Le 15 avril, je suis intervenu dans la discussion d’une proposition de résolution invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA.
Présenté par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), ce texte non contraignant a été adopté par 309 voix pour, 0 voix contre et 35 abstentions. Mon groupe - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) - et le groupe Les Indépendants - République et Territoires (LIRT) se sont abstenus.
Signé le 30 octobre 2016, l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, plus connu sous son acronyme anglais CETA, est partiellement entré en vigueur en septembre 2017. Il a été ratifié par quinze États membres de l’UE (Autriche, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suède). La France et onze autres États membres ne l’ont pas encore ratifié.
L’Assemblée nationale a autorisé sa ratification le 23 juillet 2019. En revanche, le Sénat ne s’est pas encore prononcé, le Président de la République considérant qu’il est nécessaire de continuer à évaluer le CETA, notamment au regard de son impact sur le plan climatique.
Le 29 juin 2020, à l’occasion de son intervention devant les membres de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron a déclaré : « si l’évaluation montre qu’il n’est pas conforme avec la trajectoire de l’accord de Paris, je serai le premier à proposer qu’on l’abandonne ».
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention et de celle du ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord indiquer que la demande formulée par le groupe CRCE est légitime, même si je sens que, derrière cela, se cache un autre débat, qui porte non pas sur la procédure de ratification mais sur le texte même du CETA.
M. Patrick Kanner. Il y a une logique !
M. Richard Yung. Il y a peut-être une logique, mais nous débattons aujourd’hui d’une proposition de résolution demandant l’inscription du texte à l’ordre du jour, nous ne nous discutons pas du contenu même du CETA,…
M. Laurent Duplomb. C’est une mise en bouche !
M. Richard Yung. … même s’il faudra dire un certain nombre de choses à son sujet. Cela s’appelle « avancer masqué », comme disait Descartes.
Cela fait quatre ans et demi que l’accord a été signé avec le Canada. Ce traité a été approuvé par le Parlement européen en 2017 et ratifié par le Sénat canadien la même année. Par ailleurs, vous l’avez rappelé à juste titre, l’Assemblée nationale en a autorisé la ratification, il y a deux ans.
M. Rachid Temal. Ils ont de la chance !
M. Richard Yung. Je veux rappeler que le cas du CETA n’est pas isolé. Ainsi, jusqu’à il y a deux heures, l’accord de partenariat stratégique avec le Japon n’avait pas été inscrit à l’ordre du jour des assemblées pendant trois ans et demi. De même, l’accord entre la France et l’Australie, qui a été signé voilà quatre ans, n’est toujours pas ratifié. En réalité, la liste de textes qui ne sont pas inscrits à l’ordre du jour est longue.
M. Patrick Kanner. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes !
M. Richard Yung. Au reste, la France n’est pas le seul État membre qui ne se soit pas prononcé sur le CETA. M. Temal nous a dressé la liste des pays qui l’avaient ratifié. Je l’en remercie, mais, si onze États l’ont ratifié, cela signifie que seize ne l’ont pas fait ! L’Allemagne n’a même pas commencé la procédure de ratification.
M. Patrick Kanner. Vive les mauvais élèves !
M. Richard Yung. Sur le fond, le Sénat dispose de nombreux éléments d’informations pour se prononcer de façon éclairée.
M. Rachid Temal. Ah ?
M. Richard Yung. L’étude d’impact qui a été annexée au projet de loi de ratification est très complète. Elle fait référence au rapport de la commission Schubert, relatif à l’impact du CETA sur l’environnement, le climat et la santé, ainsi qu’au rapport d’étude du Cepii sur les aspects macroéconomiques.
Parmi les autres documents, on peut citer la décision du Conseil constitutionnel déclarant le CETA conforme à la Constitution et la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, que notre collègue Colette Mélot a citée.
Dans la lettre qu’elle a adressée aux sénateurs le 5 mars 2020, l’ambassadrice du Canada en France revient sur les dispositions de l’accord et rappelle que « les agriculteurs canadiens doivent se conformer aux normes du marché importateur, en l’occurrence celui de l’Union européenne ». Cependant, le flux d’importation de viande bovine entre le Canada et l’Union européenne est très faible. Ce n’est pas un cas de force majeure.
M. Yves Bouloux. Heureusement !
M. Richard Yung. Le Canada a ouvert ses marchés publics dans les secteurs où l’expertise française est reconnue. Les effets positifs de la mise en œuvre du CETA militent en faveur de la poursuite du processus de ratification.
L’excédent commercial européen s’est accru : il s’est élevé à 17,6 milliards d’euros en 2019, contre 15,7 milliards d’euros en 2018. L’excédent commercial de la France est quant à lui passé de 26 millions d’euros en 2017 à 650 millions d’euros en 2019. Autrement dit, il a été multiplié par trente ! Le CETA a donc des effets absolument indiscutables.
M. Pierre Laurent. Alors, soumettez-le à ratification !
M. Richard Yung. En dépit de ces bons résultats, il est nécessaire de résoudre les problèmes d’exécution et d’interprétation de l’accord. Parmi les problèmes qui demeurent figurent les modalités d’octroi des contingents d’accès au marché canadien des fromages, lequel est important pour la France, l’accès au marché des vins et spiritueux au Canada, lui aussi important pour la France, et la protection effective des indications géographiques de tous nos produits.
Il est par ailleurs nécessaire de poursuivre l’évaluation du CETA au regard de l’accord de Paris. Le Président de la République s’est engagé : il a déclaré n’avoir « aucun tabou » et être prêt à abandonner le CETA « si l’évaluation montre qu’il n’est pas conforme à la trajectoire de l’accord de Paris ».
Pour toutes ces raisons, mon groupe s’abstiendra sur la proposition de résolution.
[...]
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jean-Yves Le Drian est en Inde.
M. Rachid Temal. Attention au covid !
M. Franck Riester, ministre délégué. En tant que ministre du commerce extérieur, ma présence me semble suffisamment légitime pour représenter le Gouvernement et évoquer cette question commerciale importante.
J’ai écouté avec attention chacune de vos interventions. Elles soulèvent des questions importantes sur le CETA, et je vous remercie de me donner l’opportunité d’y répondre. Je suis bien évidemment en permanence à la disposition du Sénat pour discuter, échanger et partager les informations du Gouvernement sur cet accord dans le cadre d’auditions ou de réunions ad hoc – je le fais également lors des réunions du comité de suivi de la politique commerciale, dont font partie les sénateurs Yung, Marie et Cadic. Je suis toujours à l’écoute du Parlement en général et du Sénat en particulier.
J’ai été un peu étonné des prises de position de certains sénateurs socialistes, cet accord ayant été signé en octobre 2016, sous le quinquennat de François Hollande.
M. Rachid Temal. Démagogie !
M. Franck Riester, ministre délégué. De même, l’opposition de fond de certains sénateurs Les Républicains à cet accord me semble en contradiction avec l’ADN économique de cette grande famille politique de la droite républicaine.
Pour autant, je souhaite absolument prendre le temps nécessaire pour vous convaincre de la pertinence de la procédure suivie par le Gouvernement et de l’importance que revêtent les accords commerciaux pour l’économie de notre pays.
Je rappelle que nous avions obtenu, voilà trois ans, une renégociation extrêmement significative avant d’apposer notre signature, sous la précédente mandature. Nous avons encore perfectionné cet accord dès les premiers jours de la présidence d’Emmanuel Macron, en lançant le processus qui a abouti au plan d’action CETA.
Je voudrais tout d’abord revenir sur ce processus de ratification. Comme vous l’avez souligné, le CETA est un accord mixte dont la majorité des dispositions relève de la compétence exclusive de l’Union européenne. Il en comprend d’autres qui relèvent d’une compétence européenne, mais exercée de manière partagée entre l’Union et ses États membres. Certaines dispositions consacrées à la protection des investissements relèvent de cette compétence dite mixte.
C’est donc ce premier volet qui justifie la ratification par les parlements des vingt-sept États membres, dont la France, conformément aux articles 52 et 53 de la Constitution. Comme vous le savez, le projet de loi autorisant le Gouvernement à ratifier l’accord a été approuvé par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019. Le Sénat sera bien évidemment amené à se prononcer sur ce projet de loi.
MM. Fabien Gay et Didier Marie. Quand ?
M. Franck Riester, ministre délégué. En ce qui concerne l’état d’avancement du processus de ratification dans les États membres, regardons où en sont nos partenaires : à l’heure actuelle, quinze États ont ratifié le CETA et douze ne l’ont pas encore fait, dont la France, puisque le processus n’est pas arrivé à son terme.
M. Rachid Temal. C’est pour quand ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Nous ne sommes donc pas en retard. Certains États membres, comme l’Allemagne, n’ont pas même encore saisi leur parlement.
M. Rachid Temal. Et alors ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Vous voyez donc, monsieur le sénateur Gay, qu’il n’y a pas du tout de déni démocratique,…
M. Fabien Gay. Ça fait un an que nous attendons !
M. Franck Riester, ministre délégué. … mais un respect scrupuleux du cadre de ratification des accords commerciaux entre l’Union et les pays tiers.
M. Laurent Duplomb. Ça, c’est de la blague !
M. Franck Riester, ministre délégué. Donc, je vous en prie, pas de leçons de démocratie. Le temps de légiférer viendra, et le Sénat débattra.
Comme vous l’avez également souligné, l’accord est appliqué partiellement et à titre provisoire depuis septembre 2017. Cette application provisoire ne remet pas en cause les compétences du Parlement ni la légitimité démocratique de cet accord, et ce pour trois raisons : d’abord, l’application à titre provisoire ne concerne que les dispositions qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union ; ensuite, le Conseil constitutionnel a confirmé que l’application provisoire est conforme à notre Constitution dans sa décision du 31 juillet 2017 ; enfin, l’application provisoire n’a été autorisée par le Conseil de l’Union qu’à la suite de l’approbation de l’accord par le Parlement européen, le 15 février 2017. Ce régime d’application provisoire est donc prévu par le droit international.
M. Fabien Gay. Un an !
M. Franck Riester, ministre délégué. L’application provisoire du CETA nous permet également de suivre très précisément les effets économiques, sanitaires, environnementaux et climatiques de l’accord, conformément au plan d’action mis en place par le Gouvernement dès 2017 et dont nous rendons compte au Parlement de manière régulière. Là encore, une nouvelle fois, je suis à la disposition du Sénat.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, comme l’a très bien démontré M. Cadic voilà quelques instants, nous avons besoin de libre-échange. Nous avons besoin d’accords et d’échanges commerciaux pour notre économie.
M. Laurent Duplomb. Mais pas de naïveté, surtout quand ça tue notre économie !
M. Franck Riester, ministre délégué. Dans un moment comme celui que nous traversons, alors que nous devons relancer notre économie, nous allons avoir plus que jamais besoin d’échanger, d’exporter nos productions fabriquées en France. Il est donc très important de regarder la réalité économique de cet accord.
Mme Éliane Assassi. Pourrait-on seulement en débattre ?
M. Franck Riester, ministre délégué. M. Cadic a cité quelques chiffres, je vais vous en donner d’autres, car le premier bilan de cet accord avec le Canada est très positif. (M. Laurent Duplomb en doute.)
Je sais que, parfois, les faits vous dérangent, que la réalité économique vous dérange, mais cet accord s’est bien révélé positif depuis sa mise en œuvre.
Mme Éliane Assassi et M. Fabien Gay. Pourra-t-on en débattre ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Sur le plan économique, entre 2016 et 2019, nos échanges de biens avec le Canada ont augmenté de près de 1 milliard d’euros, avec une hausse de 24 % de nos exportations et une balance commerciale positive pour la France d’un montant record de 650 millions d’euros en 2019. En 2018, notre excédent commercial de biens était de 341 millions d’euros ; en 2017, avant la mise en œuvre de cet accord, nous étions à l’équilibre.
On le sait très bien, mécaniquement, lorsqu’il y a moins de tarifs douaniers et moins de quotas, il y a plus d’exportations,…
M. Laurent Duplomb. Et avec aucun contrôle, il y a plus d’importations !
M. Franck Riester, ministre délégué. … d’autant que nous avons de bons produits agricoles et industriels. Prenons l’exemple des produits agricoles, soit notre premier poste d’exportation : grâce au CETA, ce secteur bénéficie d’importantes baisses de droits de douane canadiens et certaines de nos indications géographiques sont protégées.
Et que constate-t-on ? Que nos exportations dans ce secteur ont continué de progresser, même pendant la crise sanitaire. Les Canadiens achètent bien plus nos vins et nos fromages qu’avant le CETA : 18 % de hausse pour les vins et 77 % pour le fromage – élu de Coulommiers et ancien maire de cette ville, les exportations de fromages me tiennent particulièrement à cœur.
M. Fabien Gay. Tout ça, c’est très bien, mais quand va-t-on en débattre ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Le CETA contribue à les valoriser et à mieux les protéger, notamment quand ils relèvent d’une appellation protégée. Grâce à cet accord, quarante-deux IGP françaises sont protégées au Canada.
Ainsi, en 2020, malgré les restrictions liées à la crise sanitaire, le vin demeure le premier produit exporté au Canada, à hauteur de 391 millions d’euros, au même niveau qu’en 2019.
Je soulignais l’importance de la baisse des tarifs douaniers pour faciliter le commerce :…
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas ça le problème, ce sont les contrôles !
M. Franck Riester, ministre délégué. … les surtaxes américaines de 25 % sur les vins et spiritueux français, dans le cadre du contentieux Boeing-Airbus, se sont traduites par des centaines de millions d’euros de pertes pour nos exportateurs. Soyons conscients de l’importance de ces accords commerciaux.
Nous le savons aussi, le CETA suscite des questions légitimes et des préoccupations qui méritent d’être regardées de près.
Les enjeux sanitaires sont toujours au cœur des préoccupations du Gouvernement et de son action. Je tiens donc à rappeler que seuls les produits qui respectent les normes sanitaires européennes à l’importation peuvent être exportés vers l’Union européenne et entrer sur le marché intérieur et, donc, en France. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Le CETA, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à l’instar de tous les accords commerciaux, ne remet aucunement en cause ce principe ni le niveau élevé de nos normes. Cela est vrai des farines animales comme des OGM.
M. Fabien Gay. Il n’y a aucun contrôle !
M. Franck Riester, ministre délégué. Il ne faut pas confondre accords commerciaux et normes européennes à l’entrée du marché européen.
M. Laurent Duplomb. On ne dit pas qu’il ne faut pas conclure d’accords, mais qu’il faut mettre en place des contrôles !
M. Franck Riester, ministre délégué. Nous sommes d’ailleurs très attentifs et vigilants quant à la qualité du système de contrôle canadien.
M. Laurent Duplomb. C’est faux !
M. Franck Riester, ministre délégué. Avec Julien Denormandie, nous avons interpellé la Commission européenne lorsqu’elle a publié un rapport pointant des marges de progression dans le système canadien de traçabilité de la viande bovine pour lui demander de travailler avec Ottawa à rehausser le niveau d’exigence canadien. Je suis également intervenu en personne auprès de mon homologue canadienne pour souligner l’importance de cette question.
Jusqu’à présent, aucun défaut de conformité majeure sur la qualité des produits canadiens n’a été constaté. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Évidemment, il n’y a pas de contrôle !
M. Franck Riester, ministre délégué. J’ajoute que notre action en matière de respect des normes sanitaires européennes ne se limite pas au CETA. Nous avons demandé à la Commission européenne d’y porter une attention particulière dans le cadre de la révision de la politique commerciale de l’Union. Vous pouvez compter sur ma pleine mobilisation pour continuer à défendre cette position à Bruxelles.
Par ailleurs, et d’une façon générale, je vous rappelle que la France soutient à Bruxelles la mise en place de clauses miroirs dont vous savez pertinemment qu’elles permettent d’appliquer aux produits importés les mêmes normes de production que dans l’Union européenne, lorsque cela est pertinent et scientifiquement justifié, pour atteindre nos objectifs sanitaires et environnementaux. C’est ce que nous faisons depuis longtemps en interdisant, par exemple, l’importation de produits issus d’animaux nourris aux hormones depuis 1996 ou encore en imposant à nos partenaires de respecter les règles européennes en matière d’abattage de bovins.
M. Laurent Duplomb. Ça, pour interdire, on est bon !
M. Franck Riester, ministre délégué. En janvier 2022 au plus tard, monsieur Duplomb, nous n’accepterons plus les importations dans l’Union européenne de produits issus d’animaux élevés avec des antibiotiques comme facteur de croissance pour lutter contre le phénomène mondial d’antibiorésistance.
M. Laurent Duplomb. Comment allez-vous le vérifier ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous devriez vous en réjouir.
M. Henri Cabanel. Et le glyphosate ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Je voudrais également revenir sur certaines filières agricoles sensibles pour lesquelles nous faisons un suivi régulier approfondi, à savoir les viandes de bœuf, de porc et de volaille, ainsi que l’éthanol et le sucre. À l’heure actuelle, les quantités exportées depuis le Canada vers l’Union et la France sont très faibles : 104 tonnes pour la viande de bœuf en France en 2019, dont seulement 45 tonnes ont profité des réductions tarifaires du CETA. C’est une goutte d’eau par rapport à la production française de 1,45 million de tonnes.
M. Christian Bilhac. Parlons-en !
M. Franck Riester, ministre délégué. Le CETA n’a donc pas eu, à ce jour, l’effet déstabilisateur que certains lui prédisaient,…
M. Rachid Temal. À ce jour…
M. Franck Riester, ministre délégué. … parce qu’il ne s’oppose en rien à ce que nous appliquions nos règles d’entrée sur les marchés européens et français, qui précisent que cette viande doit avoir été nourrie sans hormones.
Nous restons malgré tout vigilants : un quatrième rapport du comité ad hoc de suivi est en cours de préparation et comprendra les chiffres de 2020. Il sera bien évidemment communiqué au Parlement.
Sur le plan environnemental et climatique, l’étude d’impact réalisée par le Cepii en 2019 souligne clairement que l’impact du CETA sur les émissions de CO2 sera extrêmement limité, tant au niveau français qu’à l’échelle mondiale.
À l’inverse, le CETA a permis d’initier des coopérations nouvelles avec nos partenaires canadiens. Nous partageons des combats communs dans le cadre du partenariat bilatéral de 2018 sur la lutte contre le changement climatique. Nous travaillons notamment sur les échanges de technologies vertes, sur la réduction des émissions du transport maritime ou encore sur la finance verte.
J’entends des préoccupations concernant la protection du droit à réguler. Je vais être très clair : notre droit à réguler ne sera pas remis en cause par le CETA. Une coopération réglementaire existe dans le cadre de cet accord, mais elle est de nature volontaire. Aucune décision modifiant le cadre réglementaire de l’Union ne peut y être adoptée : il s’agit d’une prérogative souveraine du législateur européen. Cette coopération ne peut donc en aucun cas conduire à des normes moins strictes en matière sanitaire, sociale ou environnementale. Elle doit au contraire permettre d’améliorer leur mise en application.
Par ailleurs, comme vous le savez, la France accorde une grande importance à la transparence des réunions du comité mixte et des sous-comités sectoriels du CETA. Ainsi, les agendas et comptes rendus des réunions sont publiés sur le site de la direction générale du commerce. En outre, la Commission consulte régulièrement les États membres, mais aussi la société civile, sur les sujets traités dans ces enceintes.
Enfin, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États du CETA, qui a été évoqué voilà quelques instants, n’a plus rien à voir avec l’ancien dispositif d’arbitrage privé Investor state dispute settlement (ISDS), qui a suscité de nombreuses critiques légitimes. Ce mécanisme a été réformé pour devenir une quasi-juridiction : l’Investment Court System (ICS). Il sera ainsi fait appel à des juges permanents, au sein d’un tribunal de première instance et d’un organe d’appel inédit, qui devront se plier à des règles éthiques strictes.
M. Fabien Gay. Voilà qui change tout…
M. Franck Riester, ministre délégué. On m’a interpellé sur ce sujet, monsieur le sénateur, j’y réponds.
Ce nouveau système garantit explicitement le droit à réguler des États. Le CETA reflète sur ce terrain les réformes ambitieuses portées par la France, qui s’inscrivent également dans le soutien apporté à la création sur le long terme d’une cour multilatéral d’investissements.
M. Laurent Duplomb. Alors, tout est parfait…
M. Franck Riester, ministre délégué. De plus, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement et à la demande de la France, l’Union européenne et le Canada ont agréé, en janvier dernier, des textes complémentaires pour garantir le droit à réguler des États, notamment dans le domaine climatique. Ce veto climatique s’appliquera à l’ensemble de nos politiques publiques en matière non seulement climatique, mais aussi sanitaire, sociale ou culturelle, par exemple.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, notre approche en matière de politique commerciale n’est pas dogmatique, mais fondée sur des faits. Les chiffres et indicateurs montrent aujourd’hui que le CETA bénéficie à nos entreprises, à nos agriculteurs, et qu’il n’a aucun impact négatif sur le plan sanitaire ou environnemental. (M. Fabien Gay s’esclaffe.)
Je souhaite également rappeler que le Gouvernement a été proactif dès les premiers jours de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord avec la mise en place du plan d’action CETA, qui visait trois objectifs : assurer une application exemplaire de l’accord ; accélérer son action contre le changement climatique ; renforcer l’ambition environnementale, sanitaire, sociale de la politique commerciale européenne.
Dans ce cadre, comme le Président de la République l’a rappelé, nous avons beaucoup travaillé ensemble – Gouvernement et Parlement – pour améliorer le suivi de cet accord et en évaluer mieux les effets.
Ce plan d’action contient également de nombreuses propositions que la France porte au niveau européen et dont plusieurs sont aujourd’hui reprises par la Commission. Une proposition sera faite par la Commission européenne pour la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin de lutter contre les fuites de carbone.
Le poste de procureur commercial européen en charge de la bonne application des règles en matière de commerce international et du respect des engagements pris par nos partenaires a été créé l’été dernier – il s’agit du français Denis Redonnet.
Dans son Pacte vert pour l’Europe, la Commission a repris la demande portée par la France de faire de l’accord de Paris une clause essentielle des futurs accords commerciaux. Nous devons bien évidemment aller encore plus loin. C’est le sens du travail que nous avons réalisé avec les Pays-Bas depuis un an, ce qui a contribué à faire bouger les lignes, et de notre contribution à la revue de la politique commerciale en cours.
Nous poursuivrons notre action pour une meilleure prise en compte du développement durable dans la politique européenne dans la perspective de notre présidence du Conseil de l’Union au premier semestre de 2022.
À cet égard, je souhaite rappeler notre mobilisation et l’action de la France concernant le projet d’accord de l’Union avec le Mercosur, que certains d’entre vous ont évoqué et que nous ne pouvons, je le répète, soutenir en l’état. Nous aurons besoin de nouvelles garanties tangibles, vérifiables et applicables vis-à-vis de l’accord et de ses conséquences sur l’environnement et le climat. À défaut, nous ne pourrons soutenir cet accord. Nous l’avons très clairement dit à nos partenaires européens.
Vous voyez que nous ne sommes pas dogmatiques en matière d’accords de libre-échange.
Pour conclure, et pour en revenir au CETA et à l’objet de cette proposition de résolution, j’indique que le projet de loi autorisant la ratification de l’accord poursuivra bien évidemment son chemin parlementaire au Sénat.
M. Rachid Temal. Ah !
M. Laurent Duplomb. La date ?
M. Franck Riester, ministre délégué. Mais ne nous précipitons pas par principe. (Rires et applaudissements ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
Comme l’a indiqué le Président de la République devant la Convention citoyenne pour le climat en juin dernier, nous continuons d’évaluer l’accord, notamment au regard de son impact sur le plan climatique.
M. Rachid Temal. Jusqu’à quand ?
M. Franck Riester, ministre délégué. À cet égard, l’année 2021 sera particulièrement cruciale avec la tenue, en fin d’année, de la COP 26. Nous attendons une ambition climatique accrue de tous les États parties à l’accord de Paris pour amplifier nos efforts de lutte contre le dérèglement climatique. (Mme Colette Mélot et M. Richard Yung applaudissent.)