Le 30 janvier, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation de deux conventions franco-burkinabè, à savoir la convention d’entraide judiciaire en matière pénale et la convention d’extradition.
Signées le 24 avril 2018, ces conventions « ont pour objectif de moderniser le cadre juridique obsolète de la coopération judiciaire en matière pénale entre la France et le Burkina Faso ».
En signant la convention d’extradition, la France et le Burkina Faso ont pris l’engagement de principe de se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l’un des deux États, sont poursuivies pour une infraction pénale ou recherchées aux fins d’exécuter une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de l’autre État à la suite d’une infraction pénale.
Quant à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale, elle stipule que la France et le Burkina Faso « s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible afin de faciliter la collecte d’éléments de preuve dans le cadre de procédures pénales transnationales, en particulier en recourant aux techniques modernes d’enquête » (opérations d'infiltration, interceptions de télécommunications, livraisons surveillées, etc.).
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces deux conventions d’entraide judiciaire et d’extradition visent à promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui est l’enjeu principal de nos relations avec le Burkina Faso. Ce pays est régulièrement la cible d’attaques terroristes. Je pense notamment à l’attaque de l’ambassade de France, événement très grave survenu en 2018.
Lundi dernier, trente-six civils ont été assassinés au marché de Nagraogo. Cette attaque n’est que la énième d’une longue liste d’attentats. L’assaut a eu lieu alors même que le Parlement burkinabé était en train d’adopter une loi permettant le recrutement de volontaires locaux dans la lutte antidjihadiste, des « milices » – au sens noble du terme – d’autodéfense en quelque sorte. La totalité de la communauté française au Burkina Faso vit en conséquence totalement enfermée à l’intérieur de Ouagadougou, ce qui révèle une grande faiblesse.
C’est dans ce contexte de crise que ces conventions sont signées, d’une part, pour réaffirmer tout notre soutien et notre implication dans la lutte contre le terrorisme et, d’autre part, pour permettre une meilleure coordination et une meilleure coopération judiciaire pénale. En effet, c’est en adoptant une politique d’entraide forte entre nos deux pays que nous réussirons à pallier les failles du système judiciaire actuel, qui profitent aujourd’hui aux terroristes.
Il s’agit, en particulier, de lutter contre le financement du terrorisme, qui est la matrice de tout problème. Nous savons bien que le trafic de drogue, le trafic de cigarettes et le trafic d’êtres humains passent par le Burkina Faso : les trafiquants remontent du nord à partir de la Guinée et aboutissent dans ce grand supermarché qu’est devenu le Sahara grâce aux tribus touareg.
La convention est très précise sur les conditions d’extradition. Ainsi, le secret bancaire ne pourra être invoqué, et il sera possible d’obtenir des renseignements sur les comptes détenus dans une banque située sur le territoire de la partie requise par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale.
La France apporte un soutien capital au Burkina Faso dans ses efforts de démocratisation depuis l’élection du Président Kaboré en 2015. Elle est d’ailleurs son premier partenaire bilatéral avec plus de 100 millions d’euros par an. Bien qu’insuffisante, cette aide est nécessaire. En effet, la crise humanitaire que traverse le pays est sans précédent. L’accès aux services d’eau et d’assainissement est limité. De plus, près de 300 000 enfants se trouvent privés d’éducation et une partie d’entre eux souffrent de malnutrition. La situation sécuritaire se dégrade aussi de jour en jour.
Je profite de l’occasion pour saluer l’engagement et le sacrifice de nos soldats. J’en profite aussi pour souligner que l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est que l’armée burkinabée n’est pas à la hauteur de sa tâche. Cela fait soixante ans que nous formons des soldats dans ce pays. Or ces derniers n’ont pas beaucoup progressé.
Depuis 2018, l’état d’urgence est permanent dans quatorze provinces du pays. Malgré les pouvoirs conférés aux forces burkinabées, il leur est difficile d’enrayer les attaques djihadistes. Le terrorisme s’étend sur des zones de plus en plus vastes, tandis que des milliers de personnes fuient les localités ciblées. Pour l’essentiel, il s’agit du nord-est du pays, la zone des trois frontières du Niger, du Burkina Faso et du Mali. C’est là que se réfugient cinq ou six groupes terroristes, structurés différemment, avec des allégeances religieuses et politiques elles aussi diverses.
Cette situation sécuritaire est donc au cœur de toutes les préoccupations françaises et européennes. L’Union européenne a d’ailleurs annoncé en décembre conforter son soutien matériel à la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso. On espère d’ailleurs que l’effort profitera bien à cet État et non aux groupes terroristes, comme cela arrive malheureusement trop souvent.
Les conventions d’entraide judiciaire et d’extradition s’inscrivent dans les coopérations en cours – en marche – en matière de sécurité régionale et de lutte contre le terrorisme, notamment la coopération entamée en 1961 au moment de l’indépendance. La convention d’extradition respecte les règles classiques du droit de l’extradition et est conforme aux droits français et européen. Pour ces raisons, notre groupe soutient entièrement la ratification de ces deux conventions. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et UC.)