Paris s’est résolu à envoyer deux avions, en coopération avec les autorités européennes – une solution permettant de partager la facture avec Bruxelles.
La crise du coronavirus semble plonger la diplomatie française dans le désarroi. Outre le fait que l’ambassadeur de France à Pékin était en vacances en Bretagne du 23 au 27 janvier, au moment même de l’évacuation de Français de Wuhan, comme l’a révélé Le Parisien, la France multiplie les faux pas et les volte-face.
Il y a d’abord eu cette idée du ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, d’évacuer les Français du Hubei par voie terrestre dans une autre province chinoise. Il s’agissait donc de proposer à des personnes non malades de partir à Changsha (Hunan), à leurs frais, et d’attendre la fin de la quarantaine imposée à la province du Hubei. Sans penser que ceux-ci n’avaient rien à faire dans le Hunan, que la province risquait également d’être contaminée et surtout que cette dernière n’avait aucunement l’intention de recevoir ces malades en puissance.
Alors que les États-Unis annonçaient l’envoi d’un avion destiné à ramener les Américains en Californie, la proposition française d’affréter des bus n’était pas des plus séduisantes. La France s’est donc résolue à envoyer deux avions, en coopération avec les autorités européennes – une solution permettant de partager la facture avec Bruxelles. Mais, depuis, le Quai d’Orsay tergiverse. Que préconiser aux 15 000 Français recensés comme vivant en Chine continentale ? À la suite du Foreign Office britannique, le ministère des affaires étrangères publie le 4 février un communiqué indiquant qu’« à titre de précaution, il est recommandé aux Français, en particulier aux familles qui n’ont pas de raison essentielle de rester en Chine, de s’éloigner momentanément du pays ».
« Interruption temporaire de séjour »
Étrangement, cette recommandation n’est pas envoyée par les services consulaires aux Français résidant en Chine. Encore plus étrange, le lendemain, la porte-parole du Quai d’Orsay affirme, contre toute évidence, qu’« il n’a jamais été question de conseiller à tous nos ressortissants de quitter la Chine ». De fait, le 6 février, les Français finissent par recevoir les recommandations du 4 modifiées sur ce point essentiel.
« À titre de précaution, il est recommandé aux Français qui le peuvent, en particulier aux familles, et qui n’ont pas de raisons essentielles de rentrer en Chine continentale, de se tenir éloignés momentanément du pays et de différer leur retour. » Il ne s’agit plus de partir mais de ne pas rentrer. Mais dès le samedi 8, nouveau changement. Paris, qui déconseille désormais tout voyage vers la Chine « sauf pour des raisons impératives », « recommande aux Français qui le peuvent d’envisager d’interrompre temporairement leur séjour en Chine ». Donc, de partir.
Parallèlement, le lycée français de Pékin, qui devait reprendre les cours le 17 février, a décidé de ne rouvrir que le 23 mars (pour ne pas renoncer aux vacances de printemps du 9 au 23 mars). Du coup, une grande majorité des diplomates – l’ambassade ne communique pas les chiffres – ont « interrompu provisoirement » leur séjour en Chine, croisant l’ambassadeur qui lui est rentré le 31 janvier. Selon le ministère des affaires étrangères chinois, Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique de l’Élysée, aurait, le 7 février, fait part au ministre des affaires étrangères chinois de son « admiration pour le calme, la sagesse et la capacité de la Chine à maîtriser efficacement l’épidémie en si peu de temps ». On ne sait pas si le ministre chinois lui a retourné le compliment.
Frédéric Lemaître
Le Monde (11/02/20)