Les partenaires sociaux, reçus mardi à l’Elysée, louent une évolution de la méthode gouvernementale. Mais l’exécutif réfute toute transformation du rythme des réformes.
LE MONDE | 18.07.2018 à 10h53 • Mis à jour le 18.07.2018 à 12h09 | Par Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières
Ils devaient se voir deux heures, mais Emmanuel Macron et les dirigeants des huit principales organisations syndicales et patronales ont finalement joué les prolongations, mardi 17 juillet. La rencontre, inédite sous cette forme depuis le début du quinquennat, a été saluée par la plupart des protagonistes. Défilant au micro dans la cour de l’Elysée, beaucoup se sont réjouis que le chef de l’Etat change de ton et de méthode, après leur avoir donné le sentiment, durant un an, qu’ils les considérait comme des figurants de seconde zone.
« Un vrai tournant », pour François Asselin (Confédération des petites et moyennes entreprises, CPME). « Une réunion utile », selon Laurent Berger (CFDT). « Le président de la République a convenu que l’année dernière avait été à son rythme à lui et sans écouter beaucoup, a assuré, de son côté, Philippe Martinez (CGT). On ne peut que souhaiter que ça change. » L’entourage de M. Macron reconnaît « un bougé sur la manière dont on discute », mais réfute toute « transformation du cadre stratégique ou du rythme des réformes ».
Plusieurs sujets ont été abordés : la santé et la qualité de vie au travail, les retraites, la dépendance, l’avenir du paritarisme… Mais c’est surtout la négociation d’une nouvelle convention sur l’assurance-chômage qui a focalisé l’attention. A la rentrée, les partenaires sociaux se rendront à Matignon et au ministère du travail pour tenter d’aboutir à un « diagnostic partagé » et d’élaborer conjointement une lettre de cadrage. L’Elysée table ensuite sur quatre mois de discussions qui devraient s’achever en janvier ou début février afin que « les nouvelles règles [d’indemnisation des demandeurs d’emploi] s’appliquent au printemps » 2019.
« Qui finance quoi ? »
Sur cette thématique particulièrement sensible, les organisations d’employeurs et de salariés ont rappelé leurs exigences. « On lui a réclamé une lettre de cadrage qui ne fasse pas la négociation avant la négociation », a souligné M. Berger. Le document serait « assez large », afin de permettre aux partenaires sociaux de « travailler sur tous les sujets », a complété Alain Griset (Union des entreprises de proximité). Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) a précisé que son mouvement était « ouvert à la phase de diagnostic », avec le souci de « ne pas se limiter aux paramètres financiers de l’assurance-chômage, mais d’élargir le débat [au] contrat de travail, [à] la formation des demandeurs d’emploi ».
D’après lui, le chef de l’Etat a également exprimé le souhait que soit mise dans la discussion la question de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), accordée aux chômeurs en fin de droit. Ce dispositif, dont le coût budgétaire est supporté par l’Etat au titre de la solidarité, est dans le collimateur depuis plusieurs années, à tel point que l’hypothèse de son extinction graduelle (et de son remplacement par une autre prestation) est régulièrement évoquée. A ce stade, les intentions de l’exécutif ne sont pas connues, mais les partenaires sociaux ont d’ores et déjà mis en garde le gouvernement contre la tentation de transférer la « facture » de l’ASS au régime d’assurance-chômage. « Qui finance quoi ? Il va falloir définir ce qui relève de la solidarité et ce qui relève de l’assurance-chômage », aux yeux de M. Asselin.
Chacun a reçu les propos de M. Macron à sa façon. Philippe Louis, le dirigeant de la CFTC, a ainsi été le seul à soutenir que « l’état d’esprit » du chef de l’Etat n’était pas à la réduction des droits des chômeurs. « Clairement, ce n’est pas ce qui est prévu », a-t-il certifié. L’objectif, selon lui, est de « donner plus de dynamisme à la recherche d’emploi » et de mieux accompagner les personnes en quête d’un poste, dans un contexte où les entreprises peinent de plus en plus à recruter sur certains métiers. Il s’agit de « trouver des solutions en faveur du retour à l’emploi, notamment pour les publics les plus éloignés du marché du travail », d’après M. Griset.
S’agissant du bonus-malus, une mesure promise par M. Macron qui vise à pénaliser les entreprises où la rotation du personnel est élevée, M. Griset a « cru comprendre » que le président de la République ne jugeait pas ce point comme « quelque chose d’intangible ».
Ces échanges auront-ils permis de renouer le fil ? Pas si sûr. « Le naturel reprend vite le dessus et il faut maintenant attendre la rentrée », a estimé François Hommeril (CFE-CGC). « La CFDT n’est ni naïve ni inquiète par nature », a renchéri M. Berger, ajoutant que sa centrale attend désormais des « règles du jeu claires ». Quant à Pascal Pavageau (FO), s’il s’est félicité que « la forme s’améliore, il reste le fond ». « L’ensemble de la politique visant à individualiser et à casser les droits collectifs ne nous va évidemment pas, a-t-il rappelé. Sur bon nombre de réformes, pour ne pas dire toutes, nous sommes extrêmement inquiets. »