Le 29 octobre, en notre qualité de rapporteurs spéciaux du budget, mon collègue Éric Doligé (Les Républicains) et moi-même avons présenté devant la commission des finances du Sénat notre rapport sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
En 2016, le budget global de la mission s’élèvera à 3,2 milliards d’euros, contre 2,9 milliards d’euros en 2015. Cette hausse de 8,2% s’explique, d’une part, par la prise en considération d’un effet de change négatif de l’euro par rapport au dollar et, d’autre part, par le paiement de l’essentiel des dépenses liées à la COP 21 en 2016.
Comme l’année dernière, la mission comprend un programme – « Conférence "Paris Climat 2015" » – qui rassemble les crédits consacrés à la préparation et à l’organisation de la 21ème conférence des parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochain. Doté de 139,3 millions d’euros, ce programme budgétaire provisoire s’ajoute aux trois programmes habituels de la mission, à savoir le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » (1,97 milliard d’euros), le programme « Diplomatie culturelle et d’influence » (718,8 millions d’euros) et le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » (369,9 millions d’euros).
L’année 2016 verra la poursuite de la réduction des effectifs du ministère. Conformément à la programmation triennale 2015-2017, 115 équivalents temps plein (ETP) seront supprimés, contre 220 en 2015. Ainsi, à la fin de l’exercice 2016, le ministère comptera 13.736 ETP (-15,6% par rapport à 2007), auxquels il faut ajouter les 6.939 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sous plafond employés par les opérateurs relevant du programme « Diplomatie culturelle et d’influence ». Il importe de préciser que la réduction des effectifs ne concernera pas les services des visas, qui bénéficieront de 10 ETP supplémentaires en 2016.
En hausse de 10% par rapport à 2015, les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » sont particulièrement sensibles à l’effet de change dans la mesure où la très grande majorité d’entre eux correspondent aux contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, qui sont essentiellement payées en dollars. Afin de tenir compte de la dépréciation de l’euro par rapport au dollar (1,15 dollar pour un euro), le Gouvernement a ajusté à la hausse le montant des contributions internationales (904,6 millions d’euros, contre 746,4 millions d’euros en 2015). Tout en saluant cet effort de sincérité budgétaire, je note que le ministère est actuellement confronté à un besoin de financement de l’ordre de 150 millions d’euros, le budget 2015 ayant été construit sur une hypothèse de taux de change euro/dollar de 1,36. Des ouvertures de crédits seront donc nécessaires en fin de gestion. Afin de se couvrir contre le risque de change en 2016, le ministère a procédé, via l’Agence France Trésor, à l’achat de 600 millions de dollars à terme à un taux supérieur ou égal à 1,1. M. Doligé et moi-même considérons que cet achat à terme ne constitue pas un véritable mécanisme de couverture. En effet, si le cours de l’euro s’améliore, le ministère aura perdu de l’argent ; en revanche, si l’euro continue de baisser, il aura enregistré un gain en spéculant sur la baisse de l’euro. À l’instar de son homologue allemand, le ministère devrait se doter d’un mécanisme plus réactif, qui permette d’ajuster systématiquement le montant des dotations en cours d’année, au regard du taux de change euro/dollars.
Pour ce qui concerne la gestion du patrimoine immobilier, le Quai d’Orsay continuera de se voir restituer les produits de cession des immeubles domaniaux situés à l’étranger (mécanisme dérogatoire au droit commun en vigueur jusqu’en 2017). Cependant, afin de participer à l’effort de désendettement de l’État, il devra renoncer à 100 millions d’euros de cessions, soit 75 millions de plus qu’en 2015. Je continue de douter de la pertinence de ce dispositif, qui fait peser un risque sur le financement des travaux d’entretien lourd à l’étranger et des charges résultant de la vente des biens immobiliers.
L’année prochaine, les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » diminueront de 3,9%. Cette baisse affectera principalement l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), dont la subvention s’élèvera à 394,4 millions d’euros, contre 408,2 millions d’euros en 2015 (-3,4%). Cette évolution budgétaire est préoccupante au regard de la hausse continue du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau de l’AEFE (+2% à la rentrée 2015). Afin de compenser la baisse de sa subvention, l’agence envisage notamment de prélever 21,7 millions d’euros sur les fonds de roulement d’une vingtaine d’établissements en gestion directe (EGD). Bien que justifié, ce mécanisme n’apporte malheureusement pas de réponse pérenne à la question du financement du réseau. S’agissant des personnels enseignants, il est regrettable que la priorité donnée à l’éducation nationale par le Président de la République et le Gouvernement ne s’applique toujours pas à l’enseignement français à l’étranger. Je partage l’idée selon laquelle le réseau devrait bénéficier de 1% des 60.000 postes qui doivent être créés dans l’éducation nationale d’ici à 2017.
Outre l’AEFE, les autres opérateurs verront aussi leur subvention se réduire: Institut français (-1,3%), Campus France (-4%), Atout France (2,3%). Il est aussi à noter que l’enveloppe consacrée aux bourses aux étudiants étrangers sera amputée de 3 millions d’euros.
En 2016, le budget du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » connaîtra une légère baisse par rapport à 2015 (-1,2%), qui sera concentrée sur les bourses scolaires attribuées aux élèves français du réseau AEFE. En baisse de 10 millions d’euros par rapport à 2015, les crédits d’aide à la scolarité s’établiront à 115,5 millions d’euros. Cette baisse, de même que la consommation estimée pour 2015 (102 millions d’euros), contredisent l’engagement pris lors de la réforme du système d’aide à la scolarité en 2013, qui était de parvenir à un montant global d’aide de 125 millions d’euros. Après application de la réserve de précaution, il ne restera plus qu’environ 108 millions d’euros de crédits disponibles en 2016. Le nombre de boursiers a certes augmenté (plus de 26.000 élèves, contre 25.000 en 2012). Cependant, la quotité prise en charge s’est réduite, ce qui n’est pas sans créer de réelles difficultés pour certaines familles nombreuses. Convaincus qu’un niveau d’environ 125 millions d’euros doit continuer d’être considéré comme un niveau-cible pour les aides à la scolarité, M. Doligé et moi-même avons élaboré un amendement tendant à augmenter de 5 millions d’euros le montant des bourses scolaires. Ce faisant, nous souhaitons permettre le maintien du principe d’universalité de l’accès au réseau d’enseignement français à l’étranger pour les Français. Notre amendement serait financé par le biais d’une réduction du montant de la subvention à Atout France (33,3 millions d’euros), qui serait compensée par l’attribution à cet opérateur d’une partie des recettes liées aux visas (environ 5 millions d’euros en 2016). Plus largement, nous souhaitons que le financement de l’enseignement français à l’étranger et de l’accès des élèves français à ce réseau, dont la lisibilité est faible et les conditions ont considérablement évolué ces dernières années, fasse l’objet, en 2016, d’une analyse détaillée approfondie dans le cadre d’un contrôle ou d’une mission d’inspection.
Enfin, le budget consacré aux services offerts aux Français à l’étranger s’élèvera à 204,9 millions d’euros (+2,1% par rapport à 2015), dont 15,6 millions d’euros de crédits d’aide sociale et 382.000 euros pour le financement du dispositif d’aide à l’accès à la Caisse des Français de l’étranger (« 3ème catégorie »).
Par ailleurs, mon collègue Doligé et moi-même avons présenté les conclusions de notre contrôle budgétaire sur la délivrance des visas dans les postes consulaires (voir infographie). Partant du constat que la problématique de la délivrance des visas est au croisement de plusieurs problématiques (sécurité, immigration, attractivité, tourisme, etc.), nous avons choisi de nous pencher sur ce sujet en 2015 afin d’analyser les conditions dans lesquelles l’efficacité de la procédure de délivrance des visas dans les consulats pourrait encore être améliorée, à la fois pour garantir la croissance de cette recette non fiscale et pour renforcer la place de la France en tête du tourisme mondial.
En 2014, la France a instruit 3,2 millions de demandes de visas et en a délivré 2,8 millions, dont 2,5 millions de visas de court séjour valables pour l’ensemble de l’espace Schengen. La France est le premier pays européen en termes de demandes de visas.
L’instruction des demandes de visas de court séjour par les services consulaires est une activité productive et rentable de notre administration à l’étranger. Son produit, qui est de 160 millions d’euros en 2014, peut être estimé à 250 millions d’euros en 2018 si la tendance de progression du nombre d’arrivées internationales se poursuit. Dans la mesure où l’instruction des demandes de visa représente, en termes de dépenses de personnel et de fonctionnement, environ 120 millions d’euros par an, on peut considérer que le tiers du produit de visas est un bénéfice net pour l’État.
L’exemple du consulat de Dubaï montre que le nombre de demandes de visa n’est pas un stock fini, mais un stock très élastique à la rapidité de l’instruction. Ainsi, si vous êtes capables d’être plus rapide dans la délivrance, le nombre de demandes et donc la recette augmentent durablement.
Sur la base de ce constat, nous considérons qu’il est légitime de renforcer les effectifs des consulats sur cette activité de visa dans les postes « sous tension » (Chine, Inde, pays du Golfe, etc.).
Pour financer ces moyens humains supplémentaires, nous proposons d’intéresser les consulats à la recette qu’ils produisent, en créant un système d’attribution de produits. Dans ce système, le ministère des affaires étrangères se verrait attribuer une fraction du bénéfice issu de l’augmentation de la recette de visas d’une année sur l’autre.
Ce système n’est pas inscrit dans le projet annuel de performances pour 2016, mais le ministère nous a indiqué qu’il avait recueilli l’accord de Bercy et qu’il devrait être opérationnel dès le 1er janvier 2016. Il devrait permettre au ministère de conserver une partie de la recette de visas de l’ordre de 6 millions d’euros par an. Le ministère a l’intention d’affecter 1 million d’euros au renforcement des effectifs des consulats pour des vacations et 5 millions d’euros à Atout France pour augmenter sa « force de frappe » en faveur de la promotion de la destination France. Toutefois, cette intention n’est pas indiquée dans le projet annuel de performances ni dans le budget prévisionnel de l’opérateur.
Nous considérons qu’Atout France est un opérateur utile et nécessaire de la promotion touristique. Ses missions et son statut font l’objet actuellement d’une mission d’inspection et devraient évoluer l’an prochain. Cependant, pour tenir compte de l’abondement de 5 millions d’euros non inscrit dans le bleu budgétaire, nous proposons de réduire de 5 millions d’euros la subvention à Atout France. Sur la forme, cela permet de rétablir la sincérité de la présentation du budget prévisionnel de l’opérateur dans le bleu budgétaire. Sur le fond, dans le contexte de réduction des dépenses des opérateurs, il ne nous semble pas justifié d’augmenter de près de 10 % le budget d’un opérateur avant même d’avoir posé les bases de la redéfinition de ses missions.
Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », ainsi que l’amendement relatif aux bourses scolaires, seront examinés en séance publique le mercredi 2 décembre. La version définitive de mon rapport sera disponible 48 heures avant le débat.
Pour de plus amples informations, vous pouvez lire la note de présentation en cliquant ici.