J’ai assisté hier matin à l’hommage national rendu à Antoine Le Quinio et Nicolas Vokaer, les deux soldats du 8e RPIMa tombés à Bangui dans la nuit du 10 au 11 décembre.
Notre ministre, Hélène Conway-Mouret, et le sénateur Louis Duvernois, représentant les Français établis hors de France, étaient présents.
Vous trouverez ci-dessous l’allocution prononcée par le Président de la République à l’occasion de cette cérémonie très émouvante qui s’est déroulée dans la grande cour des Invalides devant les familles et des militaires des trois armes.
Discours lors de l'hommage national au Caporal Nicolas VOKAER et au Caporal Antoine LE QUINIO
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires et élus,
Amiral, Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, soldats,
Chères familles éplorées,
Mesdames, messieurs,
Antoine Le QUINIO et Nicolas VOKAER sont morts pour la France. Ils étaient deux vaillants soldats du Régiment de parachutistes d’infanterie de marine, le 8ème. Ils effectuaient une noble et belle mission.
Celle de sauver des vies humaines en Centrafrique.
Dès mardi soir, j’étais moi-même à Bangui, au milieu de leurs frères d’armes et je saluais leurs dépouilles. Aujourd’hui, ici, dans la cour des Invalides, je m’incline à nouveau devant ces deux militaires. Antoine et Nicolas sont allés jusqu’au bout de leur devoir au service de la paix dans un pays, la Centrafrique, l’un des plus pauvres du monde, tombé dans le chaos, meurtri par les violences, ravagé par la faim et le dénuement.
Ces deux marsouins parachutistes ont été fidèles à la devise de leur régiment : C’est-à-dire « Volontaire », volontaires jusqu’au bout. Ils illustrent les plus belles qualités de l’âme humaine, le dévouement, le dépassement et le courage. A 22 et 23 ans, il en fallait du courage pour faire ce qu’ils ont fait.
Caporal Antoine Le QUINIO, Caporal Nicolas VOKAER, vous serviez votre pays depuis plus de deux ans avec un parcours en tout point semblable, l’un et l’autre. Vous vous êtes engagés dans l’armée de terre en 2011, vous rejoignez le 8ème RPIMA et vous obtenez l’un et l’autre votre brevet de parachutiste.
Elevés au même moment à la distinction de 1ère classe, vous êtes affectés tous les deux à la 1ère compagnie de combat du régiment. Vous êtes désignés à la fin de l’année dernière pour participer à l’opération Boali, déjà en Centrafrique.
Motivés, dynamiques, vous recevez tous deux une lettre de félicitations, et la médaille d’Outre-Mer. Depuis le mois d’octobre dernier, vous êtes à nouveau déployés en Afrique, au Gabon cette fois-ci. L’alerte Guépard vous fait arriver à Bangui le 5 décembre, pour participer à l’opération Sangaris.
Quatre jours après, peu avant minuit, votre section est engagée dans des échanges de tirs au cours d’une reconnaissance dans les ruelles de Bangui, la capitale de la Centrafrique. Vous êtes blessés dans les combats, vos camarades vous évacuent vers l’antenne chirurgicale avancée sur l’aéroport de M’Poko.
Hélas, vous vous y rejoignez dans la mort, Antoine et Nicolas, en frères d’armes.
A vous, chères familles, je redis la tristesse de la Nation face à la douleur d’une disparition si prématurée de votre enfant. J’exprime une fois encore le chagrin de chacune et de chacun de nos compatriotes devant ce destin brisé.
Avec vous, soldats du 8ème RPIMA, dont certains sont ici présents, je partage l’émotion qui vous étreint en ce moment-même avec la disparition de deux de vos camarades.
A vous, élus et habitants de Castres et du Tarn, je mesure la peine qui envahit votre ville, votre département si attachés à son Régiment. Vous accompagnez et vous soutenez depuis tant d’années avec fierté vos marsouins qui ont été appelés dans toutes les crises et ont su à chaque fois faire face avec courage, y compris avec le sacrifice de vie. Vous êtes le témoignage du lien indissoluble entre la Nation et son Armée.
Le sacrifice de deux jeunes soldats a un sens, quel est-il ? Celui d’une Nation qui porte des valeurs, celles de la République, qui libère des peuples de la servitude, de l’oppression, de la dictature, d’un pays qui se porte au secours des plus faibles.
En Centrafrique, il y avait urgence. Plus de 600 personnes avaient été tuées en deux jours. Les affrontements confessionnels risquaient de dégénérer en un immense bain de sang et des dizaines de milliers de déplacés erraient et errent encore à travers le pays, privés d’eau et de vivres. C’était donc une tragique crise humanitaire qui s’annonçait avec des femmes et des enfants à l’abandon, victimes de pillages et de violences de toutes sortes.
Alors, en tant que chef des armées, j’ai pris la décision d’engager nos soldats en Centrafrique, aux côtés des forces africaines et dans le cadre d’un mandat fixé par le Conseil de sécurité des Nations Unies. La mission que je leur ai confiée est de protéger les populations, de rétablir la paix et de garantir l'accès de l'aide humanitaire.
Parce que quand des crimes contre l’humanité sont commis, c’est l’honneur de la France, l’honneur de ses soldats que de s’engager pour y mettre fin et ceci, sans la moindre hésitation.
La sauvegarde des vies humaines, qu’elles soient françaises ou non, est une obligation lorsque l’abomination menace.
Et si la France n’était pas intervenue, si nos soldats, avec Antoine, Nicolas, n’avaient pas commencé à séparer les belligérants et à désarmer les bandes, les massacres, les carnages, en ces moments-même, continueraient. Nos ressortissants sont directement exposés, ceux qui vivent en Centrafrique et surtout, le déchaînement des passions religieuses pourrait enflammer, aurait enflammé toute la région, et bien au-delà de la Centrafrique.
Grâce à l’action de nos soldats, en quelques jours, une première accalmie est obtenue dans Bangui et dans les principales villes de la Centrafrique.
Les tensions y sont encore vives et les armes sont nombreuses. Nos 1 600 soldats présents dans le cadre de l’opération SANGARIS, font preuve d’une efficacité, d’une qualité, d’une sérénité en tout point remarquable.
Même quand ils ont fait face à cette douleur, à ce drame, qu’était la mort de Nicolas et d’Antoine. En cinq jours, ils sont parvenus au-delà même de ce que nous pouvions espérer à donner un espoir à ceux qui n’en avaient plus.
Nos soldats n’ont pas vocation à rester présents en Centrafrique. Ils seront progressivement relayés par les forces africaines dont les effectifs vont doubler en quelques semaines pour atteindre 6 000 hommes. Nos partenaires européens nous apportent un appui logistique, matériel particulièrement précieux. Je les en remercie.
C’est la preuve qu’il y a une solidarité africaine, européenne, internationale.
Mais, au-delà de ces premiers succès, auxquels ont contribué Nicolas et Antoine, la situation reste dure, la mission dangereuse, éprouvante. Et pourtant, elle se poursuivra sans relâche dans les prochaines semaines pour désarmer les groupes de tout bord, pour faciliter le déploiement de la force africaine et pour protéger les populations.
Nos soldats ont été accueillis, par la grande majorité des Centrafricains comme des libérateurs parce que la France n’a pas d’intérêt autre que de sauver des vies en Centrafrique. Elle ne vient pas pour installer un régime ou pour en défaire un autre.
Elle n’est pas partie-prenante d’un conflit. Notre but, notre seul but, avec les Nations Unies, c’est de restaurer l’état de droit et de permettre aux Centrafricains de désigner, le moment venu, leurs dirigeants par des élections libres et incontestables, comme nous l’avons fait au Mali grâce à nos forces armées.
Nous agissons pleinement, derrière les Africains. Nous sommes à leurs côtés. Nous ne nous substituons pas à eux et nous estimerons, lorsque la force africaine aura atteint une taille et une capacité suffisante que nous pourrons alors nous retirer.
Une nouvelle fois, le monde s’est tourné vers l’armée française. A ceux qui s’interrogent, qui se disent « mais pourquoi toujours la France ? Au Mali, en Centrafrique et sur d’autres théâtres d’opérations quand l’essentiel est en jeu et que le Conseil de sécurité nous en donne mandat ». Oui pourquoi la France ? Pourquoi la France toujours ? « Mais parce que nous sommes la France et parce que si elle n’était pas là, nulle autre armée, dans cette partie du monde, en Afrique, ne pourrait être en capacité de lancer une telle opération pour sauver des vies et installer la paix ».
Et c’est ce qui fait que nous sommes un grand pays, reconnu comme tel, influent sur la scène internationale, capable d’exprimer sa voix, la voix de la liberté, la voix de la dignité, la voix de l’émancipation. Ce rôle, ce statut, cette place, la France les doit à son armée, à ses soldats. En Centrafrique comme au Mali, nous avons apporté une démonstration éclatante et le 8ème RPIMA en est un des éléments les plus brillants, toujours sollicité pour écrire de nouvelles pages d’une histoire pourtant déjà glorieuse.
Et c’est pourquoi, la France, par ma voix, exprime toute entière sa gratitude à nos soldats. Elle n’oubliera jamais, je dis bien jamais, le sacrifice d’Antoine Le QUINIO et de Nicolas VOKAER parce que je sais ce que nous leur devons. Leur dévouement, jusqu’à la mort, nous oblige à honorer à tout jamais leur mémoire mais aussi à réussir, en leurs noms, la mission qui leur a été confiée pour sauver d’autres vies alors même qu’ils ont sacrifié la leur.
Je leur rends une nouvelle fois hommage, je leur dis toute notre reconnaissance et je dis vive la République et vive la France !
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