Le Journal du Dimanche, 14 avril 2019
Détenu arbitrairement au Cameroun pendant dix-sept ans, Michel Atangana veut faire voter une loi avec le soutien de plusieurs députés
Cette fois-ci, Michel Atangana a décidé de lutter aussi pour les autres. Libéré en 2014 au bout de dix-sept années d’une détention au Cameroun jugée arbitraire par les Nations unies, ce cadre financier se consacre désormais à une meilleure protection des Français emprisonnés à l’étranger.
En mai 2018, ils étaient 1270, le plus souvent mis en cause dans des affaires de drogue. Appuyé par plusieurs députés, dont Pierre-Alain Raphan (LREM) et Olivier Falorni (Libertés et territoires), ainsi que par un groupe de bénévoles, Michel Atangana défend le dépôt d’une proposition de loi en ce sens d’ici à la fin de l’année.
Abandonné par Paris
Dès la semaine prochaine, les parlementaires qui le soutiennent doivent demander à la commission des lois de l’Assemblée nationale d’intégrer au droit français une disposition prise par l’ONU en novembre 2013 condamnant la détention arbitraire. L’assemblée générale avait voté un avis à l’automne 2013 à propos du cas Atangana, afin de faciliter la libération du Français retenu en dehors de toute règle légale. Aujourd’hui âgé de 54 ans, ce fils d’un haut fonctionnaire camerounais a occupé des fonctions importantes dans l’économie du pays à partir de 1992. Il a notamment eu pour mission de superviser la construction d’axes routiers reliant les principales villes. Mais, en 1997, il est arrêté par les forces spéciales en raison de son soutien présumé à un candidat rival du chef de l’État, Paul Biya, à l’élection présidentielle. Commence alors une longue nuit de cinq ans à l’isolement total, privé de sa famille, de ses fils. Une série d’acrobaties judiciaires lui valent d’être condamné deux fois pour les mêmes faits à un total de vingt ans d’emprisonnement. Au cauchemar de la détention s’ajoute un sentiment d’abandon. Pendant ces années, son sort est ignoré des autorités françaises. Enfermé dans une minuscule cellule en sous-sol, il entretient de très rares contacts avec l’extérieur.
Pour Paris comme pour Yaoundé, Michel Atangana n’est que camerounais. Pourtant, il possède bel et bien la nationalité française, obtenue par le mariage. En 2005, le département d’État américain lui reconnaît le statut de prisonnier politique. Mais ce n’est qu’après l’élection de François Hollande à l’Élysée en 2012 qu’il reçoit l’aide de l’État. Visites consulaires, tractations discrètes, il est finalement libéré en février 2014 et peut alors regagner Paris. « Mon combat aujourd’hui, dit-il, est de faire en sorte que cela ne puisse plus se reproduire, qu’aucun Français ne se retrouve dans cette situation. »
Le révélateur Carlos Ghosn
Cinq ans après sa libération à la suite d’une remise de peine accordée par Paul Biya, l’ancien détenu continue de se battre pour sa réhabilitation. Car, à ce jour, le Cameroun le considère toujours comme un coupable, et ses comptes sont bloqués. Pour obtenir une réparation évaluée à plusieurs millions d’euros par ses avocats français et camerounais, des démarches ont été entreprises en direction de l’Élysée, d’une part, et de Paul Biya, d’autre part. Sans résultat pour l’instant.
Michel Atangana espère que l’actualité viendra à son secours. La double incarcération de l’ancien patron de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, au Japon a mis en lumière les difficultés parfois insurmontables rencontrées par les Français incarcérés très loin de chez eux.
PASCAL CEAUX