Le 12 décembre, je suis intervenu dans un débat sur la situation et le rôle de l’OTAN et sur la place de la France en son sein.
Organisé à l’initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), ce débat a notamment été l’occasion de dresser un bilan du sommet de Londres, qui s’est tenu les 3 et 4 décembre derniers.
Ce sommet ne restera pas dans les annales. Cependant, il a permis d’ouvrir la voie à la clarification stratégique demandée par le Président de la République.
Les dirigeants des pays membres de l’Alliance atlantique ont en effet invité le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à lancer un « processus de réflexion prospective » visant à renforcer la dimension politique de l’OTAN.
Au regard de « l’évolution profonde du contexte stratégique, 70 ans après la création de l’Alliance et 30 ans après la chute du mur de Berlin », le Président de la République souhaite que des « réponses collectives » soient apportées à trois questions fondamentales : Comment assurer la paix et la stabilité en Europe ? Qui est notre ennemi commun ? Quels sont les droits et les devoirs des alliés les uns avec les autres ?
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République avait souhaité que le sommet de Londres soit l’occasion d’une discussion stratégique sur le sens profond de l’Alliance atlantique, sur ses objectifs présents et futurs et sur une définition des risques.
Nous ne pensons plus, aujourd’hui, que les missiles nucléaires sont pointés vers nous ou que les chars soviétiques menacent directement nos pays – encore que… Les menaces sont maintenant différentes, ce qui est normal soixante-dix ans après la création de l’Alliance : cyber-attaques, potentiellement très déstabilisatrices, menaces dans l’espace…
À cela s’ajoutent un certain éloignement des États-Unis et de leur président, qui se traduit par un recul à la fois budgétaire et, plus important encore, politique, ainsi que les choix problématiques de certains États membres, comme la Turquie.
Le sommet de Londres a permis, me semble-t-il, une prise de conscience et de responsabilités par les Européens. Des progrès ont été réalisés en matière de répartition budgétaire au sein de l’OTAN, mais les pays européens, cela a déjà été souligné, doivent surtout travailler à développer une défense européenne, laquelle n’est pas incompatible – mon avis sur ce point diffère de celui de mon ami André Vallini – avec une participation à l’OTAN. Les piliers européen et américain de l’Alliance doivent s’équilibrer. Le président des États-Unis devrait se réjouir d’un tel partage, car il répond à sa demande, y compris sur le plan financier, mais cela ne semble pas être le cas...
En ce qui concerne la Russie, je fais partie de ceux qui croient nécessaire de relancer le débat. « De l’audace, de l’audace, de l’audace », disait le Président de la République à propos de la Russie lors de la conférence des ambassadeurs. Je soutiens cette position, mais nous ne sommes pas des enfants de Marie : nous gardons bien en tête l’ingérence en Ukraine, le rapt de la Crimée, les cyber-attaques de plus en plus sournoises, étendues et vicieuses, le développement inquiétant de technologies militaires, un certain nombre d’homicides perpétrés dans nos pays, ou même l’affaire Jeanne Calment, dont on a prétendu, je ne sais pour quelle raison, qu’elle n’avait pas été la doyenne de l’humanité... (Sourires.)
La situation au Sahel est un élément crucial de notre sécurité collective. La France n’est pas la seule concernée. Si j’ai bien compris, un sommet « Barkhane » se réunira le 16 décembre prochain, à Pau, avec les dirigeants des pays du G5 Sahel. C’est une excellente nouvelle : les chefs d’État africains doivent confirmer que ce sont bien eux qui nous demandent d’intervenir. C’est bien le président du Mali qui a appelé le Président de la République dans la nuit pour demander notre aide, parce que les terroristes étaient à Mopti, à 150 kilomètres de Bamako.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Il faut le rappeler !
M. Richard Yung. Tous les autres chefs d’État de la région ont approuvé notre intervention. Or certains mouvements d’opinion anti-Français, plus ou moins importants, se développent ici et là. Nos soldats présents sur place ont besoin de se sentir soutenus. Ce sommet avec les dirigeants des pays du G5 Sahel sera l’occasion de remettre les pendules à l’heure.
Le Mali et le Burkina Faso, en particulier, doivent également faire les efforts nécessaires pour structurer leurs forces armées. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas, et l’on pourrait dire des choses assez dures sur ce point. Il incombe à ces pays de se prendre en main sur le plan militaire.
Pour l’heure, nous sommes impliqués dans une opération militaire, mais tout le monde sait que la solution sera politique. Or on ne constate guère de progrès dans la recherche d’accords de paix – par exemple au Mali avec l’Azawad. Sur ce plan-là aussi, les pays concernés doivent se prendre en main. (MM. Alain Richard et Jean-Marie Bockel applaudissent.)