Tananarive
A mon arrivée à Tananarive le 30 novembre, j’ai été reçu, avec Jean-Daniel Chaoui, par Marie-Claire Gérardin, chargée d’affaires à Madagascar en attendant que notre nouvel ambassadeur (M. Gildas Le Lidec) ait pris son poste. Elle évoque les relations franco-malgaches, et les incertitudes, en particulier juridiques, qui pèsent sur le dynamisme des affaires. Les délestages quotidiens de courant gênent les populations et nuisent aux entreprises, qui commencent à se décourager ; certaines sociétés sont déjà parties pour Maurice où le droit de propriété et la fiscalité sont plus favorables. De nouveaux contentieux ont surgi : avec Total sur le prix du kérosène, sur la pêche illégale.
D’une façon plus générale, l’attitude de Madagascar vis-à-vis de la France reste fluctuante entre amitié forte et affirmée basée sur notre histoire commune et volonté de tenir l’ancienne puissance colonisatrice à distance, de d’émanciper de la francophonie (demande de participation au Commonwealth).
Nous visitons ensuite le consulat avec Rosalinde Nguyen, consule adjointe, et Matthieu Pimont, vice-consul. Le consulat distribue 3 300 bourses, et pour l’aide aux 27 000 Français dispose de deux assistantes sociales Il traite chaque année 18 000 demandes de visas, dont 15 % sont refusées.
Le CITE (Centre d’Information Technique et Economique) que nous visitons ensuite avec sa directrice générale Isabelle Gachie, et Christian Oquet, conseiller de coopération et d’action culturelle, fête justement ses 40 ans. Il a pour but de fournir de la documentation technique (il publie 31 000 ouvrages), des études de filières, des services d’appui. Ses ressources proviennent essentiellement des services facturés aux entreprises, la France y participant par le financement de deux postes d’assistants techniques et le versement d’une subvention couvrant 20 % de son budget. Cette petite structure – 70 employés, répartis sur les 10 antennes régionales du Centre – joue un rôle indispensable dans un secteur trop négligé : la formation professionnelle et l’aide à la création d’entreprises.
Déjeuner à la Résidence avec des représentants de la communauté française : Marie-Claire Gérardin, le consul général Alain Jouret, Rosalinde Nguyen, les deux conseillers AFE, Mme Blonde (Tana Accueil), le père Tronchon, auteur de l’ouvrage sur la révolte de 1947, les présidents de l’ADFE et de l’UFE, le proviseur Joël Lust et Christian Oquet.
Nous évoquons la situation des entreprises françaises confrontées à des contrôles fiscaux de plus en plus tatillons, alors même que les mesures prévues pour 2009 leur sont favorables : baisse de l’IS à 25%, suppression des taxes sur les transferts à l’étranger. Sont aussi évoquées les difficultés dues aux coupures d’électricité de la JIRAMA, de plus en plus fréquentes et gênantes. Le problème devient grave et nécessite un plan volontariste.
Nous parlons de l’enseignement français avec un afflux d’élèves que les écoles AEFE ne peuvent plus prendre. Il faut envisager d’une part une extension du lycée (un terrain a été trouvé) pour 900 élèves environ. Un projet pourrait être étudié avec d’autres partenaires comme le Fondation de l’Aga Khan qui souhaite monter une école. Le développement d’une communauté wahaabite dont une partie des enfants s’inscrivent au lycée français pose la difficile question de la cohabitation dans une structure républicaine.
L’après-midi est consacré à la visite de l’école A, avec son directeur Luc Vandecasteele. Joël Lust, proviseur du Lycée français, et M Rivière, agent comptable, nous annoncent que les sommes nécessaires aux travaux de mise aux normes des locaux (étanchéité, électricité) ont été budgétées. Il restera d’autres problèmes à régler, soulevés par M Heudron, président de l’APE « les enfants d’abord », par exemple la sécurité des enfants à la fermeture de l’école.
L’augmentation des droits de scolarité dans les EGD (53 % en trois ans) pousse de nombreux parents, surtout de foyers malgaches, à préférer des écoles homologuées. Les EGD deviendraient de fait réservés aux Français, ce qui est contraire à leur vocation… D’autre part, les écoles homologuées reçoivent leur homologation de l’Education nationale pour la conformité de leur enseignement aux programmes français, mais ne subissent aucun contrôle en matière d’hygiène, de sécurité, de pédagogie, et sont très souvent défaillantes dans ces domaines. Il serait pourtant légitime d’ajouter des conditions supplémentaires (d’hygiène, de sécurité) à leur homologation, dans la mesure où des élèves reçoivent des bourses françaises.
Nous rencontrons ensuite les responsables de l’enseignement français et de l’AEFE à Madagascar : Etienne Rabaté, conseiller culturel adjoint ; Francis Carrié, coordonnateur des établissements français ; Joël Lust et Bruno Maris, proviseur adjoint. Représentaient l’ADFE Jean Daniel Chaoui, Pascal Farines, (vice président) et Françoise Rakotobé (secrétaire générale), et l’UFE : Marie-Louise Mauxion, présidente, Didier Lepine, vice-président, Patrick Charron, secrétaire général et Eric Faritiet. Etienne Rabaté a présenté l’excellent travail qui a été réalisé pour le plan à 3 ans à partir de la situation de tous les établissements de l’île, après plusieurs audit et des missions d’expertise immobilière. Les recommandations concernent l’extension du lycée, le maintien des lycées de province selon l’évolution du nombre d’inscrits, en particulier pour Fianarantsoa, et pour le moment le maintien des petites structures comme Ambanja, Hell Ville, Morondava, Manakara. L’évolution du système éducatif malgache est évoquée : l’introduction du français a été retardée à la 3iéme classe du primaire, le cycle du primaire allongé, ce qui entraîne la déconnexion des deux systèmes d’enseignement. Ces mesures risquent d’une part de remettre en cause l’équivalence du baccalauréat malgache avec le baccalauréat français et d’autre part d’entraîner un afflux d’inscriptions vers les établissements homologués.
Nous rejoignent ensuite les représentants les conseillers à l’AFE Xavier Desplanques et Gérard Martin. Nous évoquons l’avenir de l’ASFOR qui est chargée de la formation professionnelle et dont la France se retire. Les associations vont préparer un projet de relance du centre. De même l’avenir du CMS semble sombre puisque le médecin français ne devrait pas être remplacé, et les activités externalisées. Là encore un projet de relance est nécessaire.
Une réception nous permet le soir de rencontrer une partie de la communauté française.
L’ADFE de Madagascar a tenu le matin du 1er décembre son assemblée générale annuelle, avec de nombreux participants, au cours de laquelle un nouveau bureau a été élu.
Le soir était organisée une conférence sur la politique française vis-à-vis de l’immigration au cours de laquelle j’ai parlé de l’évolution du concept d’identité nationale, d’intégration et sur le contenu des différentes lois (6 en tout) ces dernières années.
Majunga
Arrivés le dimanche soir 2 décembre à Majunga, nous avons participé à une rencontre, organisée par Isabelle Rageau de Bohan avec une trentaine de Français sympathisants de l’ADFE, qui décident de formaliser la création d’une section de l’ADFE à Majunga lors d’une Assemblée générale en janvier prochain.
Le lundi 3, nous visitons le consulat avec Jean-Pierre Septier, le nouveau consul, assisté de Cécile Vernet, sa secrétaire. Il avoue que les effectifs sont beaucoup trop justes : pour gérer les 2500 Français de Majunga, (40 % de bi-nationaux) il ne dispose que de quatre personnes (pour une population équivalente, le consulat de Tamatave a six agents, et Diégo 12). Fabien Gillet traite des questions sociales et de nationalité, Jean-Louis Tobegno est chargé de l’administration des Français et de la régie, et Georgine Andriamahazohery des visas. Le consulat délivre 50 allocations de solidarité ; un des soucis est l’aide médicale, car le médecin référent ne peut suffire et les ressources locales sont très faibles. Dans ce contexte de pénurie de soins, la pérennisation du CMS de Tananarive semble indispensable.
Le collège Françoise Dolto (établissement conventionné) est un agréable ensemble de bâtiments vastes et aérés à la périphérie de la ville. Nous y sommes accueillis par la principale Martine Plantier et le directeur du primaire Jean-Jacques Levancau. L’école scolarise 360 enfants (150 enfants en maternelle, 210 dans le primaire), et le collège 184, les effectifs étant stables voire légèrement à la hausse. La moitié environ sont boursiers.
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Une réunion avec des représentants des personnels et des parents d’élèves (dont Jacquie Iserentant, présidente de l’APE gestionnaire) montre les problèmes qui se posent. D’une part, la nécessité d’augmenter considérablement les écolages (de 16 % puis 23 % l’année d’après), à cause du relèvement brutal par l’AEFE du taux de remontée (de 40 à 100 %, sans palier intermédiaire), de l’augmentation de la proportion du salaire des résidents (de 23 à 40 % sur trois ans). Le niveau des écolages à l’école Françoise Dolto étant assez bas (500 à 700 euros par an), il sera difficile d’obtenir une révision de la décision de l’AEFE, mais un aménagement du calendrier, avec des étapes, devrait pouvoir être négocié. Une autre idée serait qu’une aide à l’investissement pédagogique (matériel informatique) compense les sommes affectées à l’augmentation de la remontée. D’autre part, un début de conflit opposait les représentants du personnel (Emmanuel Suquet, Mmes Rasamoely et Koutrokois) et l’association de gestion sur la réévaluation de la grille des salaires ; mais la discussion a fait apparaître une volonté d’arriver à un accord et le conflit semble pouvoir être évité.
Nous visitons ensuite avec son directeur Emmanuel Labrande l’Alliance Française, installée depuis 1975 dans un vieux palais chargé d’histoire, la résidence d’un sultan yéménite. L’Alliance compte 1000 adhérents et organise 7 classes de FLE principalement pour des enfants. Parmi les activités culturelles, la musique et la danse, traditionnelles ou modernes.
L’après-midi est consacré à une rencontre avec les représentants de l’ADFE – Jean -Daniel Chaoui, président de l’ADFE-Madagascar et Océan Indien – et de l’UFE- Majunga : Michel Marc, vice-président et René Guignard, trésorier – autour de Me Michel Ducaud, conseiller UFE à l’AFE. Différents problèmes touchant les Français sont évoqués, des pressions fiscales illégales à la pénurie de soins. A ce dernier titre, tout les participants à la rencontre s’accordent pour souligner l’impérieuse nécessité de maintenir le CMS et pérennise le poste du Dr Ziegle. Un courrier commun pourrait être fait.
Nous visitons enfin l’internat de l’association Janine Henrion d’entraide des Français de Majunga. Ce centre fournit une cinquantaine de déjeuners, et héberge 19 pensionnaires, garçons et filles de 5 à 16 ans, orphelins, dans de grandes difficultés ou dont les parents vivent loin de la ville, et leur fournit le toit, l’entretien, le soutien affectif et l’aide scolaire…. Le tout sans grands moyens financiers (l’association récupère pour l’essentiel les bourses dont bénéficient les enfants) mais avec l’efficacité et le dévouement sans bornes de sa directrice Patricia Razolopomijana.
La journée s’est terminée par une réception offerte par le consul et qui m’a permis de rencontrer des Français de Majunga et revoir mes interlocuteurs de la journée.
Le 4 décembre se tient une rencontre avec les opérateurs économiques français de Majunga : Antoine Rossignol (Réfrigépêche), Yanick Vernet (Pêchexport), Nigar Barday (SIB : savonnerie ; huilerie), Clement Kolo (Nouvel Hôtel), Djivan Mamode (Sté Mamode : armateur au cabotage ; savonnerie), Arnaud Havard (Vitogaz), Anne de Guéry (conseiller juridique) et Florent Héricher (Maderi Tours : hôtel).
Tous insistent sur les difficultés provoquées par l’augmentation du carburant et les défaillances dans la distribution de l’électricité ; s’inquiètent de la hausse désordonnée et imprévisible de la fiscalité, évoquant même un harcèlement fiscal ; l’absence de véritable droit foncier paralyse par ailleurs les investissements, en particulier dans le secteur hôtelier. Il semble que les investisseurs étrangers ne soient pas encouragés, et que les règles du droit malgache ne soient pas toujours appliquées.