Les autorités fiscales américaines ont reconnu devant le tribunal fiscal de Washington qu'elles avaient prélevé à tort des millions de dollars d'impôts auprès de citoyens vivant en France. Les contribuables lésés pourront faire une demande de remboursement sur les dix dernières années.
Les Echos, Publié le 17/06 à 18h24, Mis à jour le 17/06 à 19h41
Après dix ans de bataille judiciaire, les « Américains accidentels » ont pour la première fois obtenu gain de cause devant la justice. Les autorités fiscales américaines ont reconnu devant le tribunal fiscal de Washington qu'elles avaient prélevé à tort des millions de dollars d'impôts auprès de citoyens résidant en France. Le litige portait sur la contribution sociale généralisée (CSG), considérée par la France comme un impôt, bien qu'étant affecté au budget de la Sécurité sociale.
L'IRS américain n'avait pas la même interprétation et voyait la CSG comme une charge sociale. Conséquence, les Américains vivant en France, toujours soumis à l'impôt de leur pays d'origine, ne pouvaient pas déduire la CSG de leur dette fiscale américaine.
Obligations fiscales
Le problème remonte à 2008, lorsque l'ambassade des Etats-Unis en France a annoncé un changement des règles appliquées par l'IRS. Il s'est accentué avec la vaste campagne lancée dans la foulée de la loi Fatca sur le secret bancaire pour contraindre les résidents américains en France à se conformer à leurs obligations fiscales. Des centaines de contribuables, pour certains n'ayant plus de lien avec les Etats-Unis qu'ils avaient quittés juste après leur naissance, se sont retrouvés face à des factures colossales vis-à-vis du fisc américain .
« Un entrepreneur, après avoir vendu sa société, a voulu se mettre en conformité avec le fisc américain, qui lui a demandé 114.000 dollars, explique Fabien Lehagre, le représentant en France de ceux qu'on appelle les « Américains accidentels ». Parfois, c'est au moment de la vente de leur résidence principale que certains contribuables sont rattrapés par l'IRS. »
Procédure contre l'administration
C'est ainsi que deux citoyens américains résidant en France, Ory et Linda Eshel, ont engagé une procédure contre l'administration américaine pour contester leur redressement. En 2014, l'IRS a gagné en première instance, ayant plaidé que la CSG n'était pas un impôt. Deux ans plus tard, la Cour d'appel de Washington a annulé ce jugement puis renvoyé l'affaire devant le tribunal fiscal, en demandant de prendre en considération la convention bilatérale franco-américaine. Trois ans plus tard, l'IRS a fini par reconnaître son erreur.
Les contribuables lésés pourront réclamer les montants prélevés à tort sur les dix dernières années. Leur avocat, l'Américain Stuart Horwich, évalue autour de 100 millions de dollars les sommes en jeu. Cette décision joue également en faveur des Français résidant aux Etats-Unis et qui, pour les mêmes raisons, subissent actuellement une double imposition sur leurs revenus de source française.
Le combat n'est pas terminé pour les « Américains accidentels ». « L'arrêt porte uniquement sur la CSG. Il reste un certain nombre de prélèvements qui ne donnent pas lieu à un crédit d'impôt », indique Fabien Lehagre. Le Conseil d'Etat doit prochainement se prononcer sur un recours déposé par l'Association des « Américains accidentels ».
Ingrid Feuerstein