminster. Le lieu est un peu un fourre-tout. C’est parfois une église méthodiste, parfois une galerie d’art ou un lieu de conférence. Les mauvais esprits pourraient dire qu’il sied bien à Emmanuel Macron.
Macron tente de rassurer son auditoire
Mais ce dernier sait parfaitement à qui il s’adresse. Il sait qu’en face de lui, des Français installés à Londres depuis parfois plusieurs dizaines d’années sont inquiets des suites du Brexit, de l’ambiance ambiante, au Royaume-Uni et en France.
Beaucoup sont déjà convaincus, d’autres sont venus par curiosité, pour voir. Il y a même des Britanniques, dont l’ancien ministre à l’Europe de Tony Blair, le travailliste Denis MacShane, venu «en observateur». Il y a aussi James de Montille, un Britannique de 31 ans, comme son nom ne l’indique pas (il est d’origine mauricienne), venu pour «voir» avec son pote Ammar Alam, 28 ans, financier, également Britannique. «C’est l’élection européenne la plus passionnante de l’année, et ce candidat est un des seuls qui nous semble crédible».
Emmanuel Macron attaque sec, sans notes. «Chaque fois qu’on vient à Londres, ça déclenche un débat pas possible en France, on est accusé de tous les maux, de venir à Londres pour aller chercher de l’argent à la City, chez des gens affreux et méchants». L’audience, dont un certain nombre travaille dans la finance, est hilare.
Très vite aussi, il rappelle qu’il sort tout juste du 10, Downing Street, où il s’est entretenu avec la Première ministre britannique Theresa May. Un joli coup. Sans concession, il a expliqué à Theresa May que «Brexit veut dire Brexit» et que le Royaume-Uni devra «tirer les conséquences de son vote pour le Brexit». Et le règlement des négociations «sera avant tout européen, pas question d’avoir 27 négociations».
Il caresse dans le sens du poil le public, en moyenne âgé de 30 à 50 ans, appuie sur tous les bons boutons. Il parle de «retrouver le goût du succès», de ne «plus vouloir entendre comme dans l’Eurostar ce matin qu’un type qui a voulu lancer une start-up n’a pas pu en France et est venu à Londres, où ça a marché». «Ça, ça ne doit plus arriver». La salle applaudit chaudement.
Ségolène Journé, 43 ans, juriste d’entreprise, depuis cinq ans à Londres, est venue «découvrir un nouveau candidat, qui offre une alternative à ce qui existe et qui pourrait changer mon vote». Elle a voté Fillon aux primaires, aurait sans doute voté pour lui s’il n’y avait pas eu «le scandale», mais là, «c’est vrai que ça fait pencher la balance». A côté d’elle, Marianne Magnin, 48 ans, candidate du Modem pour la troisième circonscription des Français de l’Etranger aux législatives, est aussi venue «comprendre et écouter», parce que le véritable enjeu «ce sont les législatives». Elle a voté Alain Juppé aux primaires, ne sait pas si Bayrou se présentera. «Il a vu Macron la semaine dernière, donc il y a eu discussion».
Il attaque la réticence française à saluer le succès
Emmanuel Macron poursuit sa croisade. Il plaisante. «On me reproche l’argent que j’ai gagné [lorsqu’il travaillait chez Rothschild, ndlr], je vous rassure, c’est moi qui l’ai gagné cet argent. J’avais un travail…». La salle se bidonne. Il attaque la réticence française à saluer le succès. «On peut réussir, un peu, moyennement, mais pas trop».
Constance Faure a 20 ans. En avril prochain, cette étudiante en Économie votera pour la première fois. Elle est assez «enthousiasmée par Emmanuel Macron». «Je pense voter pour lui si ce qu’il propose correspond à mes attentes, ce dont j’ai l’impression. Et aussi de manière à empêcher Le Pen d’accéder à la présidence. J’aurais bien voté plus à gauche, mais je pense que Macron a le plus grand potentiel de rassembler».
C’est sans doute son couplet sur l’Europe qui suscite dans le public, et notamment chez les plus jeunes, le plus d’enthousiasme. «On ne peut pas faire triompher notre pays sans l’Europe. On a besoin de l’Europe et d’une politique à 28 de sécurité commune». Sur ce dernier point, Emmanuel Macron reste clair, le Royaume-Uni, hors de l’UE, restera un partenaire fondamental. «Je souhaite que la Grande-Bretagne poursuive sa coopération avec la France en matière de défense», dit-il.
Et, comme souvent, il attaque de front les critiques qui lui sont faites. «Mes opposants me reprochent mon inexpérience, et bien, je revendique l’inexpérience et l’immaturité politique !». La salle explose. «Parce que leur expérience politique, c’est l’inefficacité politique, leur expérience, c’est la culture de l’entre-soi, des combines entre amis». «Et bien, il y a environ 60 millions d’inexpérimentés politiques dans le pays, dont bien 30 millions vont voter ! ». La salle se pâme. Elle hurle «Macron, président !».