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Richard Yung
Octobre 2021

Le 2 mai, je me suis entretenu avec Rémy RIOUX, directeur général de l’Agence française de développement (AFD).

Après que j’ai attiré son attention sur la situation en Érythrée – pays où l’agence n’intervient pas –, nous avons échangé sur le financement de l’aide publique au développement (APD).

Adopté en 2002 par les Nations Unies, le consensus de Monterrey fixe l'objectif de consacrer au moins 0,7% du revenu national brut (RNB) à l'APD. En 2016, seuls six pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) respectaient cet objectif, dont l’Allemagne (24,7 milliards de dollars, soit 0,7% du RNB) et le Royaume-Uni (18 milliards de dollars – uniquement sous forme de dons –, soit 0,7% du RNB).

Pour sa part, la France occupe la 5ème place parmi les pays donateurs en volume (9,5 milliards de dollars) [1], mais la 12ème place en pourcentage du RNB (0,38%).

La chute des moyens financiers consacrés à l’APD a été stoppée (3,62 milliards d’euros en 2017, contre 3,25 milliards d’euros en 2016 et 3 milliards d’euros en 2015). Ces moyens comprennent, d’une part, les crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » (2,6 milliards d’euros en 2017, contre 2,5 milliards d’euros en 2016) [2] et, d’autre part, les recettes du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui proviennent de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (210 millions d’euros en 2016) et de la taxe sur les transactions financières (528 millions d’euros en 2016) [3].

Selon M. RIOUX, le débat relatif à la répartition entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale « n’a pas encore été tranché ». Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel MACRON a exprimé le souhait de « renforcer en priorité notre aide bilatérale » [4], dont la mise en œuvre est essentiellement assurée par l’AFD (60%).
Plus largement, M. MACRON a proposé de « mettre au point, dans un délai d’un an, une révision de la loi de programmation de l’aide au développement, pour établir une trajectoire d’augmentation vers les 0,7%, à atteindre progressivement entre 2022 et 2030, en fonction des marges budgétaires » (0,55% en 2022 et 0,7% en 2025).
Grâce à cette « montée en puissance de notre politique de développement, avec des ressources accrues en dons », M. MACRON souhaite notamment « concentrer nos moyens sur l’Afrique, sur les pays de l’espace francophone et sur les pays les moins avancés », l’objectif étant d’allouer à ces derniers « au moins 0,15% de notre RNB ».

En 2016, le montant des engagements financiers de l’AFD s’est élevé à 9,4 milliards d’euros, soit une hausse de 13,2% par rapport à 2015. Le montant des décaissements s’est, lui, élevé à environ 5 milliards d’euros.
Les engagements financiers de l’AFD ont pris la forme de prêts aux États (3,9 milliards d’euros), de prêts aux entreprises et collectivités (3,9 milliards d’euros), de subventions (1,1 milliard d’euros) ainsi que de garanties et participations (0,5 milliard d’euros).
L’Afrique, qui est la priorité de l’AFD, a bénéficié de la moitié des engagements dans les pays étrangers, soit près de 4 milliards d’euros. Au cours des cinq prochaines années, 23 milliards d’euros doivent être engagés pour le continent africain.
Les engagements financiers de l’agence sont également destinés à l’Asie (20%), à l’Amérique latine et aux Caraïbes (20%) ainsi qu’au Proche et Moyen-Orient (10%).

L’an dernier, l’AFD a financé 657 nouveaux projets de développement, dont la moitié ont un effet bénéfique pour la lutte contre le changement climatique. La moitié de ces projets sont, par ailleurs, menés en cofinancement avec d’autres bailleurs, dont la Kreditanstalt für Wiederaufbau (1,5 milliard d’euros).

L’AFD a pour objectif d’atteindre un volume d’engagements de 12,7 milliards d’euros en 2020. Afin de permettre la réalisation de cet objectif dans le respect des règles prudentielles dites de « Bâle III », le Gouvernement a procédé au renforcement des fonds propres de l’agence [5]. La loi de finances rectificative pour 2016 a ainsi augmenté les fonds propres de première catégorie à hauteur de 2,4 milliards d’euros. Avec un ratio de solvabilité s’établissant à 16,82%, l’agence satisfait aux exigences minimales de fonds propres [6].

La nécessité, pour l’État, de recapitaliser l’AFD s’explique par le fait que l’agence n’est pas soumise à un cadre prudentiel ad hoc, contrairement à ses homologues étrangers – dont la KfW [7] – et à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Elle doit respecter les règles figurant dans la directive dite « CRD » et le règlement dit « CRR », dont la révision a récemment été engagée par la Commission européenne.

Considérée comme un établissement de crédit « significatif », l’AFD est, depuis le 1er janvier 2016, directement supervisée par la Banque centrale européenne, en lien avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Un décret pris le 20 avril dernier a ouvert la voie à un changement de statut de l’agence. Cette dernière passera prochainement du statut d’établissement de crédit à celui de société de financement. Ce faisant, elle sera de nouveau soumise au contrôle de l’ACPR.

Selon M. RIOUX, le rapprochement de l’AFD et de la CDC « avance bien ». Le 6 décembre dernier, les deux institutions ont signé une charte stratégique, qui prévoit notamment la création d’un fonds d’investissement dans les infrastructures. Prévu pour être opérationnel cet été, cet instrument « privilégiera l’intervention en fonds propres avec des positions minoritaires, afin de partager le risque avec d’autres investisseurs » (tickets de plus de 15 millions d’euros). Doté de 600 millions d’euros de fonds propres, il doit permettre la réalisation de 6 à 8 milliards d’euros d’investissements dans les secteurs suivants: énergies renouvelables ; eau et assainissement ; télécommunications et infrastructures numériques ; traitement des déchets ; transports ; aménagement du territoire ; santé et éducation.

M. RIOUX m’a indiqué que le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’AFD, dont le Parlement devra être saisi, prévoit notamment une cible budgétaire en 2020 – « une première » – ainsi qu’un plafond d’emplois exprimé en équivalents temps plein (ETP). L’agence compte actuellement 2.400 ETP (salariés de droit privé), dont un tiers à l’étranger. Le projet de COM prévoit la création de 800 ETP.

Par ailleurs, l'AFD est chargée de mettre en place une facilité pour l’atténuation des vulnérabilités et la réponse aux crises (dotée de 100 millions d’euros par an), dont la création a été décidée lors du dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement (30 novembre 2016).

M. RIOUX m’a également informé que l’AFD est membre de l’International Development Finance Club (IDFC). Créé en 2010, ce dernier regroupe 18 banques nationales de développement ainsi que 5 banques régionales de développement. Ces établissements représentent un total de bilan d’environ 3.000 milliards de dollars et plus de 600 milliards de dollars d’engagements annuels. L’IDFC a notamment pour objectif de favoriser l’échange de bonnes pratiques et la coordination dans les domaines du développement durable et de la lutte contre le changement climatique.

Pour en savoir plus, cliquez ici.

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[1] Au sens de l’OCDE, l’APD englobe les crédits budgétaires, l’APD résultant des prêts concessionnels et les dépenses domestiques en faveur des réfugiés.
[2] Ressources budgétaires de l’AFD (financement de projets sous forme de dons, bonification des prêts) ; aide liée (dispositifs pour lesquels une part minimale des contrats financés doit correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises) ; coopération technique (subvention allouée à Expertise France) ; aide humanitaire et alimentaire ; coopération décentralisée ; contribution au Fonds européen de développement (FED) ; etc.
[3] L’an dernier, 25% du produit de la TTF, soit 230 millions d’euros, ont été affectés au budget de l’AFD. Cependant, l’agence a finalement dû reverser l’intégralité de cette somme au FSD, qui finance essentiellement de l’APD multilatérale. Cette année, un tiers des 270 millions d’euros de TTF destinés à l’AFD a déjà été débloqué pour le financement de projets relevant de l’aide bilatérale.
[4] Cette année, l’aide bilatérale représente 59% de l’APD totale.
[5] Au 31 décembre 2016, les fonds propres du groupe AFD s’établissaient à 5,9 milliards d’euros.
[6] Si le compte de réserve était pris en considération, le ratio de solvabilité de l’AFD s’établirait à environ 25%. Doté de 622 millions d’euros, le compte de réserve est « destiné à alimenter les provisions que l’AFD aurait à constituer en cas de défaillance d’un emprunteur souverain, servir les intérêts normaux impayés et, plus généralement, contribuer à l’indemnisation de l’AFD en cas d’annulation de créances au titre des prêts souverains ».
[7] La banque allemande de développement (KfW) est l’équivalent de l’AFD et de la CDC réunies. Créée à l’origine pour financer la reconstruction de l’économie allemande après la seconde guerre mondiale, elle mène une activité domestique très importante. La taille de son activité internationale est comparable à celle de l’AFD. Elle est soumise au contrôle du régulateur prudentiel allemand. L’Allemagne dispose également d’une agence chargée de la coopération technique, la GiZ.