Le 9 juillet, j’ai interrogé le Gouvernement sur les tensions liées aux activités nucléaires de l’Iran.
Depuis plusieurs semaines, l’Iran mène des activités prohibées par le plan d’action global commun, signé à Vienne en 2015. Après avoir dépassé le stock autorisé d’uranium faiblement enrichi (300 kg), il a commencé à enrichir de l’uranium au-delà de la limite qui lui était imposée (3,67%).
La République islamique a également menacé de s’affranchir d’autres engagements « dans 60 jours » (reprise du projet de construction d’un réacteur nucléaire à Arak, etc.). Elle s’expose ainsi à un renvoi de la question de son programme nucléaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a le pouvoir de rétablir des sanctions.
Les mesures prises par l’Iran visent, selon Téhéran, à « sauver » l’accord de Vienne, dont les États-Unis sont sortis unilatéralement en mai 2018 avant de rétablir des sanctions qui ont « eu pour effet d’isoler presque totalement l’Iran du système financier international et de lui faire perdre la quasi-totalité de ses acheteurs de pétrole ».
L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni sont accusés de ne pas avoir tenu leurs promesses. Les autorités iraniennes jugent insuffisant le mécanisme de troc - INSTEX - que Berlin, Londres et Paris ont mis en place afin de permettre aux entreprises européennes de continuer à commercer avec l’Iran en échappant aux sanctions américaines. Elles souhaitent que ce mécanisme ne soit pas limité aux biens « humanitaires » (produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux, produits agroalimentaires) et permette « toutes les formes de transactions », y compris les transactions pétrolières. Téhéran conditionne le respect de ses obligations nucléaires à la satisfaction de ses demandes en matière commerciale.
Les ministres des affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ainsi que la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont exhorté l’Iran à cesser ses activités d’enrichissement et à se conformer « de nouveau pleinement et sans délai » à l’accord de Vienne. Ils ont également appelé « toutes les parties à agir de manière responsable en vue de contribuer à la désescalade des tensions actuelles ».
Par ailleurs, en vue de favoriser une désescalade, le Président de la République a dépêché son conseiller diplomatique à Téhéran.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention et de la réponse du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.
M. Richard Yung. Ma question concerne les tensions liées au nucléaire iranien. Depuis quelques semaines, ce dossier suscite de vives préoccupations.
Dimanche dernier, Téhéran a annoncé avoir commencé à enrichir son uranium au-delà du seuil fixé par l’accord de Vienne. C’est la deuxième violation de cet accord par l’Iran. Les autorités iraniennes cherchent ainsi à adresser un message aux parties à l’accord de 2015, en particulier aux États-Unis. Je le rappelle, cet accord prévoit que l’Iran ne se dotera pas de l’arme nucléaire en échange de la levée des sanctions politiques et économiques.
Téhéran menace de prendre d’autres mesures si Paris, Londres et Berlin se comportent « de manière étrange ». D’une certaine façon, ces pays européens sont pris en otage par les positions extrêmes des États-Unis et de l’Iran. Cette crise est la conséquence directe du retrait unilatéral des États-Unis de l’accord de Vienne, effectif depuis 2018, et du rétablissement des sanctions économiques américaines, sans doute dans l’espoir de faire tomber le régime de Téhéran. L’économie iranienne est désormais en récession.
L’initiative prise par l’Iran risque de faire voler en éclat un instrument essentiel pour la sécurité de l’Europe, de la région et du monde, même si la provocation américaine en est à l’origine. Face à cette crise, la France a déployé d’importants efforts diplomatiques, ce dont nous nous réjouissons. Hier, le chef de l’État s’est entretenu avec son homologue américain. Il a également décidé de dépêcher un conseiller diplomatique à Téhéran. Celui-ci est chargé d’» assembler les éléments d’une désescalade, avec des gestes qui doivent être faits immédiatement avant le 15 juillet », soit dans moins d’une semaine. Nous saluons cette initiative.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les messages que la France doit transmettre aux autorités iraniennes…
M. le président. Il faut conclure !
M. Richard Yung. … en vue de favoriser au plus vite cette « désescalade » ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marie Bockel et Mme Sophie Joissains applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Yung, les faits que vous avez évoqués ont été constatés aujourd’hui par l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’Iran a rompu à deux reprises les accords de Vienne, à la fois par l’augmentation du stockage d’uranium faiblement enrichi, limité à 300 kilos, ainsi que par l’augmentation du taux d’enrichissement de l’uranium, au-delà de 3,67 %.
Si ces dépassements, constatés par l’AIEA, sont légers, ils entérinent néanmoins une rupture. Avec mon collègue britannique, Jeremy Hunt, et mon collègue allemand, Heiko Maas, nous avons publié tout à l’heure un communiqué sur ce point.
La situation, mesdames, messieurs les sénateurs, est très préoccupante. C’est une mauvaise réaction iranienne à une mauvaise décision américaine, celle de se retirer du JCPoA, soit l’accord de Vienne, et celle d’avoir remis en place des sanctions et, surtout, de leur avoir donné une dimension extraterritoriale en y intégrant de nombreux partenaires commerciaux de l’Iran.
Face à une telle situation, que faut-il faire ? Il convient de tout mettre en œuvre pour créer un espace de dialogue. C’est la raison pour laquelle le Président de la République s’est entretenu samedi avec le Président Rohani et hier avec le Président Trump. En effet, cet espace de dialogue peut être proposé par les signataires, dont nous sommes, mais aussi par les Américains, bien qu’ils ne soient plus signataires – ils peuvent faire les gestes d’apaisement nécessaires. La mission du conseiller diplomatique que le Président de la République vient d’envoyer à Téhéran est bien d’essayer d’ouvrir un espace de discussion,…
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … afin d’éviter une escalade non contrôlée, voire un accident. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)