La Cour des comptes s’est récemment penchée sur l’évolution des missions et de l’organisation des consulats français à l’étranger.
Dans un rapport rendu public le 30 octobre, elle soulève des interrogations quant au devenir de notre système consulaire et propose un certain nombre d’aménagements qui méritent réflexion.
La Cour des comptes nous incite à redessiner l’architecture de l’activité consulaire préalablement à toute poursuite de la réduction de la carte consulaire. On ne saurait échapper à un recentrage des missions consulaires sur les services les plus essentiels. Je conviens que cette évolution ne fera pas forcément plaisir aux Français de l’étranger dont elle va bousculer les habitudes et les privilèges. Elle me semble néanmoins inévitable, juste et utile. Inévitable dans la mesure où la logique du « toujours plus » se heurte à la finitude des ressources budgétaires. Le système actuel est saturé, à bout de souffle, faute de moyens financiers suffisants. Juste car les Français établis hors de France doivent, comme les autres, participer à l’effort de redressement du pays – d’autant plus qu’ils bénéficient aujourd’hui d’une gamme de services largement supérieure à celle offerte par les autres pays à leurs ressortissants à l’étranger. Utile puisque la redéfinition des missions consulaires permettra d’accroitre la lisibilité, l’intelligibilité, et l’efficacité de notre réseau consulaire. Voilà pourquoi plusieurs recommandations – pas toutes ! – de la Cour des comptes sont intéressantes et doivent être étudiées :
Simplifier les démarches administratives à l’étranger :
Outre la judicieuse dématérialisation des procédures administratives engagée avec la création de l’application Monconsulat.fr et qu’il faut encore développer, ne pourrait-on pas faire coïncider l’inscription au registre mondial des Français établis hors de France et l’inscription sur les listes électorales ?
Rationaliser les modalités de vote à l’étranger :
La complexité des modalités de vote à l’étranger est une aberration à corriger au plus vite. Entre le vote électronique, le vote à l’urne, le vote par correspondance, et le vote par procuration, les Français de l’étranger ne s’y retrouvent plus. La confusion est d’autant plus forte que certaines modalités de vote sont possibles pour une élection, mais pas pour une autre. De plus, la multiplication des modalités de vote n’a pas résolu le problème du taux de participation extrêmement faible qui induit un cout (de l’organisation du vote) par votant 10 fois supérieur à celui observé dans la métropole. Si l’on devait retenir seulement deux modalités de vote comme le suggère la Cour, je proposerai de conserver le vote électronique qui a rencontré un franc succès aux élections législatives et le vote par correspondance. Le vote à l’urne pourrait être supprimé. Il représente une charge de travail considérable (recherche d’un local, transport de l’urne, de l’isoloir, impression des feuilles d’émargement, etc.) alors même que peu d’électeurs en font usage. Le vote par procuration serait logiquement supprimé. Il est d’ailleurs redondant avec le vote par correspondance. En revanche, je ne soutiens pas la proposition de supprimer l’envoi par courrier aux électeurs résidant à l’étranger des professions de foi des candidats.
Par ailleurs, la Cour des comptes a raison de s’interroger sur les modalités de la participation des Français de l’étranger aux élections européennes s’agissant de ceux établis dans un pays de l’Union. Ces derniers peuvent en effet déjà voter dans leur pays de résidence. Conserver le vote au consulat pour élire les députés européens (de la région Ile-de-France) pose trois problèmes : l’augmentation de la charge de travail des postes consulaires européens, la contradiction avec l’idée de citoyenneté européenne, et la facilité accrue du double-vote.
Limiter les conditions de délivrance des CNI à l’étranger :
Chaque année, 90.000 CNI sont délivrées à l’étranger dont 40.000 dans les pays hors zone UE. Or, l’utilité de la carte d’identité dans ces pays ne va pas toujours de soi. Le passeport, désormais obligatoire pour les mineurs qui voyagent, est une pièce d’identité nécessaire et suffisante. Avec un coût unitaire évalué à 46 euros, la délivrance gratuite de la CNI dans les pays de l’UE représente selon la Cour une dépense superflue de près de 2 millions d’euros. Elle suggère donc de restreindre les conditions de cette délivrance. S’agissant des passeports, la Cour des comptes défend une revalorisation des droits de chancellerie. En réalité, cette revalorisation a déjà eu lieu dans les faits puisque le tarif appliqué est de 89 euros (comme en France métropolitaine) alors que les droits de chancellerie sont normalement limités à 69 euros par un décret datant de 1981. Cette anomalie juridique devrait bientôt être corrigée par un nouveau décret fixant le tarif des droits à percevoir dans les chancelleries diplomatiques et consulaires à 89 euros. Il convient cependant de s’interroger sur ce prix très élevé alors que l’activité de délivrance d’un passeport coute en réalité 35 euros par passeport selon la Cour.
Mettre progressivement fin à l’exercice des compétences notariales par les consulats :
Déjà supprimées depuis 2005 dans les consulats situés dans les États européens (sans que cela ne provoque de remous), les missions notariales, que les consulats français sont pratiquement les seuls au monde à exercer, pourraient être supprimées ailleurs. Je suis assez sensible aux arguments de la Cour des comptes, notamment quand elle indique qu’« il s’agit d’une activité privée qui, sous couvert de service aux usagers, fait peser non pas sur une étude privée et professionnelle, mais sur les agents de l’État, dont la spécificité n’est pas de traiter les questions notariales, la responsabilité d’établissement d’actes qui emportent des conséquences juridiques et parfois patrimoniales très importantes ».
Réduire le poids des missions exercées par les consulats pour le compte d’autres ministères :
Il ne serait pas dommageable d’alléger la formule de la « Journée Défense et Citoyenneté », en la remplaçant éventuellement par l’envoi d’une brochure d’information, quand on sait que la participation effective à ces journées, qui ne sont d’ailleurs pas organisées dans tous les pays, n’atteint pas 20%. Autre simplification appréciable proposée par la Cour des comptes : les demandes de cartes des ayants-droits du ministère de la Défense pourrait être traitées sans l’intermédiation des consulats dont la seule tâche à ce jour est de vérifier la complétude des dossiers avant de les transférer aux organismes habilités à les traiter situés en France.
Mutualiser et regrouper les structures et services consulaires :
Pour la Cour des comptes, les projets de co-localisation avec les consulats de pays européens partenaires gagneraient à être relancés car il y a là de véritables sources d’économies. L’expérimentation des postes mixtes ou à compétence multiples doit se développer, de même que la constitution de pôles régionaux consulaires. De manière générale, l’adaptabilité du réseau aux besoins locaux doit être renforcée. Dans les pays développés et notamment en Europe, la Cour s’interroge sur la réelle nécessité du maintien de consulats généraux dans les capitales politiques. Elle avance qu’une présence symbolique sans réel moyen et avec une gamme limitée de services aux ressortissants n’est pas nécessairement préférable à une centralisation des postes consulaires dotés d’une réelle capacité d’influence.
Voilà du grain à moudre pour débattre de l’organisation consulaire en vue des élections à venir.