Dans le prolongement de l'adoption, par le Sénat, d'une résolution et d'un avis politique relatifs aux enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d’un enlèvement commis par leur parent japonais, le président du groupe La République En Marche, François PATRIAT, et moi avons adressé une lettre au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep BORRELL.
Monsieur le Haut représentant,
Nous souhaitons attirer votre attention sur la situation des enfants euro-japonais privés de tout lien avec leur parent européen.
Ces enfants ont fait l’objet d’un enlèvement international commis par leur parent japonais ou d’un enlèvement parental à l’intérieur du Japon. Dans les deux cas, ils ont subi un véritable traumatisme et se retrouvent privés d'une part essentielle de leur identité. De nombreux citoyens européens voient ainsi leurs droits parentaux bafoués. Ils sont dans un désarroi absolu. Chaque fois que ces derniers tentent d'entrer en contact avec leur(s) enfant(s), ils courent le risque d'être placés en garde à vue par la police japonaise pendant au moins 23 jours.
Ces situations dramatiques découlent principalement de l’application de la législation nippone en matière de droit de la famille. En effet, le droit japonais ne reconnaît ni le partage de l’autorité parentale, ni la garde alternée. De plus, les juges appliquent le principe non écrit de « continuité », qui les conduit à attribuer systématiquement l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur. Par ailleurs, l’exercice du droit de visite dépend du bon vouloir du parent auquel a été attribuée la garde de l’enfant.
Les situations vécues par les enfants euro-japonais au centre d’un conflit parental sont d’autant plus inacceptables que le Japon est signataire de deux conventions internationales faisant prévaloir l’intérêt de l’enfant sur les autres intérêts – la convention de New York relative aux droits de l’enfant et la convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant.
Les manquements du Japon à ses obligations conventionnelles ont notamment été pointés par le Département d’État américain, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies ainsi que plusieurs chefs d’État ou de gouvernement européens, dont le président français et le premier ministre italien. Ce sujet de préoccupation fait par ailleurs l'objet d'une attention particulière de la part des ambassadeurs des États membres de l'UE représentés au Japon, qui ont à plusieurs reprises signalé au gouvernement nippon « l'importance de l'exécution des décisions des tribunaux japonais ». Nous savons enfin que la cheffe de la délégation de l'UE au Japon, Patricia FLOR, évoque régulièrement le problème des enlèvements d’enfants avec ses interlocuteurs nippons.
Il convient de soutenir les actions menées par nos diplomates européens. À cette fin, le Sénat français a récemment adopté, à l’initiative de notre groupe politique La République En Marche, une résolution européenne transmise au gouvernement français. Son principal objectif est de faire en sorte que le Conseil prenne rapidement position sur la question des enfants euro-japonais privés de tout lien avec leur parent européen et adopte une décision concernant la déclaration d’acceptation par les États membres, dans l’intérêt de l’UE, de l’adhésion du Japon à la convention de La Haye.
Le Sénat français a par ailleurs transmis un avis politique à la présidente de la Commission européenne. Une copie de ce document a été adressée, pour information, au président du Parlement européen. Notre assemblée invite la Commission à :
- réaliser un recensement exhaustif des cas d’enfants euro-japonais privés de tout contact avec leur parent non japonais ;
- évaluer la mise en œuvre de la convention de La Haye par le Japon ;
- inscrire la question des enfants euro-japonais victimes d’un enlèvement parental à l’ordre du jour de la prochaine réunion du comité mixte institué par l’accord de partenariat stratégique UE-Japon ;
- encourager les États membres à renforcer les mesures nationales visant à prévenir l’enlèvement des enfants euro-japonais résidant sur le territoire de l’UE ;
- insérer, dans le programme de l’UE en matière de droits de l’enfant, un volet consacré à l’enlèvement international d’enfants, assorti d’une liste de mesures concrètes devant être mises en œuvre par l’UE dans le cadre de son action extérieure ;
- établir une liste européenne des pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye ;
- axer le prochain forum européen sur les droits de l’enfant sur le thème de l’enlèvement international d’enfants.
Dans le prolongement des initiatives susmentionnées, Richard YUNG s'est rendu au Parlement européen le 21 janvier dernier. Il s'est notamment entretenu avec la coordinatrice pour les droits de l’enfant, Ewa KOPACZ, qui lui a fait part de son intention d’adresser très prochainement une lettre à votre collègue chargée de la démocratie et de la démographie, Dubravka ŠUICA, en vue d’attirer l’attention de cette dernière sur la situation des enfants euro-japonais enlevés par leur parent japonais. Mme KOPACZ a également informé le sénateur de l’examen par la commission des pétitions du Parlement européen, le 19 février prochain, de pétitions relatives aux enfants victimes d'un enlèvement commis par leur parent japonais.
Nous formons le vœu que la Commission européenne prête la plus grande attention aux préoccupations exprimées par les parlementaires nationaux et européens. Nous formons également le vœu que vous évoquiez ce douloureux sujet avec vos interlocuteurs japonais. Il y va de la défense des droits fondamentaux des enfants euro-japonais au centre d'un conflit parental.
Vous remerciant d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à la présente lettre, nous vous prions de croire, monsieur le Haut représentant, à l’expression de notre haute considération.
François PATRIAT Richard YUNG