L'édito politique de Thomas Legrand sur France Inter, mardi 27 mars 2018
Ce matin vous rebondissez sur l’éditorial d’un confrère !
Oui, celui d’Etienne de Montéty, à la Une du Figaro d’hier… Mon confrère rend un hommage à Arnaud Beltrame, en affirmant, je cite, «L’officier était chrétien. (…) Il a voulu être digne du Christ, de sa passion et de son admirable message (…) le soldat s’est fait serviteur». On peut se demander ce qu’implique de qualifier ce geste de geste chrétien ? Peut-être (ses proches l’affirment) le lieutenant-colonel Beltrame a-t-il trouvé dans sa foi la force d’accomplir cet acte si intense, d’autant qu’il s’est fait baptisé adulte, par choix … peut-être aussi (puisque le Figaro nous apprend, en page intérieure, qu’il était franc-maçon assidu), a-t-il puisé la source de son courage dans la foi en l’homme que les Maçons cultivent. Qui du chrétien, du franc-maçon ou de l’officier a agi ainsi ? Tous ! Comment savoir ? Bien sûr, c’est Arnaud Beltrame, sa complexité ou sa simplicité d’homme, qui est le héros. Cet acte donne foi en l’humanité pour certains, en Dieu pour d’autres! « Ce que l’on apprend au milieu des fléaux, c’est qu’il y a chez l’homme plus de choses à admirer qu’à déplorer », disait Camus. Mais n’allons pas plus loin… Que dirait-on d’un historien qui affirmerait que Jean Moulin a trouvé la force de mourir, sans parler sous la torture, dans son athéisme, son radicalisme sans Dieu ? On dirait que c’est une extrapolation, une récupération. Et l’on aurait raison. Passer sous silence la foi ou l’absence de foi d’un héros, au moment où l’on se demande pourquoi il a agi ainsi, ne serait, bien sûr, ni juste ni pertinent… Seulement, la seule certitude nous permettant de dire (et encore) qu’une religion est à l’œuvre dans ce qu’ils’est passé vendredi, se trouve dans l’action du djihadiste. Mais faire d’une foi, d’une religion, la matrice de la barbarie ou de l’héroïsme est une simplification dangereuse.
Pourquoi dangereuse ?
Parce que c’est exactement ce que veulent les djihadistes, les soldats de dieu. Combattre les soldats d’autres dieux, ou du diable c’est-à-dire des sans Dieu ! Ils prétendent opposer leur foi, leur vérité révélée à celle des autres, à celle des mauvais musulmans, des chrétiens, des juifs et des non croyants. Donner corps à la concurrence d’une religion vertueuse vs une religion de mort nous conduirait, comme le souhaitent les moines soldats de l’islamisme, vers la guerre de religion dont ils rêvent. Il parait que la phrase préférée d’Arnaud Beltrame était (d’après ceux qui étaient sous ses ordres) la célèbre citation du philosophe économiste du XVIème siècle Jean Bodin, «il n’y a de richesses que d’hommes» … Ce que l’on peut dire à coup sûr c’est que ce chrétien, ce franc maçon, ce militaire … mais avant tout cet homme, aura honoré cette belle maxime… Arnaud Beltrame était un soldat, c’était un chrétien mais ce n’était pas un soldat du Christ… C’était un soldat de la République, protecteur, non pas d’une identité, mais de la liberté.