Christian Job, notre ambassadeur aux Comores, nous accueille à Moroni, sur la plus grande des trois îles de l’archipel, et nous rappelle le contexte des délicates relations entre la France et les Comores. Lors du referendum de 1974 décidant l’indépendance des Comores la quatrième île, Mayotte, a voté son maintien dans le giron français, ce qui a été accepté par la France, contrairement à la règle tacite suivie depuis 1945 par les puissances ex coloniales : ne pas modifier les frontières d’un Etat colonisé accédant à l’indépendance. Il s’en suit chaque année, à la demande de la Fédération de Comores, une mise en cause régulière de la France devant l’Assemblée générale des Nations-Unies.
Puis les tentatives de sécession de l’île d’Anjouan en 1997 et ses demandes de rattachement à la France ont aggravé le climat. Depuis lors les relations franco-comoriennes traversent des hauts et des bas. Le dernier signe encourageant est la rencontre, en septembre de cette année, entre les présidents des deux pays, et le lancement d’une commission ad hoc de règlement des contentieux ; le dernier signal inquiétant est la fermeture de l’unique banque du pays, la BIC, dont 50 % du capital est français (BNP), suite à la condamnation inique – les juges étant corrompus - de son directeur.
Cela aggravera encore les difficultés de l’archipel, dont la situation économique est désastreuse. Le sol volcanique est aride, et les seules ressources d’exportation (ylang-ylang, vanille, girofle) sont en chute libre. Les importations, seules sources de recettes fiscales, ont baissé de 40 %. La population (800 000 habitants) ne survit que par les transferts massifs d’argent (40 millions d’euros chaque année, soit le montant du budget de l’Etat…) de la diaspora comorienne (350 000 personnes en France).
Il y a 1475 Français immatriculés, dont 1100 sont bi-nationaux.
En ce qui concerne le fonctionnement des services consulaires, l’ambassadeur souligne le besoin d’un agent supplémentaire pour l’état-civil, et de moyens suffisants pour rénover les locaux et la Résidence qui sont mal adaptés aux tâches qui sont les leurs et en mauvais état.
Le premier Conseiller Jean-Marc Transon nous présente le plan de sécurité, qui serait encore plus opérationnel si les liaisons radio étaient modernisées.
Anne Bordron, consule adjointe, nous fait visiter le consulat. Les locaux sont rébarbatifs et peu accueillants de l’extérieur, et de fait vétustes et malcommodes à l’intérieur. Sur les six agents, trois sont employés à débusquer les innombrables fraudes à l’état-civil, deux à examiner les demandes de visas (6000 par an, la moitié satisfaites). Le dernier, Jean-Claude Vaquié, est affecté à l’administration des Français. Quatre Français seulement bénéficient d’allocations de solidarité, un chiffre surprenant puisqu’un élève sur deux est boursier… Il semble qu’il n’existe pas de service social digne de ce nom dans un consulat obnubilé par la chasse aux fraudes.
Le soir, réunion avec une partie de la section ADFE des Comores, avec une vingtaine de participants autour de Aboubacar Abdulwahab (président), Houssein Moussa (vice-président) et Fatima Boinaissa (secrétaire).
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Le lendemain, nous visitons l’école française Henri Matisse où nous sommes reçus par Sophie Villedieu, principale, Laurent Maillet, directeur du primaire et Mahmoud Cheikh, président de l’APE. Ecole conventionnée qui sort d’une crise financière et de confiance ces dernières années, elle est engagée dans une politique active de redressement avec une augmentation significative des écolages pour faire face à la réduction du nombre d’expatriés et à l’accroissement des « remontées » vers l’AEFE. Les écolages sont cette année de 480 € par trimestre. L’école compte 366 élèves dont la moitié sont boursiers.
Jérôme Gandon, directeur de l’Alliance franco-comorienne nous montre son établissement, un beau et vaste bâtiment qui fonctionne de façon dynamique avec 2 400 membres dans la Grande Ile (il y a une Alliance sur chaque île).
Au Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) nous nous entretenons avec Monique Bauer, conseillère, Anne Gäelle Muths et M. Youseffi, attachés de coopération. Malgré l’existence d’un Document cadre de partenariat signé fin 2006 avec tous les donneurs pour un montant de 88M € sur 5 ans, la coopération est bloquée par les difficultés politiques déjà évoquées. En particulier la politique française qui consiste à développer Anjouan pour limiter l’immigration illégale vers Mayotte se heurte à l’opposition des Comores. Il reste finalement une enveloppe de 700 000 € pour réaliser des projets en bilatéral.
Philippe Collignon, directeur de l’AFD, nous explique pourquoi aucune entreprise française, petite ou grande (Colas, Novotel parmi d’autres ont échoué) n’est parvenue à s’implanter aux Comores : contrats pas honorés, corruption, chantage etc. Il ne reste que quelques entreprises franco-comoriennes. L’AFD, qui dispose de la moitié des 88 millions d’euros de l’accord de partenariat, n’en a jusqu’ici utilisé que 1,3 million, et doute de pouvoir aller plus loin, faute de trouver ici les capacités suffisantes pour mettre en œuvre et mener à terme des projets de développement. Le développement et la solidarité sont étouffés par la corruption et les tentatives très vite détournées ou sabotées par la corruption. L’espoir de changement pourrait venir d’une modernisation des mentalités et des attitudes des enfants de la diaspora à l’étranger.
Le soir, un cocktail organisé par la section ADFE me permet de m’adresser aux Français de Moroni, suivi d’un dîner amical avec une cinquantaine de personnes.
Le 14 décembre, avant de prendre l’avion du retour, nous allons à Mitsamiuli, dans le nord de l’île, où nous rencontrons une petite communauté de Français et visitons une ferme-distillerie d’ylang-ylang.