Arrivé le dimanche 4 à l’aéroport de Port Bouet, je retrouve la Côte d’Ivoire après 36 ans, puisque, jeune marié, j’y avais été coopérant à l’ENA. J’arrive donc avec un grand intérêt et une certaine nostalgie. Je suis accueilli par André Janier, notre ambassadeur et par Alain Ferré, notre consul général.
Le soir l’Ambassadeur et son épouse offrent à la résidence un dîner qui me permet de rencontrer plusieurs responsables de la communauté française et leurs conjoints : le général Clément-Bollee, commandant en chef de la force Licorne ; les conseillers à l’AFE : Mmes Rechenmann, Trah Bi, MM. Tizon, Sadet ; M. de Lesquen, conseiller de coopération, M. Fille, adjoint au conseiller économique ; M. Ferré, consul général ; les colonels Messana et Broutin, attachés de sécurité et de défense
Je passe la matinée du lendemain à la chancellerie et au consulat, guidé par M. Ferré qui a une grande expérience acquises dans de nombreux postes consulaires. La communauté a beaucoup souffert des exactions qui ont été commises contre elle en novembre 2004. Non seulement plus de 8000 compatriotes ont été rapatriés en France (dans les meilleures conditions possibles grâce à l’efficacité des Forces françaises et du MAE), mais nombreux d’entre eux ont été molestés, ont vu leurs biens personnels et leurs maisons pillées, leurs entreprises saccagées. Souvent c’est toute une vie de travail et d’amour pour la Côte d’Ivoire qui a été ainsi comme effacée en quelques heures. La communauté qui était de 30 000 inscrits en 1984 est maintenant réduite à environ 10 500 dont 60% de binationaux et environ 1000 franco-libanais. On estime que sur les 8000 Français qui avaient quitté la Côte d’Ivoire en 2004, environ 1000 sont revenus.
Le premier problème est celui de la sécurité de notre communauté. Un plan de sécurité très structuré couvre Abidjan et l’ensemble du pays. Les questions de scolarité sont également essentielles pour la communauté (nous en traiterons l’après-midi). La question des visas reste un des problèmes principaux du Consulat (20 à 30 % de refus pour 20000 demandes). Les équipements pour la prise des données pour les visas biométriques sont en place et seront mises en œuvre dès que les instructions seront publiées
La CCPAS délivre 110 allocations de solidarité (480€ par mois) dont les 4/5èmes pour des personnes âgées et 1/5ème pour des handicapés. Un des problèmes est celui de leur couverture médicale : les assurances privées, comme la CFE restent chères. En cas d’hospitalisation, ils doivent être pris en charge par le MAE ou par les associations de bienfaisance. La baisse de la cotisation en 3ème catégorie aidée devrait résoudre le problème.
Le service de l’état-civil souligne les difficultés dans le fonctionnement du système RACINE de saisie des données personnelles. Un gros effort de mise à niveau est nécessaire.
Un déjeuner est offert par M. le Consul général, et auquel participent M. l’Ambassadeur, Mmes et M les conseillers élus à l’AFE, M.de Lesquen, conseiller de coopération, les colonels des Forces françaises.
Ce qui frappe le plus et dont je n’avais pas conscience, c’est l’arrêt complet de toute aide, coopération et assistance depuis novembre 2004. Tous les coopérants techniques ont été rapatriés, ce qui était normal de faire à ce moment mais rien n’a repris depuis. L’AFD comme toutes les autres agences françaises sont absentes.
Il me semble que le moment est venu de reprendre progressivement notre coopération selon le développement du plan de paix et les garanties de sécurité qui sont données à la communauté française.
L’après midi le consul général, M. de Lesquen, Yvonne Trah Bi et moi-même nous visitons le lycée Blaise Pascal qui est le grand établissement français d’enseignement primaire et secondaire (1100 élèves). Détruit par les émeutiers anti-français en novembre 2004, il est actuellement en reconstruction, sur financement ivoirien, et devrait pouvoir rouvrir pour la rentrée 2008. La question reste de savoir quelles seront les classes rouvertes : collège ou lycée.
Avec M. de Lesquen, nous participons ensuite à une réunion avec les chefs d’établissements homologués de Côte d’Ivoire : Lamartine, La Pépinière, Le Nid de Cocody, Paul Langevin, Sévigné et Copea-Efci, avec Mmes Rechenman et Trah Bi, conseillers à l’AFE. Ces établissements scolarisent 5400 élèves dont 31% de Français et avec les établissements non homologués, 7500 élèves. Le principal souci est de faire en sorte que ce soit les classes de lycée qui soient rouvertes en priorité à Blaise Pascal, ainsi que la nécessité de pouvoir faire passer les examens sur place (centre déconcentré de Dakar). Un des points soulignés est le fait que, dans le cas des enseignements CNED, les bourses ne couvrent que la partie CNED et non les frais de scolarité dans l’établissement, souvent beaucoup plus élevés.
Le soir un débat suivi d’un dîner réunit une soixantaine d’adhérents de l’ADFE et du PS au restaurant « La Cascade »
Le 6 novembre nous partons pour Bouaké avec l’Ambassadeur et le commandant de la force Licorne, le général Clément-Bollée. Nous voyageons dans un Cougar de la force Licorne. Au lycée de Bouaké, qui avait été reconverti en base pour nos soldats, cérémonie émouvante pour les 9 soldats français et un citoyen américain tués il y a exactement trois ans par l’aviation ivoirienne (deux Sukhoï pilotés par des biélorusses). Les Forces françaises détruiront peu de temps après les Forces aériennes ivoiriennes. Les responsabilités politiques et militaires n’ont jamais été établies. La cérémonie est conduite par le général Clement-Bollée avec les troupes du 43ème BIMA.
Une collation à la base me permettra de rencontrer un grand nombre d’officiers et d’hommes du rang qui viennent de faire « la rotation » c’est à dire de venir de Sarrebourg, lieu de cantonnement du 43éme BIMA en France, pour une durée de 4 mois.
Selon la mise en place de l’Accord de Ouagadougou de mars 2007 entre Laurent Gbagbo et Gujillaume Soro, le chef des Forces Nouvelles, avec l’appui de Blaise Compaoré, le président Burkinabé, les forces Licorne et celles de l’ONUCI vont réduire progressivement leur présence. Trois facteurs sont d la démilitarisation des différents groupes armés, le succès des audiences foraines qui statuent sur la nationalité des citoyens et sur leur inscription sur les listes électorales en vue de la prochaine élection présidentielle, maintes fois reportée mais qui devrait se tenir au premier trimestre 2008 (Laurent Gbagbo a été élu en 2000 pour 5 ans et se trouve donc sans légitimité démocratique) et enfin de l’installation de l’administration (remplacement des « comzones » du Nord et de l’Ouest (Forces nouvelles) par les préfets nommés par le Président.
De retour en fin d’après midi à Abidjan pour une réunion de travail à la Mission économique française avec les Conseillers du commerce extérieur : Fabrice Desgardin (CFAO), Christian Herpin (délégué régional d’Air France) et Jean Claude Schmidt (directeur général de Solibra- brasserie). Nous faisons le point sur la situation économique en Côte d’Ivoire et de la situation des entreprises françaises. Celles-ci, après un coup d’arrêt rude en novembre 2004, ont repris progressivement leurs activités et se portent plutôt bien. Elles bénéficient de la bonne conjoncture ivoirienne alimentée par le pétrole (80 000 barils/jour) et le cacao (environ 300 000 tonnes), même si la qualité est en baisse. Elles représentent 30% du PIB et 50% des recettes fiscales du pays. Les principaux problèmes sont l’état des infrastructures et les tracasseries administratives (douanes et impôts). Un point plus précis devrait être fait sur la convention fiscale (problème des dividendes).
Le soir, l’Ambassadeur offre une réception pour 1000 invités de la communauté française, qui me permet de rencontrer de nombreux compatriotes engagés dans des secteurs d’activité très divers.
La journée du 7 novembre est consacrée aux entreprises puisque c’est le dixième anniversaire de la Chambre de commerce et d’industrie française en Côte d’Ivoire. Elle est présidée par Michel Tizon, son fondateur, par ailleurs conseiller à l’AFE et que je retrouve lors des travaux de la Commission des affaires économiques et financières. Elle regroupe environ 700 entreprises dont 300 ivoiriennes et représente une belle réalisation.
Nous rencontrons ensuite la presse écrite et télévisuelle ivoiriennes pour répondre aux questions.
Après un déjeuner amical offert le consul général, je visite, avec M. de Lesquen et Yvonne Trah Bi, le Centre culturel français au Plateau, fermé depuis 2002, sauf pour la lecture sur place à la bibliothèque), et qu’il semble nécessaire de rouvrir au public le plus rapidement possible.
Le soir une réception me permet de rencontrer plusieurs dirigeants ivoiriens (MM. Seydou Diarra, ancien premier ministre, Diby Koffi, ministre de l’économie et des finances, plusieurs présidents et directeurs généraux de grandes entreprises ivoiriennes) et la très grande majorité des responsables d’entreprises françaises.
Retour à Paris dans la nuit du 7 au 8 novembre.