Plus de 260 000 postes ont été créés cette année. Faute de gagner assez en productivité, les entreprises ont embauché pour faire face à l’accroissement de leur activité. Le chômage a ainsi atteint mi-2019 son point le plus bas depuis dix ans.
Avec plus de 260 000 créations d’emplois cette année (à comparer aux 188 000 enregistrées en 2018), un taux de chômage qui a atteint en milieu d’année 2019 son point le plus bas depuis 2009, à 8,5 % de la population active, la France est sans conteste dans une trajectoire positive.
Sauf retournement de situation – dû par exemple au conflit social autour des retraites –, les entreprises devraient continuer à embaucher début 2020, et le taux de chômage pourrait continuer à baisser de 0,1 % par trimestre l’année prochaine, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Ces bons chiffres s’expliquent, en grande partie, par la croissance économique, dont l’atterrissage en fin d’année est fixé à 1,3 % par l’Insee. « La totalité de la croissance passe en emplois », observe ainsi Patrick Artus, chef économiste chez Natixis. Faute de gains de productivité suffisants, les entreprises n’ont d’autre solution que d’embaucher pour faire face à l’accroissement de l’activité.
Un autre facteur a également joué un rôle, selon Eric Heyer : les transformations du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales. Même si le résultat comptable est le même, l’effet psychologique sur les chefs entreprises ne l’est pas, explique cet économiste à l’OFCE. « Si vous baissez l’impôt – ce qui était le cas dans la première version du CICE –, vous n’obtenez pas le même résultat que si vous baissez le coût du travail, qui incite davantage à embaucher. » L’Insee estime à 30 000 le nombre d’emplois créés en 2019 grâce à cette transformation du CICE. Un impact qui sera nettement plus faible l’an prochain.
Le tertiaire, principale locomotive
Tous les secteurs ont bénéficié de l’embellie. Fait notable, l’industrie recrute à nouveau depuis 2018, après une quinzaine d’années de décrue quasi ininterrompue. En 2019, comme en 2018, environ 12 000 emplois ont été créés dans les entreprises industrielles, notamment dans le secteur agroalimentaire.
Même orientation positive dans la construction, une activité qui avait, elle aussi, perdu massivement des emplois entre 2009 et 2016. L’approche des élections municipales de mars 2020, ainsi que les grands projets, comme le Grand Paris Express, ne seraient pas étrangers au dynamisme du secteur qui a créé 41 000 emplois en 2019.
La locomotive reste cependant le tertiaire, et tout particulièrement les services marchands aux entreprises – conseil, services informatiques, ingénierie, juridique… – avec 167 500 emplois nouveaux cette année. Du côté de l’emploi non marchand, la baisse du nombre de bénéficiaires de contrats aidés se traduit par seulement 14 000 postes supplémentaires sur l’ensemble de l’année. Jugeant ce type de contrats peu efficaces pour un coût budgétaire élevé, le gouvernement d’Edouard Philippe a, en effet, revu drastiquement les dispositifs de financement. Au lieu de 320 000 contrats en 2017, ils ont été réduits avec l’objectif d’en financer 100 000 nouveaux par an.
Globalement, la bipolarisation du marché du travail se confirme entre les emplois très qualifiés et les très peu qualifiés – le taux de chômage des personnes peu qualifiées a d’ailleurs tendance à baisser plus rapidement –, avec au milieu une détérioration des emplois intermédiaires.
Cette mutation se traduit par des pénuries dans certains secteurs ou sur certains métiers, faute d’un appareil de formation adapté à la demande ou de salaires assez attractifs. C’est le cas, notamment, dans les services à la personne, la sécurité, les transports… Parallèlement, si le nombre de contrats à durée indéterminée (CDI) augmente très légèrement, la part des CDD reste très majoritaire en France dans les embauches.
Les jeunes en ont bénéficié
Toutes les catégories de demandeurs d’emploi, ou presque, ont profité de cette conjoncture. A commencer par les jeunes : le taux de chômage des moins de 24 ans a diminué de 2,3 points sur l’année, avec un petit avantage aux hommes ( 2,9 points). Les chômeurs âgés de 25 à 49 ans bénéficient, eux, d’une moindre amélioration (– 0,6). Enfin, les plus de 50 ans voient, au contraire, leur situation se dégrader très légèrement, avec une hausse de 0,1 % du taux de chômage.
Mais ce chiffre est à interpréter avec précaution : « Le taux de chômage des seniors continue de se dégrader, mais, parallèlement, le taux d’emploi des personnes de cette catégorie augmente », explique Patrick Artus. Un paradoxe dû à la présence de plus en plus importante de personnes de plus de 50 ans sur le marché du travail. Autre bonne nouvelle, le sous-emploi « subi » – autrement dit ces personnes à temps partiel, mais qui souhaitent travailler davantage – se réduit.
Quant aux chômeurs de longue durée, c’est-à-dire ceux déclarant rechercher un emploi depuis plus d’un an, leur nombre se stabilise. Ils étaient un million dans ce cas au troisième trimestre 2019, en baisse de 0,3 point par rapport à l’année précédente. Seuls ceux au chômage depuis plus de trois ans ne voient pas leur situation s’améliorer.
Paradoxalement, le taux de chômage pourrait baisser plus rapidement si la vigueur des créations d’emplois n’incitait pas des personnes à revenir sur le marché du travail : personnes découragées, femmes ayant arrêté momentanément leur activité professionnelle pour élever leurs enfants… Ces retours vers l’emploi augmentant mécaniquement le nombre de demandeurs inscrits à Pôle emploi.
« Retour à la normale » en 2020
Et ce phénomène devrait se poursuivre en 2020, car, structurellement, le taux d’emploi en France est inférieur d’une dizaine de points environ à la moyenne de l’OCDE, surtout pour les jeunes et les plus de 60 ans. Pour la catégorie des 20 à 59 ans, il est inférieur de deux points. Le « halo » du chômage, qui regroupe les personnes qui désirent prendre un emploi sans être considérées comme étant au chômage – parce qu’elles sont, par exemple, en formation – est lui de 1,6 million de personnes, stable par rapport à fin 2018. Autant de réservoirs de main-d’œuvre, qui pourraient venir rejoindre, en 2020, les rangs des demandeurs d’emploi.
Après une année 2019 faste pour l’emploi, 2020 devrait se traduire, selon Eric Heyer, par un « retour à la normale ». La baisse de l’impact du CICE, le ralentissement de la croissance économique, l’augmentation tendancielle de la population active devraient peser. « Le rythme de 250 000 créations d’emplois par an est assez difficile à tenir », observe, pour sa part, l’économiste Bertrand Martinot.
Il n’en reste pas moins que sur quatre ans, de 2016 à 2019, environ un million d’emplois auront été créés en France, comme le relève la Banque de France dans la note de conjoncture de décembre. Quant aux réformes relatives au fonctionnement du marché du travail – et notamment les ordonnances de 2017 –, la réforme de la formation professionnelle et celle de l’assurance-chômage, leurs effets sont encore difficiles à évaluer.