Le 4 décembre, je suis intervenu dans le débat en séance publique sur le budget 2018 de l’aide publique au développement (APD).
Après une baisse continue entre 2010 et 2015, les moyens financiers consacrés à l’APD sont en hausse depuis 2016. Ces moyens comprennent notamment les crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » ainsi que les ressources extra-budgétaires issues de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA). Ces dernières représentent une part de plus en plus importante des moyens financiers consacrés à l’APD (27,8% en 2017, contre 22,8% en 2016 et 11,7% en 2015).
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une augmentation du budget de la mission « Aide publique au développement » (2,7 milliards d’euros, contre 2,6 milliards d’euros en 2017). Cette dernière comprend deux programmes. Le programme 110 (« Aide économique et financière au développement ») vise, d’une part, à « faire valoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et fonds multilatéraux » et, d’autre part, à « assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l’aide au développement ». Quant au programme 209 (« Solidarité à l’égard des pays en développement »), il poursuit trois objectifs : « lutte contre la pauvreté et réduire les inégalités », « promouvoir l’Agenda du développement durable » et « renforcer les partenariats, mettre en œuvre les partenariats différenciés et promouvoir nos priorités géographiques ».
Les crédits budgétaires de la mission « Aide publique au développement » et les ressources extra-budgétaires (1 milliard d’euros) représentent un peu plus d’un tiers des sommes que la France consacre à l’APD. En effet, si l’on tient compte des autres ressources financières allouées aux pays en développement (prêts bilatéraux de l’AFD, prêts de la direction générale du Trésor, prêts à des institutions multilatérales de développement, annulations de dettes, coopération décentralisée, dépenses en faveur des réfugiés, etc.), le montant total de l’APD française devrait s’élever à environ 10,3 milliards d’euros en 2018, soit 0,43% du revenu national brut (RNB).
L’an dernier, notre pays occupait la 5ème place parmi les pays donateurs en volume, mais seulement la 12ème place en pourcentage du RNB (0,38%), loin derrière les six pays de l’OCDE qui respectent déjà l’objectif d’une APD représentant au moins 0,7% du RNB, à savoir la Norvège (1,11%), le Luxembourg (1%), la Suède (0,94%), le Danemark (0,75%), l’Allemagne (0,70%) et le Royaume-Uni (0,70%).
Afin que la France rattrape son retard, le Président de la République a pris l’engagement d’atteindre 0,55% du RNB d’ici à 2022, soit 6 milliards d’euros supplémentaires.
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo et le compte rendu de mon intervention.
Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, à l’occasion de son déplacement à Ouagadougou, le Président de la République a réaffirmé son « engagement d’avoir une France au rendez-vous du défi du développement ». Pour être à ce rendez-vous, la France va devoir déployer de nombreux efforts, comme cela a déjà été souligné par plusieurs des orateurs précédents.
La France aime se donner en exemple moral universel. C’est bien, mais dans la réalité, notre aide au développement ne fait que décroître depuis quinze, pour atteindre à peu près la moitié de l’objectif fixé aux Nations unies. Nous sommes bien loin derrière la République fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni, pour ne citer que ces deux pays. L’effort à faire est donc considérable.
Le chef de l’État a pris l’engagement que l’aide publique au développement atteindrait 0,55 % du RNB d’ici à 2022, soit 6 milliards d’euros supplémentaires. Cet objectif est ambitieux, mais nous devrions pouvoir l’atteindre.
Le Président de la République a également souhaité que la réalisation de cette trajectoire budgétaire s’accompagne d’une nouvelle philosophie.
Dans son discours de Ouagadougou, le Président de la République a déclaré vouloir franchir une « nouvelle étape » consistant, pour la France, à se mettre « en situation d’agréger l’aide multilatérale, l’aide d’autres puissances européennes, pour être plus efficace » et « poursuivre les projets dont les Africains ont besoin ».
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur les contours de cette proposition innovante ?
Par ailleurs, le chef de l’État a indiqué vouloir renforcer l’évaluation de l’APD afin que cette dernière réponde davantage aux besoins du terrain.
Il faut aussi se féliciter de la concentration de notre APD sur l’Afrique et sur les pays les moins avancés. À cet égard, des propositions intéressantes ont été formulées par le Président de la République, qu’il s’agisse du soutien prioritaire aux programmes visant à la scolarisation des jeunes filles – on connaît toute l’importance de ce travail dans les pays africains et ailleurs – ou du soutien aux PME africaines, comme vient de l’évoquer le président Cambon.
Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait adopté un amendement visant à rétablir l’affectation d’une fraction de la taxe sur les transactions financières – les fameux 270 millions d’euros. Il s’agit d’une excellente initiative que nous soutiendrons.
Une partie de l’aide bilatérale française demeure liée. Elle est gérée par la direction générale du Trésor, via la Réserve pays émergents – prêts très concessionnels –, et par le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé – dons, études de faisabilité, etc. La mise en œuvre de ces financements est assurée par Natixis, qui agit au nom et pour le compte de l’État.
Comme souvent en France, notre dispositif est très dispersé. Il est difficile de s’y retrouver, de savoir qui finance quoi, de comprendre pourquoi telle aide est bilatérale et telle autre multilatérale, européenne ou non…
Il ressort de nos travaux que le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé, ou FASEP, est encore trop méconnu. Il s’agit d’un outil très utile qui permet notamment d’orienter les appels d’offres dans un sens favorable aux entreprises françaises. Dans son avis budgétaire, le député Buon Tan explique qu’ « environ deux tiers des dossiers débouchent sur un marché pour une entreprise française » si le cahier des charges a été présenté par le FASEP. Il nous faut donc mieux faire connaître ce dispositif auprès des PME françaises.
Lors du dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement, ou CICID, le 30 novembre 2016, le précédent gouvernement avait chargé l’AFD de compléter « sa gamme de produits destinés au secteur privé dans les pays bénéficiaires de l’aide française, notamment pour contribuer à la réorientation des investissements privés vers l’économie résiliente et à basse émission de gaz à effet de serre ». Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les effets de cette réorientation ?
Le précédent gouvernement avait également demandé à l’AFD de mettre en œuvre un plan d’action « migrations internationales et développement ». Cette initiative est-elle toujours d’actualité ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où les choses en sont ?
Dans leur avis budgétaire, mes collègues Jean-Pierre Vial et Marie-Françoise Perol-Dumont suggèrent un « rapprochement opérationnel plus poussé » entre l’AFD et Expertise France afin que ce dernier « apparaisse davantage comme un partenaire naturel pour les projets initiés par I’AFD ».
Pour ma part, je vais même plus loin en pensant que la fusion des deux opérateurs…
le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
Richard Yung. … permettrait de constituer un ensemble très solide, à l’instar de ce qui existe déjà dans d’autres pays.
Le groupe La République En Marche votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche– MM. Jean-Marie Bockel et Robert del Picchia applaudissent également.)