Le 17 janvier, j’ai participé, dans le cadre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l’audition du directeur général de Business France, Christophe Lecourtier, sur l’évolution des politiques publiques de promotion des exportations et de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers.
Le 10 novembre dernier, M. Lecourtier a remis au ministre de l’Europe et des affaires étrangères un rapport intitulé « Une ambition nouvelle pour l’équipe France à l’international ».
Partant du constat que les mauvaises performances françaises à l’export trouvent notamment leur origine dans les carences du dispositif public d’appui au développement international des entreprises (manque de lisibilité, problème d’efficacité, mauvaise gouvernance), M. Lecourtier souhaite co-construire « une véritable Team France Export » réunissant Business France, les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les régions et les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (CCIFE). Business France deviendrait le pivot de cette nouvelle alliance.
Convaincu que « la bataille de l’exportation commence avant tout dans les territoires », M. Lecourtier propose la mise en place, sous l’autorité des exécutifs régionaux, d’un guichet unique à l’exportation reposant sur une alliance entre Business France et les CCI. L’objectif est d’« aller voir les entreprises en faisant du porte-à-porte, établir le diagnostic de leur situation à l’export et leur offrir tous les moyens de réussir leur projet » (« plateforme régionale des solutions » ; « dispositif de coaching de proximité » ; etc.). Business France envisage de « consacrer entre 400 et 450 conseillers à cette activité ». Un projet pilote a été lancé en Normandie.
À l’étranger, M. Lecourtier propose de faire reposer le nouveau dispositif sur une alliance entre Business France et les CCIFE. Concrètement, dans certains pays (Russie, Espagne, Belgique, Singapour, etc.), Business France se désengagerait au profit de la CCIFE ou d’un autre acteur privé.
Par ailleurs, l’équipe France à l’international serait dotée d’un système d’information unique dans lequel chaque membre de l’alliance injecterait l’ensemble de ses données. Selon M. Lecourtier, « cette sorte de système nerveux [...] permettra de relier entre eux des acteurs de nature différente ».
Dans le cadre de la première phase de consultation du Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), Éric Kayser et moi avions auditionné M. Lecourtier. Nous avons repris à notre compte sa proposition de créer un guichet unique régional. Elle est actuellement soumise à consultation publique.
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo de l’audition ainsi que le compte rendu de mon intervention et de la réponse de M. LECOURTIER.
Richard Yung. - Nous avons travaillé à la préparation du projet de loi « Pacte » sur les entreprises, qui sera présenté par Bruno Le Maire, dont l’un des volets concerne le développement des PME à l’export. Pour une fois, nous avons pu travailler en coordination, nous nous sommes vus, vous nous avez donné la primeur de votre rapport et nous avons repris, pour ce qui est de la structure et de l’architecture, vos propositions, en particulier celle du guichet unique régional.
Je soutiens votre démarche d’accompagnement des PME. J’ai été frappé de constater qu’en Italie les chambres de commerce font exactement ce que vous avez décrit : ainsi, 300 à 400 conseillers élaborent avec les entreprises une stratégie et les préparent. C’est plus efficace que de passer trois jours au salon du prêt-à-porter à Shanghai.
La priorité que vous voulez accorder au territoire français et à la restructuration des actions à l’étranger implique sans doute un redéploiement de votre personnel et de vos structures. Comment abordez-vous cet aspect-là des choses ?
[...]
Christophe Lecourtier. - [...] M. Yung a évoqué le cas de l’Italie, qui est un très bon exemple. Pour ma part j’essaye précisément d’appliquer la stratégie italienne de la macchia d’olio, la tache d’huile. Vous le disiez très justement, madame Perol-Dumont, M. Fabius a le premier donné un coup de pied dans la fourmilière pour mettre fin à ces petites baronnies, y compris au sein du secteur public. C’est pourquoi il a fusionné Ubifrance et l’AFII, l’Agence française pour les investissements internationaux. Cela nous a donné une légitimité : nous avons fait le boulot dans la partie publique pour, telle une tache d’huile, nous incorporer aux autres acteurs, les CCI et les CCI de l’étranger, afin de donner naissance à une sorte de galaxie organisée. Là est notre projet. L’essentiel pour moi est de ne surtout pas prétendre la gouverner. En tant qu’opérateur de l’État, nous ne devons pas prétendre être au sommet de la pyramide. Comme le disait Pascal, le centre est partout et la circonférence nulle part.
Business France, en lien avec les CCI en France, s’efforcera d’être un pont en matière de financement avec Bpifrance. Une cinquantaine de nos collaborateurs travaillent étroitement dans les délégations régionales de Business France sur ce travail de conseil à destination d’un petit nombre d’entreprises. Il faut aller plus loin dans ce rôle de conseil des PME, dans ce rôle de référent, en les aidant à se poser toutes les questions relatives à l’export. Nous les mettrons également en contact avec Bpifrance lorsqu’elles auront besoin de financements. Il est essentiel, dans un domaine aussi complexe que l’export, d’être un trait d’union. Nous n’avons pas vocation à imposer « la » solution, car chaque acteur détient une partie de la vérité.
En matière d’exportation, les ressources humaines sont également très importantes. En France, on parle moins bien anglais que dans d’autres pays, même si la situation évolue un peu chez les jeunes. Nous faisons preuve de frilosité dès qu’il s’agit de nous projeter à l’international. À cet égard, les volontariats internationaux en entreprise, les VIE, sont une solution parmi d’autres. On en dénombre aujourd’hui 11 100, 70 000 depuis le début du dispositif. Une génération de jeunes Français a ainsi acquis une expérience internationale. À l’issue de leur VIE, 85 % de ces jeunes sont embauchés, les autres souhaitant mener une nouvelle aventure. Il est très important d’accroître le nombre de ces jeunes au cours des prochaines années et de les orienter vers des formations commerciales et vers les PME afin qu’ils puissent prendre le relais des chefs d’entreprise. Nous manquons d’une culture commerciale, contrairement à l’Allemagne. En France, le mythe de l’ingénieur perdure. Nombre de polytechniciens ont malheureusement cessé d’aller dans l’industrie et se sont tournés vers la finance.
Nous allons donc essayer d’œuvrer à la fois à l’accompagnement, au financement et à la promotion des produits de Bpifrance en matière d’exportation, et à la formation.
Monsieur Yung, nous n’allons pas augmenter nos ressources humaines. Business France est sous contrainte financière. Nous avons accepté une baisse de l’ordre de 2 % de notre dotation par an. Nous ferons donc d’une contrainte une vertu : nous serons beaucoup moins présents à l’étranger et nous allons supprimer près de 15 % de nos postes. En conséquence, nous allons construire avec les chambres de commerce une relation qui leur permettra d’exercer une mission d’accompagnement à l’étranger dans les endroits où nous nous serons retirés. Des expérimentations seront menées dans un certain nombre de pays - à Singapour, en Russie, en Espagne, en Belgique, soit des pays importants pour les entreprises. Pour ma part, j’ai toute confiance dans la qualité des équipes des chambres de commerce à l’étranger. Il est important que le service reste le même en matière de découverte de marchés et de prospection. Nous allons travailler sur cette question.